jeudi 4 juillet 2013

Égypte : L’armée suspend la Constitution, démet Mohamed Morsi

L’armée a repris mercredi la place qu’elle a longtemps occupée au centre du jeu politique en Égypte, annonçant la mise à l’écart du président Mohamed Morsi et la suspension temporaire de la Constitution afin de trouver une solution à la crise que traverse le pays.
L’annonce de ces mesures d’exception a été faite à la télévision nationale par le général Abdel Fatah al Sissi, chef de l’état-major, à l’issue d’une rencontre avec les dirigeants de l’opposition et des communautés religieuses ainsi qu’avec les représentants des mouvements de jeunesse.
Ces décisions mettent fin à une année d’exercice du pouvoir par les Frères musulmans et ouvrent une période de transition politique qui doit conduire à de nouvelles élections présidentielle et parlementaires dans un délai restreint. L’armée, qui se tenait en retrait des coulisses du pouvoir depuis quelques mois, a démontré qu’elle demeurait un acteur institutionnel majeur lors de cette journée à rebondissements.
Les militaires avaient donné au chef de l’Etat jusqu’à 17h00 pour répondre aux attentes des centaines de milliers de manifestants réclamant son départ depuis plusieurs jours.
A l’expiration de ce délai, et alors qu’aucun accord n’avait été trouvé, les choses se sont accélérées.
L’armée a d’abord pris position dans plusieurs lieux stratégiques du Caire, près du palais présidentiel et devant le siège de la télévision nationale.
Elle a ensuite apporté son soutien à la "feuille de route" mise au point par l’opposition, les dignitaires religieux et les organisations de la jeunesse. Enfin, forte de l’appui d’une large partie de la population, elle a informé Mohamed Morsi qu’il n’était plus président de l’Egypte, un an après avoir été démocratiquement élu.
Dans son allocution télévisée, Abdel Fatah al Sissi a précisé que le président de la Haute cour constitutionnelle allait devenir chef de l’Etat par intérim en remplacement de Mohamed Morsi. La prestation de serment est attendue jeudi.
Il reviendra au nouveau président, doté du pouvoir de gouverner par décrets, de désigner un gouvernement de technocrates pendant la période de transition.
Au cours de cette période, une commission sera chargée de réviser la Constitution, a ajouté le général Al Sissi.
Par ailleurs, le militaire a annoncé la création d’un comité de réconciliation nationale incluant les mouvements de la jeunesse, en pointe dans la contestation contre Mohamed Morsi.
Ces dispositions ont été approuvées par les dirigeants religieux, le grand cheikh de la mosquée Al Azhar et le patriarche de l’Eglise copte, Théodore II, ainsi que par le chef de file de l’opposition Mohamed ElBaradeï.
Ce dernier est lui aussi intervenu à la télévision pour appeler de ses voeux une élection présidentielle anticipée. Selon lui, la révolution du Nil qui avait été confisquée par les Frères musulmans dont était issu Mohamed Morsi a été relancée par les militaires.
Le calendrier des prochaines échéances électorales sera déterminé par le gouvernement intérimaire, a indiqué un porte-parole de l’armée. Le parti Nour, deuxième formation islamiste d’Egypte, a annoncé qu’il soutenait la feuille de route afin d’éviter un conflit au pays.
L’annonce d’Abdel Fatah al Sissi a été accueillie par des cris de joie et des scènes de liesse sur la place Tahrir au Caire où se rassemblaient les anti-Morsi. "Le peuple et l’armée sont unis comme les doigts de la main", chantaient les manifestants.
"Nous avions chassé un dictateur, nous en avons chassé un deuxième. Nous recommencerons si cela est nécessaire. Nous avons de l’expérience maintenant", expliquait un manifestant installé dans un café près de la place Tahrir.
De son côté, Mohamed Morsi a dénoncé sur son compte Facebook un "coup d’Etat militaire" et ses partisans, réunis dans la banlieue du Caire, ont réagi avec colère, certains arrachant des pavés et dénonçant les annonces d’Al Sissi comme "nulles".
Pro et anti-Morsi se sont affrontés à Alexandrie dans la soirée où des coups de feu ont été entendus, selon des témoins.
Un responsable de la police locale a indiqué que des renforts avaient été appelés et que les forces de l’ordre contrôlaient la situation.
Des heurts entre les deux camps auraient fait quatre morts à Marsa Matrouh dans le nord du pays où se sont déployées des forces de sécurité, a indiqué le gouverneur de la région.
Par ailleurs, la chaîne de télévision Egypt25 des Frères musulmans a été suspendue de diffusion et ses dirigeants ont été arrêtés, a rapporté l’agence de presse Mena.
Mohamed Morsi se trouvait, lui, dans une caserne de la Garde républicaine sans que l’on sache s’il était détenu ou restait libre de ses mouvements. Selon des témoins, les soldats ont dressé des barrières et ont installé des fils de fer barbelés autour de la caserne.
Dans la journée, Mohamed Morsi et de hauts responsables des Frères musulmans s’étaient vu interdire tout déplacement hors d’Egypte.
Dans un message adressé à ses partisans, le chef de l’Etat a appelé à résister pacifiquement "au coup d’Etat militaire" et à ne pas avoir recours à la violence contre les soldats.
Les Etats-Unis se montrent pour l’instant discrets face aux événements en Egypte, ni la Maison blanche, ni le département d’Etat n’ayant fait de commentaire sur le rôle des militaires dans ce basculement politique.

(03-07-2013)

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