Le
comédien tunisien Migalo, de son vrai nom Wassim Lahrissi, dans les
studios d'une radio le 13 février 2015 à Tunis (Photo Afp)
Deux vedettes de l'audiovisuel tunisien ont été arrêtées vendredi et seront jugées le 25 mars notamment pour "offense" au chef de l'Etat Béji Caïd Essebsi, une affaire aux circonstances confuses qui marque une première depuis l'élection du président en décembre.
La présidence a rapidement précisé qu'elle n'avait "rien à voir" avec les poursuites contre l'animateur de télévision Moez Ben Gharbia et l'humoristique-imitateur Wassim Lahrissi (Migalo de son nom de scène), assurant que le chef de l'Etat était le "principal garant" de la liberté de presse et d'expression.
"Le parquet a décidé de les placer en détention", a dit à l'AFP le porte-parole du parquet, Sofiène Sliti.
Les deux hommes ont été arrêtés pour avoir "commis une offense au chef de l'Etat, une escroquerie et s'être indûment attribués des titres". Ils resteront en prison jusqu'à leur procès prévu dès le 25 mars, a ajouté M. Sliti.
"On n'entre pas dans les détails de l'affaire car c'est ce qu'exige le bon déroulement de l'enquête", a-t-il dit, sans préciser si les délits dont sont accusés les deux hommes ont été commis dans le cadre de leurs activités médiatiques.
Dans un communiqué, la radio employant Migalo, Mosaïque FM, a appelé à sa libération.
"S'il s'avère que cette affaire est en rapport direct ou indirect avec la fonction de Wassim Lahrissi ou avec ses positions satiriques et sarcastiques, elle n'épargnera aucun effort pour le défendre et dénoncer toute pratique portant atteinte à la liberté d'expression", a dit la radio.
"Les avocats chargés de ce dossier ont affirmé que l'affaire est en relation avec des appels téléphoniques en vue d'obtenir des informations dans le cadre de l'activité médiatique de Moez Ben Gharbia", a-t-elle poursuivi.
La radio avait plus tôt indiqué sur son site que Migalo se serait fait passer pour le chef de l'Etat lors d'un entretien téléphonique avec un homme d'affaires tunisien. Cet homme d'affaires aurait précédemment demandé à M. Ben Gharbia d'intercéder en sa faveur auprès du président Caïd Essebsi.
La présidence a de son côté affirmé que "la liberté de presse et d'expression (étaient) un acquis que le président de la République s'est engagé à défendre, et il en est le principal garant".
M. Ben Gharbia était un présentateur star de l'une des principales télévisions privées du pays, Ettounsiya. Il a depuis quitté cette chaîne et prépare le lancement de la sienne, prévu courant 2015.
L'offense au chef de l'Etat est passible de trois ans de prison (article 67 du code pénal), l'usurpation de titres de deux ans (article 159) et l'escroquerie de cinq ans (article 291).
L'avocat et défenseur des droits de l'Homme Ghazi Mrabet a critiqué la classe dirigeante tunisienne qui depuis la révolution de 2011 n'a pas nettoyé le Code pénal de ses dispositions répressives.
"Le Code pénal a été promulgué en 1913 et contient des lois rendues caduques par la révolution", a-t-il dit à l'AFP. "Les gouvernements se succèdent et aucun n'a voulu prendre la responsabilité de reformer le Code Pénal".
"Il faut réviser cette disposition de manière à restreindre son application à des cas extrêmes ou très graves", a de son côté affirmé à l'AFP Amna Guellali, la représentante de l'ONG Human Rights Watch à Tunis, qualifiant ce délit d'"aberration".
La Tunisie, qui vient d'achever sa transition postrévolutionnaire avec des législatives et une présidentielle au dernier trimestre 2014, a été louée dans le monde entier pour ses progrès démocratiques après des décennies de dictature.
Elle fait figure d'exception parmi les pays du printemps arabe qui ont basculé dans la répression ou la guerre.
Béji Caïd Essebsi, 88 ans, est un vétéran de la scène politique ayant notamment servi comme ministre de l'Intérieur du père de l'indépendance tunisienne, Habib Bourguiba, et brièvement comme président du Parlement sous le président Zine El Abidine Ben Ali, renversé par la révolution de janvier 2011.
Il s'est toujours engagé à respecter la liberté d'expression acquise depuis le soulèvement.
Ses détracteurs l'accusent cependant d'être entouré de personnalités issues du régime de Ben Ali et disent craindre un retour à des pratiques autoritaristes.
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