Le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou a affirmé dimanche à
des journalistes que "la reconnaissance d'un État palestinien par la
France serait une grave erreur" alors que le Parlement français doit se
prononcer le 2 décembre sur cette question. "C'est ce qu'ils ont à faire
en ce moment en France quand on décapite des gens à travers le
Proche-Orient, y compris un citoyen français ?", a ajouté Benyamin
Netanyahou.
"L'État d'Israël est le foyer du peuple juif, le seul État que nous
avons et les Palestiniens qui exigent un État ne veulent pas nous
reconnaître le droit d'avoir un État pour le peuple juif", a martelé M.
Netanyahou. Son gouvernement a adopté dans la matinée un projet de loi
prévoyant de ne plus définir Israël comme un État "juif et démocratique"
mais comme "l'État national du peuple juif". Le Premier ministre
israélien s'exprimait devant des représentants de la communauté
française d'Israël après que son gouvernement a approuvé dimanche matin
un projet de loi sur l'aide à l'intégration professionnelle en Israël
des juifs de France, premier pays d'émigration cette année et pour la
première fois depuis 1948.
Le groupe socialiste a déposé jeudi sa proposition de résolution. Elle
sera débattue le 28 novembre, mais elle ne sera votée que le 2 décembre,
afin que "toute la représentation nationale puisse s'exprimer". Le jour
du débat tombant un vendredi, les députés risquent d'être peu nombreux
dans l'hémicycle, étant souvent déjà repartis dans leur circonscription.
La proposition "invite le gouvernement français à reconnaître l'État de
Palestine en vue d'obtenir un règlement définitif du conflit". Le texte
"affirme l'urgente nécessité d'aboutir à un règlement définitif du
conflit permettant l'établissement d'un État démocratique et souverain
de Palestine, vivant en paix et en sécurité avec Israël, sur la base des
lignes de 1967, avec Jérusalem pour capitale de ces deux États, et
fondé sur une reconnaissance mutuelle". Il juge "que la solution des
deux États, promue avec constance par la France et l'Union européenne,
suppose la reconnaissance de l'État de Palestine aux côtés de celui
d'Israël". Constatant "les menaces pesant sur la solution des deux
États, et notamment la poursuite illégale de la colonisation dans les
territoires palestiniens qui mine la viabilité même d'un État
palestinien" ainsi que "la montée des tensions à Jérusalem et en
Cisjordanie qui menace d'engendrer un nouveau cycle de violence", le
texte souligne que "le statu quo est intenable et dangereux". Il pointe
"l'impératif d'une reprise rapide des négociations entre les parties
selon des paramètres clairs et un calendrier déterminé".
Toute la gauche devrait voter ce texte, à l'exception peut-être d'une poignée de députés proches d'Israël.
À droite, l'UMP "envisage de ne pas participer au vote", selon son chef
de file Christian Jacob. Pour justifier sa position, M. Jacob met
d'abord en doute la conformité du texte à la Constitution, "qui ne
permet pas par une résolution de donner une injonction au gouvernement".
Une interprétation récusée par la présidente de la commission des
Affaires étrangères, Élisabeth Guigou (PS) : "C'est une invitation
(...), pas une injonction. Le gouvernement et le président décideront
ensuite de l'opportunité et du moment d'une telle reconnaissance." Un
vote français, à l'instar du vote du Parlement britannique à la
mi-octobre ou celui du Congrès des députés (chambre basse) en Espagne
cette semaine, n'aurait de fait pas de portée contraignante.
Meyer Habib, député de centre droit des Français de l'étranger, a estimé
que la reconnaissance de l'État de Palestine par le Parlement français
"équivaut à importer le conflit israélo-palestinien en France".
Plus nuancé, Pierre Lellouche, député UMP et ancien secrétaire d'État
aux Affaires européennes, regrette l'approche des socialistes sur cette
question : "J'aurais souhaité" qu'Élisabeth Guigou, présidente de la
commission des Affaires étrangères de l'Assemblée, "fasse le travail
nécessaire pour présenter une résolution bipartisane sur ce sujet, en
relais d'ailleurs au travail que Laurent Fabius fait à l'ONU, puisque
nous travaillons à une résolution d'initiative française pour permettre
le retour des négociations. À l'heure actuelle, je crains que les
calculs de politique intérieure l'emportent du côté de la gauche, qui
s'est fait déborder par le PC et les Verts sur ce sujet. (...) Mais on
va voir le ministre mardi en commission, j'espère qu'on va en savoir
plus sur l'initiative diplomatique française et éventuellement sur la
façon utile de la soutenir par l'Assemblée nationale. Pour l'instant,
cette résolution a plutôt tendance à casser le consensus français
bipartisan sur l'idée qu'il faut deux États, palestinien et israélien,
qui vivent en paix."
Sur la radio communautaire juive Radio J, Luc Chatel, secrétaire général
intérimaire de l'UMP, a lui aussi condamné les "petits jeux tacticiens"
internes à la majorité : "Je suis favorable à la création d'un État
palestinien qui coexiste avec un État israélien dont nous devons
garantir la sécurité, et que ça se passe dans le cadre d'un accord de
paix global. C'est la ligne de la diplomatie française depuis trente
ans. La reconnaissance unilatérale aujourd'hui d'un État palestinien
serait un virage considérable. (...) Ce n'est pas au Parlement de
décider de la politique étrangère de la France. Bien sûr, il doit en
débattre, mais imaginer qu'il peut y avoir une injonction de la part du
Parlement vis-à-vis du gouvernement, ça me choque et ça n'est pas la Ve
République." En outre, Luc Chatel ne peut pas "ne pas voir dans cette
demande de résolution, initialement portée par l'aile gauche de la
majorité, par les communistes et les Verts au Sénat puis ensuite par M.
Hamon au sein du PS, des petits jeux tacticiens au sein de la majorité".
Brice Hortefeux, eurodéputé UMP, a estimé le moment pour ouvrir ce débat
particulièrement mal choisi : "Je pense que ce débat est inopportun
parce qu'il y a eu un attentat contre une synagogue qui a fait quatre
morts en Israël." Sa position : "rappeler le droit fort, imprescriptible
à la sécurité d'Israël" et pour "la coexistence de deux États".
"J'espère qu'ils (les députés PS) reporteront et décaleront ce débat",
a-t-il ajouté.
Les Palestiniens mènent actuellement une campagne internationale afin de
renforcer leur statut - d'État observateur à l'ONU - qui doit culminer
d'ici la fin du mois de novembre avec un vote au Conseil de sécurité de
l'ONU sur un calendrier pour la fin de l'occupation israélienne. Ce
projet devrait toutefois être tué dans l'oeuf par un veto américain. La
Suède a récemment reconnu l'État de Palestine, qui a le statut
d'observateur à l'ONU depuis 2012, et les Parlements britannique et
espagnol ont appelé leur gouvernement à le reconnaître également. Au
total, 135 pays dans le monde ont reconnu la Palestine, selon l'Autorité
palestinienne.
(23-11-2014)
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