La Jordanie, au premier rang de la guerre contre le groupe Etat
islamique (EI), intensifie sa traque des sympathisants de l'idéologie
jihadiste en surveillant de près les réseaux sociaux et les prêches dans
les mosquées du royaume.
Cette mobilisation est allée crescendo depuis qu'Amman a décidé en
septembre de participer aux côtés des Etats-Unis aux frappes contre les
groupes extrémistes en Irak et en Syrie, deux pays voisins du royaume
hachémite. Des voix s'étaient alors élevées pour prévenir les autorités
qu'elles prenaient des risques pour la sécurité intérieure.
Le royaume jordanien, qui accueille plus de 600 000 réfugiés syriens
ayant fui la guerre, a depuis renforcé le contrôle de ses frontières
avec la Syrie. Il a arrêté des dizaines de membres du courant salafiste
pour avoir tenté de rejoindre les jihadistes engagés contre le régime
de Bashar al-Assad ou pour avoir utilisé internet à des fins de
propagande.
Au moins 130 sympathisants de l'EI, principalement des salafistes, sont
détenus par la sécurité jordanienne, évalue l'avocat des groupuscules
islamistes, Moussa Abd Ellat.
"Seuls 50 d'entre eux ont jusqu'à présent été traduits devant la Cour de
sûreté de l'Etat", a-t-il indiqué à l'AFP. Ils sont poursuivis pour
"utilisation de l'internet pour diffusion de l'idéologie d'un groupe
terroriste, conformément à la loi sur le terrorisme appliqué dans le
royaume", selon lui.
Parallèlement, les autorités ont resserré la surveillance des prêches
dans les mosquées, où toute personne qui critique la coalition
anti-jihadistes devient suspecte.
Elles ont ainsi interdit à 25 prédicateurs de prêcher après avoir été
accusés d'avoir fait l'apologie de l'idéologie jihadiste, a indiqué à
l'AFP Ahmed Ezzat, porte-parole du ministère des Affaires islamiques.
Le Front de l'action islamique, la vitrine politique des Frères
musulmans jordaniens, a dénoncé une telle politique qui risque, selon
lui, d'être contre-productive et de faire le lit du jihadisme en
interdisant des voix de prêcher.
Des responsables de sécurité jordaniens évaluent à 1.300 le nombre de
salafistes ayant rejoint les mouvements jihadistes, dont plus de 200
auraient péri dans les combats. Le courant salafiste jihadiste jordanien
est généralement estimé à 4.000 membres.
La plupart d'entre eux ont rejoint le Front Al-Nosra, la branche
syrienne d'Al-Qaïda, mais des centaines d'entre eux ont ensuite changé
de cap pour rallier l'EI après le début des frappes de la coalition
internationale.
L'ONU avait qualifié en octobre de "sans précédent" l'afflux des
jihadistes étrangers en Syrie et en Irak, encouragés par ces raids.
Les Etats-Unis avaient appelé en octobre leurs alliés, dont la Jordanie,
à en faire plus pour combattre l'EI sur internet et contrer la
propagande jihadiste sur les réseaux sociaux.
Washington avait alors estimé que la menace jihadiste nécessitait une
approche globale et coordonnée aux niveaux international, régional et
local, combinant "action militaire, application de la loi, renseignement
et moyens économiques et diplomatiques".
"Nous surveillons activement les islamistes radicaux et leurs actes sont
répertoriés", a indiqué un responsable de la sécurité jordanienne sous
le couvert de l'anonymat. "Nous surveillons en particulier leurs
activités sur la toile, largement utilisée par l'EI pour recruter des
combattants".
Mais les défenseurs des droits de l'Homme mettent en garde contre les
risques qu'un tel contrôle représente pour la liberté d'expression.
"Plusieurs personnes arrêtées et soupçonnées d'avoir fait de la
propagande sur la toile pour le compte de l'EI n'ont fait qu'exprimer un
point de vue. Elles n'ont aucun lien avec l'Etat islamique", déplore
l'avocat Abd Ellat, évoquant "une escalade politique".
L'avocat cite comme exemple l'arrestation fin octobre de l'un des
principaux idéologues du jihadisme, Issam Barqawi, alias Abou Mohammed
al-Maqdessi, qui avait été libéré en juin. La justice lui reproche de
"propager" les idées du groupe Al-Nosra.
(13-11-2014)
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