Affaiblie par des divisions internes et la répression, l'opposition
soudanaise tente de mobiliser contre la réélection attendue du président
Omar el-Béchir mais ses appels à manifester soulèvent autant
d'indifférence que le scrutin lui-même.
Seules 80 personnes ont répondu à l'appel pour manifester contre les
élections générales devant le siège d'Oumma, le doyen des partis
soudanais, à la tombée de la nuit lundi, premier jour du scrutin qui
s'achève mercredi.
"Ce n'est pas exactement le nombre que nous espérions", confie Hassan
Imam Hassan, le secrétaire général de l'un des principaux partis de
l'opposition devant le bâtiment situé à Omdourman, ville jumelle de
Khartoum.
L'Oumma escomptait une mobilisation bien supérieure pour protester
contre la réélection attendue de M. Béchir pour un nouveau mandat de
cinq ans après 25 années au pouvoir.
Ce sont surtout des personnalités âgées de l'opposition qui sont
rassemblées dans le jardin pour écouter des discours dénonçant la
main-mise de Béchir et de sa formation, le Parti du Congrès national
(NCP).
"Ces élections ne mènent à rien. Leur valeur est nulle et leur coût
énorme", résume M. Hassan, qui porte la tenue traditionnelle soudanaise.
L'Oumma fait partie des formations politiques, des groupes rebelles et
de la société civile qui ont signé en décembre un accord baptisé
"l'Appel du Soudan" qui appelle à une transition en douceur et
pacifique.
Ces opposants affirment que le pays a été plongé dans l'abîme par le
président de 71 ans réclamé par la Cour pénale internationale pour
crimes de guerre et crimes contre l'Humanité au Darfour, région en
conflit de l'ouest soudanais .
"L'Appel du Soudan" prévoit d'organiser un sit-in permanent au moins
jusqu'à la proclamation des résultats des élections à la fin avril. Mais
les militants et sympathisants font l'objet d'une étroite surveillance
par le très puissant Service national d'intelligence et de sécurité
(NISS).
"L'opposition agit dans des conditions qui l'empêche de parler au
peuple", dénonce Amal Jabrallah Sidahmed, un responsable du Parti
communiste.
Deux opposants connus, Farouk Abou Issa et Amine Makki Madani, ont ainsi
été arrêtés à leur retour en décembre d'Addis Abeba, où l'opposition
s'était réunie, avant d'être libérés la semaine dernière.
Le chef d'Oumma, Sadek al-Mahdi, et sa fille Maryam ont également été
détenus un mois chacun l'an dernier. M. Mahdi a été le dernier Premier
ministre démocratiquement élu avant d'être chassé par le coup d'Etat
fomenté par M. Béchir en 1989.
"Les jeunes préfèrent descendre dans la rue, mais nous savons qu'un tel
scénario entraînerait une situation à la syrienne", explique M.
Sidahmed.
Les opposants se souviennent que les forces de l'ordre avaient
violemment réprimé en 2013 des manifestations contre l'augmentation des
prix, tuant des dizaines de personnes.
L'opposition est en outre bridée par le strict contrôle des médias
exercé par le NISS, qui n'hésite pas à confisquer les journaux lorsque
leur contenu est jugé inapproprié. "Dans la réalité, ce sont les
services de sécurité qui gèrent la presse", souligne Amal Hebari, un
journaliste présent au sit-in.
Depuis des années, l'opposition est en outre victime de ses divisions.
L'Oumma s'est ainsi scindée de multiples fois et certains de ses membres
ont rejoint même le camp Béchir.
Des divergences sont récemment apparues entre les signataires de
"L'Appel du Soudan". Ils s'opposent sur le recours à la violence pour
perturber le déroulement des élections dans certaines régions où des
mouvements rebelles sont actifs, comme le Sud-Kordofan, le Nil Bleu ou
le Darfour.
Au deuxième jour du vote, Sayyed al-Hamed Ahmed, un chauffeur de taxi
septuagénaire, témoigne de l'incompréhension de l'opinion. "J'ai voté
mais il n'y avait rien de l'opposition. On ne sait pas comment elle
fonctionne".
Et comme de nombreux Soudanais de son âge, il se souvient que le
désordre régnait dans le pays lorsque M. Mahdi était au pouvoir à la fin
des années 1980. "Aujourd'hui, vous trouvez de tout malgré les crises
que nous traversons".
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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