Le procès de journalistes du réseau satellitaire du Qatar Al-Jazeera,
dont quatre étrangers, accusés de fausses informations et de soutenir
les islamistes, s’ouvre jeudi au Caire au milieu d’accusations de
musellement des médias par le pouvoir.
Le Parquet accuse les journalistes, dont l’Australien Peter Greste et
l’Egypto-canadien Mohamed Fadel Fahmy, d’avoir manipulé des images et de
soutenir le mouvement des Frères musulmans banni par les autorités
installées par l’armée après la destitution et l’arrestation en juillet
du président Mohamed Morsi, qui en fut membre.
Depuis cette destitution, les relations entre l’Egypte et le Qatar se
sont plus que tendues : Le Caire accuse Doha de soutenir les Frères
musulmans et l’émirat gazier du Golfe reproche aux nouvelles autorités
égyptiennes leur violente répression des partisans de M. Morsi qui a
fait plus d’un millier de morts en sept mois.
Le procès doit s’ouvrir devant la cour criminelle du Caire, à une heure
non précisée. Le Parquet a fait état de 20 "journalistes d’Al-Jazeera"
jugés -huit sont détenus et les autres recherchés par les autorités.
Parmi eux, 16 Egyptiens sont accusés d’appartenance à une "organisation
terroriste" et quatre étrangers -deux Britanniques, un Australien et une
Néerlandaise- de leur avoir fourni "argent, équipements et
informations" afin de "diffuser de fausses nouvelles" faisant croire à
une "guerre civile dans le pays".
Al-Jazeera a toutefois affirmé que seuls neuf des accusés travaillaient
pour elle et dénoncé des accusations "infondées". Les autorités ont
affirmé que les reporters travaillaient sans accréditation.
Parmi les personnes détenues, MM. Greste, Fahmy et le journaliste
égyptien Baher Mohamed ont été arrêtés le 29 décembre dans un hôtel du
Caire où ils avaient installé un bureau improvisé.
La journaliste néerlandaise Rena Netjes, citée dans cette affaire, a,
elle, fui l’Egypte le 4 février en affirmant n’avoir jamais travaillé
pour Al-Jazeera.
Accusée par les autorités égyptiennes de prendre fait et cause pour les
Frères musulmans après la destitution de M. Morsi, la justice a fermé
l’antenne égyptienne d’Al-Jazeera, Al-Jazeera Mubasher Misr, et
plusieurs journalistes de la chaîne ont été arrêtés.
Alors que le pays est divisé entre partisans de l’armée et des Frères
musulmans et en proie à des attentats meurtriers, des organisations de
défense des droits de l’Homme ainsi que l’ONU ont dénoncé une campagne
de répression contre les médias.
Dès l’annonce des accusations, Amnesty International, parlant de
"prisonniers d’opinion", a déploré un "revers majeur pour la liberté de
la presse" qui "envoie le message effrayant qu’aujourd’hui, une seule
version des faits est acceptable en Egypte : celle autorisée par les
autorités".
A la veille de l’ouverture du procès, l’Institut international de la
presse (IPI) a demandé aux autorités judiciaires d’abandonner les
charges de "terrorisme" et "de libérer immédiatement" les journalistes.
Selon les conclusions d’une visite de l’IPI en Egypte du 25 au 29
janvier, les forces de sécurité ont "systématiquement" accusé les
journalistes d’aide au terrorisme et de diffusion de fausses nouvelles,
"dans le but d’effrayer tous les journalistes et d’entraver une
couverture indépendante".
Reporters sans frontières a dénoncé un "harcèlement à l’encontre
d’Al-Jazeera", estimant que "cet acharnement ne faisait que renforcer le
clivage" en Egypte.
Outre la menace d’un procès, de nombreux journalistes rapportent avoir
été pris à partie par des foules les accusant d’être pro-Frères
musulmans. Trois reporters de la chaîne publique allemande ARD avaient
ainsi été attaqués aux cris de "traîtres" et de "suppôt des Frères
musulmans".
Dans une lettre écrite depuis sa cellule, le journaliste Greste affirme
que "l’Etat ne tolèrera aucune voix dissidente, que ce soient les Frères
musulmans ou tout autre critique. Les prisons débordent de tous ceux
qui se sont opposés ou ont défié le gouvernement".
Pour un haut responsable gouvernemental "ce ne sont pas des journalistes
mais des militants pro-Frères musulmans".
A Londres, une cinquantaine de personnes ont manifesté mercredi devant
l’ambassade d’Egypte pour réclamer la libération immédiate des
journalistes. "Etre un journaliste n’est pas un crime", "le journalisme
n’est pas du terrorisme", pouvait-on lire sur des pancartes brandies par
des manifestants, dont certains étaient symboliquement bâillonnés avec
du ruban adhésif.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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