Ils peignent les décombres, recouvrent les murs encore debout de leurs
messages en couleurs: à Gaza, sous blocus depuis huit ans et récemment
ravagée par trois guerres, le graffiti est devenu un moyen d'expression
et de lutte pour les jeunes.
Au sud, ils butent contre le point de passage de Rafah, fermé par
l'Egypte, au nord, les soldats israéliens les empêchent de franchir le
point de passage d'Erez. Ces jeunes, comme la majorité des 1,8 million
de Gazaouis, n'ont aucune issue et n'ont connu depuis leur naissance que
les limites de leur petite enclave côtière coincée entre l'Egypte, la
Méditerranée et Israël.
Le sentiment d'enfermement, l'impuissance face aux bombardements, les
deuils à répétition, l'humiliation et l'oppression, ces jeunes ont
décidé de les traduire en dessin aux couleurs criardes ou pastel qui
ornent les murs de Gaza.
"En peignant ces murs, je me sens libre", lance Naïm Samsoum, 25 ans, la
tête couverte d'un bonnet noir, de la même couleur que son large
T-shirt. "Ce qu'on veut, c'est envoyer un message pour dire que les gens
ici aiment la vie, qu'ils en ont marre de la mort et des destructions",
affirme ce jeune Gazaoui qui dit avoir été inspiré par les vidéos qu'il
a vu de tags sur des trains en Europe.
Et
dans les dessins des jeunes graffeurs gazaouis, comme dans de
nombreuses formes d'art dans la bande de Gaza, la politique n'est jamais
très loin. Près de la plage de Gaza, sur les murs de l'Université
Al-Azhar, s'étalent en grand les portraits du dirigeant historique
Yasser Arafat, le fondateur du Fatah mort en 2004, et du cheikh Ahmed
Yassine, le fondateur de son rival islamiste, le Hamas, tué par les
Israéliens la même année.
Sous les deux visages, les jeunes qui ont vécu la prise de pouvoir par
la force du Hamas à Gaza en 2007 avant une réconciliation entre les deux
poids lourds de la politique palestinienne qui peine à se mettre en
place dans les faits, ont inscrit en grosses lettres: "Oui à la
réconciliation nationale". Un peu plus loin, c'est un graffeur partisan
du Hamas qui a dessiné une roquette M-75.
Se servir de bombes de peinture comme arme politique n'est pas nouveau à
Gaza, rappelle Fayez al-Sarsaoui, artiste plasticien. Dans l'enclave
palestinienne, les murs ont commencé à se couvrir de messages
politiques, d'appels à la grève et de rendez-vous pour manifester en
1987, lorsque débutait la Première Intifada car, dit-il à l'AFP, "le
graffiti est une forme d'art peu coûteuse et qui permet de toucher
facilement les gens".
Et, renchérit Bassel al-Maqoussi, qui tient une galerie d'art dans un
quartier cossu de la ville de Gaza, "écrire sur les murs était le moyen
le plus simple de s'adresser aux gens sans prendre trop de danger.
Distribuer des tracts demande beaucoup de temps et pouvait coûter la
vie, alors qu'une phrase sur un mur reste longtemps et peut être vue par
tous".
Mais
à la différence des slogans et des dates peintes à la va-vite sur les
murs à l'époque, les jeunes réalisent aujourd'hui des fresques aux
couleurs chatoyantes qui font s'arrêter les passants au détour de chaque
rue, affirme l'artiste. Devant un poste de police écrasé sous les
bombes durant l'offensive israélienne de cet été, le mur est ainsi
recouvert du dessin d'un enfant, le poing levé et sous lequel est écrit
en couleurs "Liberté".
"La liberté", c'est la définition même du graffiti pour Moussaab Abou
Daff, 20 ans, qui lui aussi recouvre les murs avec ses bombes de
peinture. "Le graffiti me permet de m'exprimer et de raconter l'endroit
où je vis", dit à l'AFP le jeune homme habillé d'un jean ample et d'un
T-shirt à l'effigie de Bob Marley. "Ici, à Gaza, on étouffe sous les
destruction, alors on a vraiment besoin de s'exprimer, de dire ce qu'on
pense", poursuit-il.
"Les
Israéliens nous oppriment, ils nous empêchent de voyager et ils
assiègent Gaza. Alors, j'ai décidé de raconter sur les murs de Gaza ce
qui se passe chez nous", conclut Moussaab.
(25-11-2014
- Assawra)
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