Le plus lourd secret de Palestine se niche sous l’épais couvercle de
pierre de la tombe de Yasser Arafat à Ramallah, où les enquêteurs
espèrent enfin découvrir la cause de sa mort il y a huit ans.
Les juges français instruisant une information judiciaire pour
assassinat du dirigeant historique palestinien, sur plainte de sa veuve,
Souha Arafat, et les experts du laboratoire suisse qui a décelé des
quantités anormales de polonium sur des échantillons biologiques
d’Arafat doivent réaliser des prélèvements sur sa dépouille le 26
novembre.
Mais ces investigations, suscitées par la diffusion en juillet d’un
documentaire d’Al-Jazeera, à laquelle la veuve avait confié les derniers
effets personnels d’Arafat, révélant la présence de cette substance
radioactive toxique, ont surtout rallumé la discorde parmi sa famille et
ses proches.
Prise au dépourvu par l’initiative de Souha Arafat, opposée à une
autopsie en 2004, l’Autorité palestinienne du président Mahmud Abbas,
successeur d’Arafat, a consenti à une exhumation, "à condition que sa
veuve et son neveu, Nasser al-Qidwa, représentant de la famille,
l’approuvent".
Ce dernier, président de la Fondation Yasser Arafat, qui répétait depuis
des années sa "conviction de la responsabilité d’Israël dans
l’empoisonnement de Yasser Arafat", mais reconnaissait l’absence de
"preuve tangible", désormais apportée selon lui par Al-Jazeera, réclame
lui une commission d’enquête internationale.
Nasser al-Qidwa a réitéré cette semaine son "opposition de principe" à
une exhumation, "notamment parce que des échantillons recueillis huit
ans après pourraient ne pas être exploitables médicalement".
"Tout Palestinien est convaincu qu’Arafat a été assassiné", a-t-il
expliqué à l’AFP, "mais pour les sceptiques, même l’ouverture de la
tombe ne permettrait pas de parvenir à la vérité".
Dans un sondage réalisé en novembre 2004, plus de 80% des Palestiniens
jugeaient fondées les rumeurs d’empoisonnement par Israël et 93%
souhaitaient la divulgation du dossier médical, finalement publié le 12
juillet 2012, mais qui n’élucide pas les causes de la mort.
La popularité d’Arafat, symbole de l’unité palestinienne perdue, ne se
dément pas. "Il nous manque en ce moment", confie Diaa al-Ahmad 35 ans,
qui se fait prendre en photo avec le plus célèbre sosie du défunt.
"Chaque fois que je voyais une photo d’Abu Ammar (nom de guerre
d’Arafat, NDLR), je me disais que tout le peuple palestinien s’était
fait photographier avec lui, sauf moi", explique-t-il.
Contrairement à Nasser al-Qidwa, Souha Arafat préfère ne pas désigner de
coupable, déclarant en octobre à l’AFP que "la vérité sur la mort du
martyr Arafat intéressait tout patriote palestinien".
Au moment du dépôt de la plainte pour assassinat, ses avocats français
soulignaient qu’elle était "dirigée contre X - de telle sorte que Souha
et Zahwa (leur fille, NDLR) Arafat n’accusent personne : ni Etat, ni
groupement, ni individu".
Pendant l’agonie, Souha Arafat, qui gardait étroitement l’accès à son
époux, avait fait scandale en accusant trois de ses vieux compagnons de
route, dont Mahmud Abbas, "qui cherchent à hériter du pouvoir" de
"tenter d’enterrer Abu Ammar vivant" en se rendant en France à son
chevet.
Face à la révélation de la présence de polonium, qui a ranimé les
soupçons contre Israël, unique puissance nucléaire régionale, l’Etat
hébreu assure n’être pour rien dans la mort d’Arafat, sans exclure un
assassinat par des rivaux palestiniens.
Mais ces dénégations de la part d’Israël, qui a assassiné ou tenté de
tuer nombre de dirigeants palestiniens, ont peu de chances d’altérer les
certitudes des Palestiniens, huit ans après les faits.
Ce n’est d’ailleurs que la semaine dernière, à l’occasion de la
publication d’une interview posthume du chef du commando, qu’Israël a
reconnu officiellement l’assassinat en 1988 à Tunis du numéro deux de
l’OLP, Abu Jihad, opération visant à décapiter la première Intifada
palestinienne (1987-1993).
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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