vendredi 3 avril 2015

L'appartenance religieuse ne se déduit pas de l'apparence physique (Sihem Souid)









La croyance est une affaire privée. Et c'est même la chose la plus privée qui soit ! On constate pourtant qu'il est souvent fait référence publiquement de l'appartenance d'une personne à telle ou telle religion. On entend parler de "Français musulmans" ou bien de "Français juifs"... Lorsque cela se fait, les formules employées autour de ces mots sont rarement neutres. C'est tout particulièrement le cas de la notion de "musulmans d'apparence" utilisée par Nicolas Sarkozy après les attentats en mars 2012 et reprise par la suite. Cette expression est extrêmement choquante et je la ressens dans ma chair de manière particulièrement blessante, à la fois par tout ce qu'elle implique de simplisme réducteur et par sa force de stigmatisation !
Le 19 mars 2015, à l'occasion de la cérémonie de commémoration des assassinats perpétrés les 11, 15 et 19 mars 2012 par le terroriste Mohamed Merah, cette idée sera de nouveau reprise par Nicolas Sarkozy. Lequel a dans son discours tenu les propos suivants : "Des soldats français qui pouvaient être identifiés à première vue comme des musulmans..." C'est-à-dire ?! Au nom de quoi, sur quelles bases, par quels critères peut-on identifier une personne "à première vue" comme étant ou non musulmane ? Par des critères ou des caractéristiques physiques ? Non, puisqu'en l'occurrence - et c'est ce qui est d'autant plus offensant ici - l'un des soldats abattus auquel il est fait hommage dans le discours était justement catholique ! Il s'agit du soldat Abel Chennouf, dont la famille indignée proteste vigoureusement contre les propos "blessants et humiliants" à son encontre, sous la forme d'une Lettre ouverte à l'ancien président de la République par le biais de Me Béatrice Dubreuil et Me Frédéric Picard. La famille et leurs avocats dénoncent alors une stratégie de "mise à l'écart évidente de certaines familles de victimes qui n'a pour effet que de diviser au lieu de rassembler".
Ce procédé simpliste et réducteur qui consiste à déduire de l'apparence l'appartenance d'une personne à la religion musulmane révèle dans toute son horreur la pensée sous-jacente qu'il exprime. C'est-à-dire le refus de voir la réalité d'aujourd'hui. La difficulté à considérer la population française dans son ensemble comme un tout sans avoir à fragmenter la diversité. Une pensée qui tend à toujours ramener sur le devant de la scène l'appartenance religieuse d'une personne. Avec les risques importants qui pourraient en découler, et cela, en toute connaissance de cause. À savoir, pour la communauté qui est visée, le risque d'être réduite à des caractéristiques ou à des traits physiques visibles, susceptibles d'être simplifiés exagérément. Le risque d'être isolée, mise de côté intentionnellement, et montrée du doigt physiquement. C'est tout cela qui attise et nourrit une forme insidieuse de haine, et qui s'appelle la stigmatisation !

Sihem SOUID Vendredi, 03 avril 2015

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