Le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté samedi à l’unanimité une
résolution non contraignante qui réclame la levée du siège de plusieurs
villes de Syrie et des facilités de passage pour les convois
humanitaires. Après avoir fait peser la menace d’un veto, la Russie
s’est finalement ralliée à un texte présenté par l’Australie, le
Luxembourg et la Jordanie et soutenu par Londres, Washington et Paris.
Certains diplomates doutent cependant de l’efficacité de cette
résolution 2139 en l’absence de sanctions automatiques pour forcer Damas
à laisser passer les convois d’aide.
Depuis le début de la crise syrienne en mars 2011, la Russie a bloqué à
trois reprises des résolutions occidentales visant à faire pression sur
le régime syrien. La Chine s’est à chaque fois associée à ce veto russe.
Le Conseil avait déjà adopté le 2 octobre 2013 une déclaration réclamant
un meilleur accès humanitaire en Syrie mais elle était restée lettre
morte.
Plus de 140 000 morts en trois ans
Entre-temps la situation s’est détériorée : le bilan atteint plus de 140
000 morts en trois ans, selon des ONG, et des millions de Syriens ont
été déplacés ou poussés à l’exil. Selon l’ONU, les agences humanitaires
ont du mal à atteindre plus de trois millions de Syriens et 250 000 sont
carrément pris au piège des combats. Une trêve a pu être négociée début
février à Homs (centre), assiégée depuis un an et demi par l’armée
syrienne, permettant d’évacuer 1 400 civils, mais 2 000 personnes
seraient encore bloquées dans les quartiers rebelles.
La résolution "appelle toutes les parties (au conflit) à lever
immédiatement les sièges des zones peuplées", dont Homs, le camp
palestinien de Yarmouk près de Damas et la Ghouta (périphérie rurale de
Damas). "Affamer les civils est une tactique de guerre prohibée par les
lois humanitaires internationales", souligne le Conseil. Il demande "à
toutes les parties de cesser immédiatement toute attaque contre les
civils (...), y compris les bombardements aériens, notamment
l’utilisation de barils d’explosifs", une référence claire à la tactique
employée par l’armée de Bashar à Alep (nord).
Il "exige que toutes les parties, et en particulier les autorités
syriennes, autorisent sans délai un accès humanitaire rapide, sûr et
sans entrave pour les agences des Nations unies et leurs partenaires, y
compris à travers les lignes de front et à travers les frontières".
Pas de sanctions automatiques prévues
Cet accès transfrontalier est réclamé depuis longtemps par les
humanitaires. Ils souhaitent que l’aide puisse être acheminée
directement à partir de l’Irak ou de la Turquie, sans passer par Damas,
ce que le régime refuse pour l’instant.
Les demandes du Conseil s’adressent à "toutes les parties", mais visent
tout particulièrement le gouvernement syrien, auquel il est rappelé
qu’il a la responsabilité de protéger sa population civile.
Le texte a été âprement négocié avec Moscou, qui a cherché à en gommer
les critiques les plus sévères envers Damas, et surtout à éliminer toute
référence à des sanctions. Ainsi le texte ne prévoit pas de sanctions
automatiques, mais laisse ouverte la possibilité d’agir ultérieurement
contre les récalcitrants. Sur avis du secrétaire général de l’ONU Ban
Ki-moon, qui devra se prononcer dans un délai de 30 jours, le Conseil
pourra "prendre des mesures additionnelles en cas de non-mise en oeuvre
de la résolution". Il faudra toutefois une nouvelle décision du Conseil,
que la Russie bloquerait à coup sûr.
Dans ces conditions, certains diplomates doutent de l’efficacité de la
résolution : "On va essayer de rendre ce texte opérationnel", explique
l’un d’eux. Mais si le régime refuse de l’appliquer, "les Russes
s’opposeront à toute pression". Pour amadouer Moscou, le Conseil a
dénoncé "l’augmentation des attaques terroristes" en Syrie, un des
arguments favoris du régime, sur lequel Moscou insistait.
(22-02-2014)
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