Le village de Ramyé, dans al-Jalil, est menacé de disparition. La
colonie tentaculaire Karma’el compte s’étendre sur le village, devenu un
quartier encerlé au fil des ans, et l’avaler. C’est ainsi qu’ont
procédé les centaines de points de colonisation installés par l’occupant
en Palestine : à partir d’un point, la colonie s’étend peu à peu et
avale les terres qui l’entourent, tel que le prévoient les divers
organismes de l’entité sioniste, depuis le gouvernement jusqu’à la
municipalité, en passant par le Fonds National Juif, l’Agence Juive, la
Histadrout et autres.
La colonie de Karma’el fut installée en 1964 en plein milieu de
terres appartenant à plusieurs villages palestiniens. Depuis, elle s’est
étendue de part et d’autre, vers le nord et le sud, vers l’est et
l’ouest, avalant les terres de Deir al-Assad, Baane, Majd El-Kroum,
al-Maghar et Nahaf. Non seulement les terres de ces villages furent
confisquées, mais les liaisons entre les villages situés de part et
d’autre de cette colonie furent coupées. D’ailleurs, une des fonctions
des colonies placées au centre des agglomérations palestiniennes a
consisté et consiste toujours à briser les liens sociaux et à détruire
toute continuité géographique ou sociale entre Palestiniens. De plus,
les colonies sont les principaux centres d’où rayonnent la judaïsation.
Elles sont d’abord interdites aux Palestiniens, qui ne peuvent prétendre
y vivre, à moins d’être admis par un comité qui juge de la disposition
des candidats à approuver le sionisme et leur capacité de s’adapter au
mode de vie et de pensée des colons. Ensuite, les routes traversant
al-Jalil sont conçues en fonction de leurs besoins, les pancartes de
signalisation des villages sont écrits en hébreu, et les noms arabes
sont judaïsés en fonction de leur projet. Pour les colons et le projet
de judaïsation de la région d’al-Jalil (mais il en est ainsi ailleurs),
eux sont les maîtres, les autres (Les Palestiniens) n’existent
qu’accidentellement, et provisoirement. C’est ce que signifie le label
« village non-reconnu » d’ailleurs, il n’est pas reconnu par l’entité
occupante qui prévoit sa disparition.
Le village de Ramyé est devenu, après l’occupation en 1948, un
village non-reconnu, c’est-à-dire voué à la disparition ; il réussit à
se maintenir jusqu’à présent, comme tant d’autres villages non-reconnus
dans al-Jalil et al-Naqab, à cause de la persévérance de leurs
habitants, bien que ses terres (400 dunums) furent confisquées en 1976
au profit « du bien public », c’est-à-dire l’extension de la colonie
pour accueillir de nouveaux colons immigrés.
L’administration coloniale a refusé de reconnaître le village de
Ramyé, même en tant que quartier à l’intérieur de la colonie Karma’el
qui s’est étendue jusqu’à l’entourer de toutes parts. Le village
palestinien de Ramyé est aujourd’hui encerclé mais il refuse de
s’auto-détruire. Bien que l’affaire dure depuis les années 90, lorsque
l’administration sioniste a sommé la population de partir, ce n’est que
depuis quelques mois que l’expulsion et la destruction du village sont
sérieusement envisagées et que la lutte pour demeurer et vivre à Ramyé
rassemble de nouveau les Palestiniens de 48.
Dans les années 90, un accord était intervenu entre l’administration
coloniale et les habitants de Ramyé, selon lequel la population se
déplacerait vers un autre lieu, et l’Etat leur accorderait des
compensations sous forme de terrains pour construire leurs maisons et
des terrains agricoles. Cependant, l’occupant a refusé d’honorer sa
promesse, pensant que la population, lasse, s’en irait sans compensation
aucune. Mais les habitants de Ramyé ne sont pas partis, bien qu’ils
vivent sans électricité, sans eau courante, et sans routes asphaltées
menant à leur village, la colonie Karma’el refusant de relier le village
à tous ces services de base.
Depuis le renouveau des plans de judaïsation d’al-Jalil, la question
du village de Ramyé est revenue dans l’agenda de l’administration
coloniale. Le « Département des terres d’Israël » a alors proposé aux
familles des terrains de construction très réduits pour pouvoir loger
tous les habitants de Ramyé, mais pire encore, des terrains dispersé ça
et là, en vue de détruire les liens sociaux entre ses habitants, avec un
ultimatum, sinon les bulldozers viendraient et détruiraient tout sur
leur passage, et il n’y aurait plus de compensations.
Entretemps, les habitants de Ramyé avaient accusé le Département de
ne pas avoir appliqué l’accord signé en 1995 devant le tribunal de
Haïfa, qui avait donné raison aux habitants. Mais quelques années plus
tard, le Département porte l’affaire devant les mêmes tribunaux et
obtient gain de cause en août 2013, le précédent jugement en faveur des
habitants de Ramyé étant rejeté. C’est alors qu’un nouveau ultimatum est
donné à la population de Ramyé, qui devait abandonner son village avant
le 4 novembre 2013, sinon, toutes les compensations dues seraient
annulées.
Ayant réalisé que les tribunaux ne sont que des outils du pouvoir
colonial, la population de Ramyé a décidé de résister, d’appeler à la
résistance et au rassemblement de tous les Palestiniens autour de leur
cause. Depuis plusieurs mois, une tente de résistance est plantée dans
le village pour accueillir toutes les délégations politiques,
associatives, culturelles et artistiques qui viennent soutenir la lutte
des habitants de Ramyé. Les partis politiques des Palestiniens de 48 ont
affirmé leur solidarité, et organisent des meetings et des
manifestations, que ce soit dans la colonie Karma’el ou devant les
organes administratifs coloniaux, pour protester contre la disparition
du village de Ramyé. Des débats politiques sont organisés sous la tente,
des films sont visionnés, et plusieurs fois par semaine, des activités
pour les enfants de Ramyé sont animées par des chanteurs, des jongleurs,
des artistes et des conteurs venant d’al-Jalil et d’ailleurs.
Il y a une semaine, la presse internationale a commencé à
s’intéresser à l’affaire de Ramyé. Cela n’est due qu’à la persévérance
de ses habitants et du rassemblement unanime des Palestiniens de 48
autour du village menacé. C’est une nouvelle preuve que la bataille
menée sur le plan juridique est sans issue, sinon perdue d’avance. Seule
la résistance à l’occupation permet d’envisager un avenir sans
oppression ni injustice. Le village de Ramyé résiste, il ne doit pas
être détruit. La mobilisation médiatique internationale doit pouvoir
faire reculer l’occupant.
(20-02-2014 - Fadwa Nassar)
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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