mardi 25 novembre 2014

Israël : la presse étrangère sur le banc des accusés (Danièle Kriegel)

Pas toujours facile, en Israël, d'être envoyé spécial ou correspondant d'un média étranger. "Reportages déséquilibrés, pro-palestiniens, truffés d'erreurs." Les accusations fusent à leur encontre. Et les attentats de ces dernières semaines à Jérusalem, en Cisjordanie, à Tel-Aviv n'ont rien arrangé.
Mardi dernier, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères a fait très fort. Dans un communiqué adressé aux correspondants politiques israéliens, Emmanuel Nahshon n'a pas mâché ses mots : "De notre point de vue, des reportages faux et tendancieux sont destinés à déformer la réalité afin de noircir l'État d'Israël. En pratique, mais pas toujours de manière intentionnelle, ils soutiennent le terrorisme." Des accusations graves auxquelles l'Association de la presse étrangère, la FPA, a répondu : "Nous rejetons du tout au tout cette condamnation globale des médias étrangers. Nous estimons que ses déclarations, sous le coup de l'émotion, sont inappropriées pour un fonctionnaire du gouvernement israélien chargé de travailler avec les journalistes étrangers. Et ce, d'autant plus dans une période de montée des tensions et alors que circulent des accusations d'incitation politique dans la région où nous travaillons." Cette réaction n'a pas plu à monsieur Nahshon, qui estime avoir été mal cité. Finalement, rendez-vous est pris pour une explication de vive voix.
Mais la diatribe du porte-parole n'est pas isolée. Des médias israéliens - sites en ligne et presse écrite - ont lancé une offensive en règle contre la presse étrangère. Notamment après le massacre de la synagogue d'Har Nof, un quartier ultra-orthodoxe situé à Jérusalem-Ouest. Des critiques qui prennent pour cible "des titres douteux et des erreurs commises dans certains reportages". Particulièrement visée, CNN qui, tout de suite après l'annonce de l'attaque, avait titré ses images "Attaque meurtrière à Jérusalem dans une mosquée". La chaîne américaine a aussi présenté ses excuses pour n'avoir pas distingué, dans son bilan des tués, les terroristes de leurs victimes. Mais The Times of Israel, un journal israélien en ligne publiant en anglais et en français, dénonce "d'autres fautifs" comme la CBC canadienne qui, même si elle a rectifié plus tard, "n'a pas mentionné dans sa première diffusion sur l'attaque les victimes juives". Également montrée du doigt, avec le même genre de reproches, toute une liste d'autres médias étrangers, britanniques, français, etc.
Déjà dans son édition du 14 novembre dernier, soit un peu plus d'une semaine après la seconde attaque à la voiture bélier, Yediot Yerushalayim, un des suppléments du week-end de Yediot Aharonot - quotidien populaire de centre droit -, avait publié un réquisitoire en bonne et due forme. Titré "Ce qu'ils voient !", son auteur considère que la presse étrangère réalise une "couverture déséquilibrée et tendancieuse contre Israël" par des "choix problématiques de sujets qui mettent l'accent sur les constructions supplémentaires à Jérusalem-Est, la répression policière sur l'esplanade des Mosquées qu'on oublie de qualifier de "mont du Temple". En d'autres termes, les envoyés spéciaux étrangers ne devraient pas mettre l'accent sur la colonisation et les visites de Juifs messianiques sur l'esplanade d'al-Aqsa. Ils sont également accusés de ne pas montrer suffisamment "les actions des jeunes Palestiniens contre les forces de l'ordre", c'est-à-dire les manifestants lanceurs de pierres, et de s'en prendre aussi au fait que, "dans ces reportages, les mots terrorisme et terroriste pour qualifier les attentats et leurs auteurs seraient quasi systématiquement évités".

(23-11-2014 - )

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire