vendredi 9 novembre 2012

Palestine : L’enquête sur la mort d’Arafat déterre de vieilles rancoeurs

Le plus lourd secret de Palestine se niche sous l’épais couvercle de pierre de la tombe de Yasser Arafat à Ramallah, où les enquêteurs espèrent enfin découvrir la cause de sa mort il y a huit ans.
Les juges français instruisant une information judiciaire pour assassinat du dirigeant historique palestinien, sur plainte de sa veuve, Souha Arafat, et les experts du laboratoire suisse qui a décelé des quantités anormales de polonium sur des échantillons biologiques d’Arafat doivent réaliser des prélèvements sur sa dépouille le 26 novembre.
Mais ces investigations, suscitées par la diffusion en juillet d’un documentaire d’Al-Jazeera, à laquelle la veuve avait confié les derniers effets personnels d’Arafat, révélant la présence de cette substance radioactive toxique, ont surtout rallumé la discorde parmi sa famille et ses proches.
Prise au dépourvu par l’initiative de Souha Arafat, opposée à une autopsie en 2004, l’Autorité palestinienne du président Mahmud Abbas, successeur d’Arafat, a consenti à une exhumation, "à condition que sa veuve et son neveu, Nasser al-Qidwa, représentant de la famille, l’approuvent".
Ce dernier, président de la Fondation Yasser Arafat, qui répétait depuis des années sa "conviction de la responsabilité d’Israël dans l’empoisonnement de Yasser Arafat", mais reconnaissait l’absence de "preuve tangible", désormais apportée selon lui par Al-Jazeera, réclame lui une commission d’enquête internationale.
Nasser al-Qidwa a réitéré cette semaine son "opposition de principe" à une exhumation, "notamment parce que des échantillons recueillis huit ans après pourraient ne pas être exploitables médicalement".
"Tout Palestinien est convaincu qu’Arafat a été assassiné", a-t-il expliqué à l’AFP, "mais pour les sceptiques, même l’ouverture de la tombe ne permettrait pas de parvenir à la vérité".
Dans un sondage réalisé en novembre 2004, plus de 80% des Palestiniens jugeaient fondées les rumeurs d’empoisonnement par Israël et 93% souhaitaient la divulgation du dossier médical, finalement publié le 12 juillet 2012, mais qui n’élucide pas les causes de la mort.
La popularité d’Arafat, symbole de l’unité palestinienne perdue, ne se dément pas. "Il nous manque en ce moment", confie Diaa al-Ahmad 35 ans, qui se fait prendre en photo avec le plus célèbre sosie du défunt.
"Chaque fois que je voyais une photo d’Abu Ammar (nom de guerre d’Arafat, NDLR), je me disais que tout le peuple palestinien s’était fait photographier avec lui, sauf moi", explique-t-il.
Contrairement à Nasser al-Qidwa, Souha Arafat préfère ne pas désigner de coupable, déclarant en octobre à l’AFP que "la vérité sur la mort du martyr Arafat intéressait tout patriote palestinien".
Au moment du dépôt de la plainte pour assassinat, ses avocats français soulignaient qu’elle était "dirigée contre X - de telle sorte que Souha et Zahwa (leur fille, NDLR) Arafat n’accusent personne : ni Etat, ni groupement, ni individu".
Pendant l’agonie, Souha Arafat, qui gardait étroitement l’accès à son époux, avait fait scandale en accusant trois de ses vieux compagnons de route, dont Mahmud Abbas, "qui cherchent à hériter du pouvoir" de "tenter d’enterrer Abu Ammar vivant" en se rendant en France à son chevet.
Face à la révélation de la présence de polonium, qui a ranimé les soupçons contre Israël, unique puissance nucléaire régionale, l’Etat hébreu assure n’être pour rien dans la mort d’Arafat, sans exclure un assassinat par des rivaux palestiniens.
Mais ces dénégations de la part d’Israël, qui a assassiné ou tenté de tuer nombre de dirigeants palestiniens, ont peu de chances d’altérer les certitudes des Palestiniens, huit ans après les faits.
Ce n’est d’ailleurs que la semaine dernière, à l’occasion de la publication d’une interview posthume du chef du commando, qu’Israël a reconnu officiellement l’assassinat en 1988 à Tunis du numéro deux de l’OLP, Abu Jihad, opération visant à décapiter la première Intifada palestinienne (1987-1993).

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