Souad al-Zaza et sa fille se blottissent sous une couverture à la
recherche d'un peu de chaleur. Ils sont des milliers comme elles, dans
les ruines de Gaza, à se protéger comme ils peuvent de l'arrivée de
l'hiver.
Le vent souffle à travers les murs perforés par les combats de
juillet-août dans sa maison du quartier de Chajaïya à Gaza. L'eau coule à
travers le plafond. Le lit sur lequel Souad, 62 ans, et sa fille
essaient de se réchauffer est une porte posée sur des parpaings.
"J'ai froid dès que je me réveille, j'ai peur que le lit sur lequel je
dors casse à tout moment. Mes deux couvertures, on me les a données,
dit-elle. Avant la guerre, j'étais heureuse, je vivais en sécurité, dans
le confort. Maintenant, nous vivons au milieu des décombres".
Cela fait trois mois que la guerre s'est arrêtée, sur un cessez-le-feu
conclu le 26 août par Palestiniens et Israéliens. Le conflit a dévasté
de vastes parties du territoire où plus de 100.000 Gazaouis n'ont pas de
toit.
Depuis, il est beaucoup question de reconstruction.
Mais à Chajaïya, il n'y a aucun signe de reconstruction. Et l'hiver
redouté est arrivé cette semaine sur les dizaines de milliers de
familles vivant dans des abris temporaires ou les vestiges de leurs
maisons.
Un peu plus haut dans la rue, Ibtissam al-Ijla, 46 ans, assise sur un
canapé crasseux et défoncé, observe son mari entretenir le feu, leur
seule source de chaleur. Ils ont occulté les impacts dans la façade avec
de la tôle ondulée. Des couvertures sales étendues sur un fil créent
une vague illusion d'intimité.
"Ce mauvais temps m'inquiète. Mais qu'est-ce que je peux y faire ?"
demande-t-elle. Au plus fort des bombardements, elle et les siens ont
fui pieds nus. Mais ils n'ont pas assez d'argent pour louer. Alors ils
sont revenus chez eux.
La bâtisse a perdu sa porte. Elle est ouverte au vent et à l'humidité.
Pas d'électricité, d'eau courante, de douche. Les toilettes, au milieu
de la maison, donnent directement sur les gravats.
Environ 30% des habitations ont été endommagées ou détruites. L'ONU a
oeuvré à un accord entre Israéliens et Palestiniens pour faire entrer
des matériaux de construction mais il a fallu élaborer un mécanisme qui
garantisse à Israël que les matériaux ne seront pas détournés contre lui
et qui le convainque de soulager le blocus imposé depuis des années à
Gaza.
Mais les livraisons arrivent au compte-gouttes. Les 2.200 tonnes
acheminées cette semaine sont "une bonne chose", mais ne suffisent pas,
dit le ministre palestinien de l'Habitat et des Travaux publics Moufid
al-Hassayneh. "Nous avons besoin d'au moins 7.000 tonnes de matériaux de
construction par jour si l'on veut reconstruire Gaza en trois ans".
Le responsable, c'est Israël, qui contrôle les frontières, dit-il. En
fait, objecte un diplomate étranger, il faut du temps pour faire
fonctionner le mécanisme à plein régime et s'assurer que la marchandise
tombe entre les bonnes mains. Un autre intervenant met en cause, lui,
l'incapacité des groupes palestiniens à surmonter leurs divisions.
A Khouzaa, près de Khan Younès (sud), dévastée par la guerre, Farraj
al-Najjar et les siens vivent comme 47 autres familles dans des
caravanes aux allures de conteneurs fournies par les Emirats arabes
unis.
"La caravane absorbe aussi bien le froid que la chaleur. Il fait très
froid en hiver, et très chaud en été", dit Farraj, 43 ans. Posées sur un
terrain sablonneux, les caravanes ont été inondées aux premières
pluies.
Les précipitations ont rempli la fosse septique collective. Les eaux
usées sont remontées dans les tuyaux, puis dans les toilettes, puis dans
les caravanes. Pourtant, "en écoutant les infos, nous avons compris que
nous étions sans doute ici pour encore très longtemps", se désole-t-il.
"L'occupation (israélienne) sera finie avant que la reconstruction ne
commence", soupire Mohammed al-Hilou, 62 ans, penché à Gaza sur une
machine à coudre industrielle servant à confectionner des tentes.
Personne à Gaza ne croit vraiment à la reconstruction. Les Gazaouis au
sourire facile sourient peu ces derniers temps. Gaza sort de sa
troisième guerre en six ans. Beaucoup se résignent non plus seulement à
craindre la prochaine guerre mais à se demander quand elle aura lieu.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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