mardi 19 février 2013

Palestine : Compte-rendu "Baladi" sur la situation précaire des prisonniers palestiniens

Abolir la détention « administrative »
Samer Issawi, dont la grève de la faim a dépassé les 209 jours, sera-t-il finalement libéré ? Dans un message adressé au peuple palestinien, il déclare que son martyre sera la bombe lancée à la face de l’occupation. Il déclare : « je suis plus fort que l’armée de l’occupation et ses lois racistes, je suis Samer Issawi, fils de la ville d’al-Quds. Je vous demande, lorsque je tombe martyr, de porter mon âme comme un cri en faveur de tous les prisonniers et prisonnières, que ce soit le cri pour la liberté, la libération et la fin du cauchemar des prisons et de leurs ténèbres étouffantes. Mon combat est plus grand qu’une question de liberté individuelle. Moi-même et mes compagnons héroïques, Tareq, Ayman et Jaafar, menons une lutte pour tout le peuple palestinien, contre l’occupation et ses prisons, afin que nous soyions libres et maîtres dans notre Etat libéré et dans notre ville d’al-Quds…. Ne craignez pas pour mon cœur s’il s’arrête de battre, ni pour mes mains si elles deviennent paralysées, je suis vivant et je vivrai après ma mort, car al-Quds bouge dans mon sang, dans ma foi et ma doctrine ».

Devenu le symbole de la résistance palestinienne à l’occupation, Samer Issawi sacrifie sa vie pour que la Palestine vive et se libère. Samer Issawi, cadre dirigeant du FDLP, a été emprisonné par les forces de l’occupation pour acte de résistance. Il fut libéré dans le cadre de l’accord d’échange en octobre 2011. Revenu dans sa ville, al-Qods, il a refusé le diktat sioniste l’empêchant de se rendre en Cisjordanie. Il est arrêté par l’occupation et placé en « détention administrative », ce qui signifie que sa simple présence hors de prison constitue, pour les services sécuritaires sionistes, une menace à leur domination. Cette forme de détention est barbare (torture physique, morale et psychique) et humiliante (tout Palestinien qui « gêne » l’occupation est menacé d’arrestation et de détention). Abolir la détention administrative en Palestine occupée est devenue une priorité. D’où la nécessité de lancer une large campagne de dénonciation et d’explication sur ce qu’est cette forme de détention, et exiger son abolition. Le centre palestinien Addameer a décidé de lancer une nouvelle campagne internationale dans ce sens, à partir du 17 avril prochain, qui correspond à la Journée du Prisonnier palestinien.

Shadi Issawi, le frère de Samer Issawi, a été arrêté le 17 février dernier par les forces de l’occupation. La tente de la solidarité avec les prisonniers en lutte installée à Issawiya dans al-Quds a été détruite pour la 24ème fois. Les forces de l’occupation ont attaqué une manifestation allant de Sheikh Jarrah à Issawiya. L’Etat sioniste craint le développement de la solidarité avec les prisonniers en lutte et croit qu’en arrêtant les membres de la famille Issawi, la révolte croissante des Palestiniens prendra fin. Mais c’est le contraire, puisque sheikh Khodr Adnane a appelé les Palestiniens, lors d’une journée de solidarité dans la ville d’al-Khalil, à entrer en confrontation avec les soldats de l’occupation.

Ce cadre dirigeant du mouvement du Jihad islamique, déclencheur de la lutte des prisonniers pour la dignité, a entamé la grève de la faim, en solidarité avec les prisonniers en lutte. Il a annoncé sa participation à la grève de la faim au lendemain d’une journée nationale de solidarité, tenue à Bethlelem, en Cisjordanie, réclamant la libération immédiate des prisonniers grévistes et l’abolition de la détention « administrative ». Réalisant que l’ennemi sioniste profite du silence et de la complicité internationale, il a décidé de réagir en appelant les Palestiniens à accentuer leur soutien et leur lutte contre l’occupation. La mère et les deux frères de Ayman Sharawneh ont entamé la grève de la faim. Au cours d’une journée organisée dans la ville d’al-Khalil en soutien aux grévistes, les membres de la famille de Ayman Sharawneh ont décidé de rejoindre la lutte pour la dignité.

Le CICR réagit de manière honteuse à la lutte des prisonniers et du soutien de leurs familles. Prétextant la présence de sheikh Khodr Adnane dans ses locaux, il a décidé d’empêcher les familles des prisonniers de s’y rassembler, que ce soit à Gaza ou à Ramallah. Bilal Diab, prisonnier libéré ayant également une grève de la faim pour obtenir sa libération, a commenté : « le CICR devrait plutôt fermer ses locaux qui se trouvent dans Tel Aviv ». Le CICR prétend que la présence de sheikh Khodr Adnane gêne les parents des prisonniers, qui souhaitent recevoir leur autorisation pour les visites. La tentative du CICR de diviser entre les grévistes de la faim et les familles de prisonniers a été refusée par les familles même, qui ont affirmé leur soutien à sheikh Khodr Adnane, tout comme les prisonniers ont soutenu la démarche du résistant du Jihad islamique.

L’attitude de l’équipe du CICR installée en Palestine soulève colère et indignation au sein des familles des prisonniers, et de larges couches du peuple palestinien. A l’exception d’un communiqué laconique s’inquiétant de la santé des prisonniers en lutte, le CICR n’a apporté aucune aide et n’a fourni aucun effort pour interpeller les instances internationales sur le sort des prisonniers palestiniens. Il continue à être le fidèle serviteur de l’occupation, et sous prétexte de « neutralité », poursuit une politique de collaboration indigne de quiconque prétend vouloir servir la cause de la liberté et de la justice dans le monde.
Il faut rappeler que les locaux du CICR dans al-Quds ont été envahis par les forces sécuritaires sionistes pour enlever les députés maqdisis qui s’y étaient réfugiés, ayant cru à la « neutralité » du CICR. Mais au fur et à mesure que le peuple palestinien se soulève et revendique son droit à la liberté, il se heurte à tous ces organismes soi-disant humanitaires et droits de l’hommi(stes), internationaux et locaux, qui ont, pendant des années, assuré une couverture légale à l’occupation.

La détention « administrative » des professeurs et journalistes palestiniens : Le dr. Muhammad Izzat Mohammad Yahya, 47 ans, de la ville de Jénine, a été arrêté la première fois en 2000, pendant deux mois. Professeur à l’université al-Qods (université ouverte), il a de nouveau été arrêté le 30 janvier 2012, et détenu « administratif » pendant 7 mois. A la date prévue pour sa libération, sa détention est renouvelée le 8/8/2012, puis de nouveau renouvelée le 5/11/2012 pour 6 mois. Le tribunal sioniste a refusé l’appel de la famille. Le professeur utilise sa détention pour enseigner et diffuser son savoir auprès des autres détenus. ‘Amer Abou Arfa (29 ans), journaliste, est détenu depuis le 21 août 2011 dans les prisons de l’occupation, en tant que détenu « administratif ». Sa détention a été renouvelée le 6 février dernier. Il avait été détenu « administratif » pendant 4 ans, lorsqu’il fut arrêté en 2003.

L’Etat de l’occupation vient de décider que tous les prisonniers libérés au cours de l’accord d’échange en octobre 2011 sont sous la menace de la détention « administrative » prétextant l’existence de « preuves secrètes » pouvant entraîner l’arrestation et la détention. La nouvelle déclaration des sionistes menace également les prisonniers libérés de les obliger à « accomplir » les peines pour lesquelles ils avaient été arrêtés auparavant. Ce qui signifie que l’Etat de l’occupation bafoue, une fois de plus, ses propres engagements, ce qui n’est pas étonnant ni surprenant d’un Etat colonial illégal, mais c’est à l’Egypte qui a supervisé l’accord d’échange, de faire pression pour l’obliger à les respecter.

Statistiques
Le nombre de prisonniers détenus dans les geôles de l’occupation depuis plus de 20 ans s’est élevé à 73 prisonniers. Deux prisonniers de Jénine ont rejoint la liste : Ahmad Sa’îd Qassem Abdel Aziz, détenu depuis le 10 février 1993 a été condamné à la perpétuité pour acte de résistance, et Usama Khaled Silawi, détenu depuis le 16 février 1993, a été condamné à 4 perpétuités et 55 ans, pour avoir mené des opérations de résistance et dirigé le groupe « Panthère noire » dans la province de Jénine. Le combattant prisonnier Usama Silawi a récement réussi, avec trois autres camarades prisonniers, à briser les barreaux pour pratiquer une insémination artificielle de leurs épouses. Il sera, si Dieu le veut, bientôt père.

Portrait
Le combattant prisonnier Khaled Daoud Azraq (43 ans) du camp de ‘Aïda près de Bethlehem est détenu depuis le 12 février 1991. Il a été condamné à la perpétuité pour résistance à l’occupation. Le combattant prisonnier a été détenu alors adolescent, en 1982, pendant deux ans et demi dans la prison de Damon, qui était réservé aux enfants palestiniens. Khaled s’est ensuite marié à Amal Utabi qui l’a secondé dans la résistance. Deux mois après leur mariage, et au cours d’une opération armée contre l’occupation, en décembre 1990, Amal Utabi, enceinte, tombe martyre. Khaled fut arrêté deux mois après. Il a subi un interrogatoire très douloureux.

Prisons secrètes
Une nouvelle fois, est soulevée la question des prisons secrètes dans l’entité sionite occupante. D’après les sources sionistes elles-mêmes, les services de renseignements ainsi que le ministère de l’intérieur ont emprisonné un ancien membre du Mossad, qui aurait participé à l’assassinat de Mahmoud al-Mabhouh, cadre dirigeant du Hamas à Dubaï. De nationalité australienne, cet agent du Mossad aurait communiqué, ou aurait eu l’intention de communiquer, des informations sur l’assassinat, aux autorités de Dubaï. Il fut enfermé dans une prison secrète, et son nom changé. Le prisonnier X se serait suicidé. Cette information confirme l’existence de prisons secrètes et soulève à nouveau des questions sur le sort du prisonnier libanais Yahya Skaf, combattant du Fateh ayant participé à l’opération Kamal Adouane, en mars 1978, à propos duquel les sionistes refusent jusqu’à présent de communiquer des nouvelles, et sur le sort des diplomates iraniens, enlevés au Liban par les Forces Libanaises et livrés aux sionistes.

Solidarité
Le soulèvement du peuple palestinien est en cours. Il affronte vaillamment les forces de l’occupation, du nord au sud de la Cisjordanie, et dans la ville meurtrie d’al-Quds. Autour des prisonniers et de leur lutte, il s’est uni contre l’occupation. C’est la voie de l’unité, la seule qui puisse mobiliser l’ensemble du peuple palestinien. L’unité recherchée dans les pourparlers du Caire, de Doha ou de Riyad apparaît aussi creuse que l’attente de la « communauté internationale ».
1000 prisonniers palestiniens détenus dans les prisons de l’occupation entament la grève de la faim, ce mardi 19 février.

Les étudiants de Biz-Zeit tentent de fermer les locaux de la représentation de l’ONU à Ramallah, protestant contre cet organisme accusé de compromission avec l’occupant sioniste. Plusieurs étudiants ont déclaré la grève de la faim, en soutien aux prisonniers en lutte.

Le vendredi de « brisons les chaînes » (15 février) a été organisé en Palestine en soutien aux prisonniers en lutte. Que ce soit à Gaza, en Cisjordanie, dans la ville d’al-Quds ou dans les territoires occupés en 48, le peuple palestinien s’est soulevé. Devant la prison de Ofer, les militaires de l’occupation ont tiré : plus de 200 Palestiniens furent blessés. A Bethlehem, les manifestants se sont rassemblés pour la prière du vendredi. Les réfugiés du camp de Ayda ont affronté les soldats de l’occupation aux abords du camp. D’autres manifestants se sont dirigés vers le barrage de Jalame, et ont coupé la route Nasra-Jénine. Sheikh Khodr Adnane, en grève de la faim, a déclaré : « le meilleur soutien aux combattants grévistes de la faim consiste à affronter l’occupation. ».

360 prisonniers palestiniens détenus dans la prison Ramon, aux côtés des prisonniers du mouvement du Jihad islamique, ont déclaré la grève de la faim, le 15 février, en solidarité avec les prisonniers en lutte. Mais plusieurs mouvements de protestation dans les prisons de l’occupation se poursuivent, soit par prisons ou sections, soit par formations politiques. Certains expliquent ces luttes sectorielles et le manque de coordination par la situation désastreuse de la division inter-palestinienne.

Pendant plusieurs jours, les Palestiniens vivant dans les territoires occupés en 48 manifestent devant la prison de Ramleh, en soutien aux prisonniers en lutte. Mais des voix s’élèvent de plus en plus pour réclamer des députés (arabes palestiniens) qui siègent à la Knesset sioniste de boycotter les séances de cet organisme, en signe de solidarité avec les prisonniers. Il est vrai cependant que les députés agissent mais leurs actions ne dépassent pas celles des militants ou dirigeants des mouvements politiques. A quoi sert-il d’être député dans cet organisme sioniste, s’ils ne profitent pas pour élever la voix et mobiliser les députés européens ou autres dans le monde ?

A Tulkarm, une journée de grande mobilisation autour de la lutte des prisonniers le 14 février dernier a réuni des milliers de personnes. Des photos des prisonniers en lutte ainsi que des fleurs ont été distribués aux passants. Selon un responsable de la mobilisation, même les forces de sécurité de l’AP ont rejoint le rassemblement central, en vêtements civils, cependant.

Plus de 200 jours de grève de la faim pour faire réagir l’ONU, l’Union européenne et malheureusement, quelques forces politiques arabes et leurs médias. La commission des droits de l’homme à l’ONU a publié une lettre de solidarité avec les détenus en lutte.
Au moment où le peuple palestinien se soulève en Cisjordanie occupée réclamant la libération des prisonniers en lutte, les services sécuritaires de l’Autorité palestinienne de Ramallah arrête les militants. Deux militants du mouvement du Jihad islamique de la ville d’al-Khalil ont été arrêtés le lundi 18 février. De nombreux militants du Hamas avaient également été arrêtés dès le début du mois de février, dont des prisonniers libérés.

("Baladi", Février 2013)

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