Des foules de partisans et d’opposants au président Mohamed Morsi se
massaient mercredi à travers l’Égypte avant l’expiration à 16 heures GMT
d’un ultimatum de l’armée le menaçant d’imposer sa propre "feuille de
route" s’il persiste à rester au pouvoir. L’armée était engagée
entre-temps dans d’intenses tractations sur cette "feuille de route"
avec l’opposition et des responsables religieux, selon une source
militaire. Les représentants des partis islamistes, dont celui de
M. Morsi, ont été invités, mais ne sont pas venus. Les militaires ont
annoncé qu’ils publieraient un communiqué après l’expiration de
l’ultimatum sans toutefois avancer d’heure précise, au moment où le pays
traverse sa plus grave crise politique depuis la chute du régime de
Hosni Moubarak en février 2011.
Mohamed Morsi, accusé par ses détracteurs d’accaparer le pouvoir au
profit des Frères musulmans, a de nouveau martelé mardi qu’il ne
quitterait pas le pouvoir, faisant valoir sa "légitimité" gagnée à
l’issue de la première présidentielle démocratique de l’histoire du
pays, il y a un an. Lundi, l’armée lui a donné 48 heures pour
"satisfaire les revendications du peuple", dont une partie manifeste par
des dizaines de milliers depuis dimanche pour appeler à son départ.
Alors que des violences, notamment lors de heurts entre pro et
anti-Morsi, ont déjà fait 47 morts depuis une semaine, le ministère de
l’Intérieur a affirmé qu’il répondrait "fermement" à toute violence.
Sur l’emblématique place Tahrir, des milliers de manifestants étaient
rassemblés dans l’après-midi scandant "Dégage !" à l’adresse de Mohamed
Morsi. "Il a répété au moins 1 000 fois le mot ’légitimité’ comme si
nous n’existions pas. Sa légitimité, il la tient du peuple qui
aujourd’hui manifeste partout contre lui", a déclaré Rouaya, 19 ans, une
jeune manifestante voilée rejetant le discours de Mohamed Morsi.
Ailleurs au Caire, des milliers de pro-Morsi étaient toujours massés sur
la place Rabaa al-Adaouiya, au Caire. Les rassemblements anti-Morsi
commençaient également à se former dans d’autres villes, dont Alexandrie
(nord) et Port-Saïd, sur le canal de Suez. Mardi, 16 personnes ont péri
dans une attaque contre un rassemblement d’islamistes pro-Morsi près de
l’université du Caire, selon le ministère de la Santé. Sept autres
personnes ont été tuées lors d’affrontements ailleurs dans la capitale.
Près d’une centaine d’agressions sexuelles ont par ailleurs été commises
sur la place Tahrir et ses environs au Caire en quelques jours, en
marge des manifestations anti-Morsi, a rapporté Human Rights Watch
(HRW). Lors d’intenses tractations, le chef de l’armée, Abdel Fattah
al-Sissi, discutait avec le représentant de l’opposition Mohammed El
Baradei et des chefs religieux de la "feuille de route" qui prévoit,
selon la presse, une "période de transition" sous étroite surveillance
de l’armée. Celle-ci avait déjà pris les rênes de l’exécutif après le
départ du président déchu Hosni Moubarak.
Auparavant, des responsables militaires s’étaient réunis autour du
général al-Sissi, jurant au début de la rencontre de sacrifier leur
"sang pour l’Égypte et son peuple, contre tous les (groupes)
terroristes, extrémistes et ignorants". "Aujourd’hui : éviction ou
démission", affirmait en une le quotidien à grand tirage al-Ahram,
détenu par l’État. El Watan (indépendant), à l’unisson de nombreux
autres journaux, titrait laconiquement : "La fin". Le camp pro-Morsi
dénonce une tentative de coup de force contre le chef de l’État, pour
permettre un retour au pouvoir des militaires.
Selon le journal gouvernemental al-Ahram, la "feuille de route" prévoit
la nomination d’un conseil présidentiel de trois personnes dirigé par le
président de la Haute Cour constitutionnelle et une suspension de la
Constitution pouvant durer jusqu’à un an. Un gouvernement de
technocrates apolitiques serait formé pour la période de transition sous
"la direction d’un des chefs de l’armée", écrit le journal. Toute
personne s’opposant à ces mesures pourrait être placée en résidence
surveillée puis traduite en justice. Les dirigeants des Frères musulmans
seraient placés sous surveillance, avec de possibles mesures
d’assignation à résidence, contrôle des avoirs, interdiction de quitter
le pays, etc. Depuis lundi, cinq ministres et le porte-parole du
président ont présenté leur démission, isolant un peu plus Mohamed Morsi
invité par Washington et Paris à "écouter" son peuple.
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Morsi appelle à un "gouvernement de consensus" pour régler la crise
Le président égyptien Mohamed Morsi a appelé mercredi à former un
"gouvernement de coalition et de consensus" au moment où expirait un
ultimatum lancé par l’armée, menaçant d’imposer sa propre "feuille de
route" au chef d’Etat s’il ignorait les "revendications du peuple".
Sur sa page Facebook officielle, M. Morsi, contesté par une partie de la
population, a appelé à "former un gouvernement de coalition et de
consensus afin d’organiser des législatives à venir".
(03-07-2013)
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