L’armée a repris mercredi la place qu’elle a longtemps occupée au
centre du jeu politique en Égypte, annonçant la mise à l’écart du
président Mohamed Morsi et la suspension temporaire de la Constitution
afin de trouver une solution à la crise que traverse le pays.
L’annonce de ces mesures d’exception a été faite à la télévision
nationale par le général Abdel Fatah al Sissi, chef de l’état-major, à
l’issue d’une rencontre avec les dirigeants de l’opposition et des
communautés religieuses ainsi qu’avec les représentants des mouvements
de jeunesse.
Ces décisions mettent fin à une année d’exercice du pouvoir par les
Frères musulmans et ouvrent une période de transition politique qui doit
conduire à de nouvelles élections présidentielle et parlementaires dans
un délai restreint.
L’armée, qui se tenait en retrait des coulisses du pouvoir depuis
quelques mois, a démontré qu’elle demeurait un acteur institutionnel
majeur lors de cette journée à rebondissements.
Les militaires avaient donné au chef de l’Etat jusqu’à 17h00 pour
répondre aux attentes des centaines de milliers de manifestants
réclamant son départ depuis plusieurs jours.
A l’expiration de ce délai, et alors qu’aucun accord n’avait été trouvé, les choses se sont accélérées.
L’armée a d’abord pris position dans plusieurs lieux stratégiques du
Caire, près du palais présidentiel et devant le siège de la télévision
nationale.
Elle a ensuite apporté son soutien à la "feuille de route" mise au point
par l’opposition, les dignitaires religieux et les organisations de la
jeunesse.
Enfin, forte de l’appui d’une large partie de la population, elle a
informé Mohamed Morsi qu’il n’était plus président de l’Egypte, un an
après avoir été démocratiquement élu.
Dans son allocution télévisée, Abdel Fatah al Sissi a précisé que le
président de la Haute cour constitutionnelle allait devenir chef de
l’Etat par intérim en remplacement de Mohamed Morsi. La prestation de
serment est attendue jeudi.
Il reviendra au nouveau président, doté du pouvoir de gouverner par
décrets, de désigner un gouvernement de technocrates pendant la période
de transition.
Au cours de cette période, une commission sera chargée de réviser la Constitution, a ajouté le général Al Sissi.
Par ailleurs, le militaire a annoncé la création d’un comité de
réconciliation nationale incluant les mouvements de la jeunesse, en
pointe dans la contestation contre Mohamed Morsi.
Ces dispositions ont été approuvées par les dirigeants religieux, le
grand cheikh de la mosquée Al Azhar et le patriarche de l’Eglise copte,
Théodore II, ainsi que par le chef de file de l’opposition Mohamed
ElBaradeï.
Ce dernier est lui aussi intervenu à la télévision pour appeler de ses
voeux une élection présidentielle anticipée. Selon lui, la révolution du
Nil qui avait été confisquée par les Frères musulmans dont était issu
Mohamed Morsi a été relancée par les militaires.
Le calendrier des prochaines échéances électorales sera déterminé par le
gouvernement intérimaire, a indiqué un porte-parole de l’armée.
Le parti Nour, deuxième formation islamiste d’Egypte, a annoncé qu’il
soutenait la feuille de route afin d’éviter un conflit au pays.
L’annonce d’Abdel Fatah al Sissi a été accueillie par des cris de joie
et des scènes de liesse sur la place Tahrir au Caire où se rassemblaient
les anti-Morsi. "Le peuple et l’armée sont unis comme les doigts de la
main", chantaient les manifestants.
"Nous avions chassé un dictateur, nous en avons chassé un deuxième. Nous
recommencerons si cela est nécessaire. Nous avons de l’expérience
maintenant", expliquait un manifestant installé dans un café près de la
place Tahrir.
De son côté, Mohamed Morsi a dénoncé sur son compte Facebook un "coup
d’Etat militaire" et ses partisans, réunis dans la banlieue du Caire,
ont réagi avec colère, certains arrachant des pavés et dénonçant les
annonces d’Al Sissi comme "nulles".
Pro et anti-Morsi se sont affrontés à Alexandrie dans la soirée où des coups de feu ont été entendus, selon des témoins.
Un responsable de la police locale a indiqué que des renforts avaient
été appelés et que les forces de l’ordre contrôlaient la situation.
Des heurts entre les deux camps auraient fait quatre morts à Marsa
Matrouh dans le nord du pays où se sont déployées des forces de
sécurité, a indiqué le gouverneur de la région.
Par ailleurs, la chaîne de télévision Egypt25 des Frères musulmans a été
suspendue de diffusion et ses dirigeants ont été arrêtés, a rapporté
l’agence de presse Mena.
Mohamed Morsi se trouvait, lui, dans une caserne de la Garde
républicaine sans que l’on sache s’il était détenu ou restait libre de
ses mouvements.
Selon des témoins, les soldats ont dressé des barrières et ont installé
des fils de fer barbelés autour de la caserne.
Dans la journée, Mohamed Morsi et de hauts responsables des Frères
musulmans s’étaient vu interdire tout déplacement hors d’Egypte.
Dans un message adressé à ses partisans, le chef de l’Etat a appelé à
résister pacifiquement "au coup d’Etat militaire" et à ne pas avoir
recours à la violence contre les soldats.
Les Etats-Unis se montrent pour l’instant discrets face aux événements
en Egypte, ni la Maison blanche, ni le département d’Etat n’ayant fait
de commentaire sur le rôle des militaires dans ce basculement politique.
(03-07-2013)
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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