Les Tunisiens votaient dimanche pour élire leur président pour la
première fois depuis la révolution de 2011, un scrutin auquel
participent 27 candidats dont le chef de l'Etat sortant et le dirigeant
du parti vainqueur des législatives.
"C'est une journée historique, la première élection présidentielle en
Tunisie avec des normes démocratiques avancées. Si Dieu le veut, ce sera
une grande fête électorale", s'est félicité le Premier ministre Mehdi
Jomaa, un indépendant chargé en début d'année de sortir la Tunisie d'une
profonde crise politique et d'organiser les échéances électorales.
Béji Caïd Essebsi, 87 ans et chef du parti anti-islamiste Nidaa Tounès,
vainqueur des législatives du 26 octobre, est le favori de ce scrutin
pour lequel des dizaines de milliers de policiers et de militaires ont
été déployés de crainte d'attentats jihadistes.
Il a été parmi les premiers à voter dans une banlieue de Tunis, lançant
"Vive la Tunisie!" peu après avoir glissé son bulletin dans l'urne.
Près de 5,3 millions d'électeurs sont appelés aux urnes depuis 08H00
(07H00 GMT) et jusqu'à 18H00 (17H00 GMT), après la tenue des
législatives dont le caractère démocratique a été salué par la
communauté internationale. Une exception dans la région, l'essentiel des
pays du Printemps arabe ayant basculé dans la répression ou le chaos.
Un deuxième tour aura lieu fin décembre si aucun des prétendants
n'obtient de majorité absolue, et l'instance électorale (ISIE) doit
annoncer au plus tard le 26 novembre les résultats. La publication de
sondages réalisés à la sortie des bureaux de vote a été interdite.
Le vainqueur sera appelé à présider la Tunisie pendant cinq ans, un mandat renouvelable une seule fois.
Le principal concurrent de M. Essebsi est le président sortant, Moncef
Marzouki, qui avait pris la tête de l'Etat fin 2011 à la suite d'un
accord de coalition avec les islamistes d'Ennahda. Ces derniers, arrivés
deuxièmes aux législatives, ont décidé de ne soutenir aucun candidat.
Vingt-cinq autres personnalités sont en lice, dont des ministres du
président déchu Zine El Abidine Ben Ali, une figure de proue de la
gauche, Hamma Hammami, le richissime homme d'affaires Slim Riahi ainsi
qu'une magistrate, Kalthoum Kannou, seule femme candidate.
Cinq prétendants ont jeté l'éponge durant la campagne mais restent inscrits sur les bulletins.
C'est la première fois que les Tunisiens peuvent voter librement pour leur chef d'Etat depuis l'indépendance en 1956.
Habib Bourguiba se maintenait aux commandes du pays par des plébiscites
avant de devenir "président à vie". M. Ben Ali, qui a renversé son
prédécesseur le 7 novembre 1987, n'hésitait pas à falsifier les
élections durant ses 23 ans à la tête de la Tunisie, avant sa fuite en
Arabie saoudite le 14 janvier 2011.
"C'est très important, cette élection. Il ne faut surtout pas la rater,
il s'agit d'achever la révolution", juge Moez, un chauffeur d'une
trentaine d'années qui est observateur électoral dans un bureau de la
banlieue sud de Tunis.
M. Marzouki s'est efforcé de se poser en candidat naturel de la
révolution, par opposition à M. Caïd Essebsi qui a servi comme ministre
sous Bourguiba et présidé le Parlement de Ben Ali au début des années
1990.
Le chef de Nidaa Tounès a fait campagne sur la nécessité de renforcer
l'Etat et son prestige, la Tunisie ayant vécu une transition mouvementée
marquée par les assassinats de deux opposants à Ennahda, l'essor de
groupes jihadistes et des problèmes socio-économiques structurels.
Afin d'éviter un retour à la dictature, la nouvelle Constitution donne
des prérogatives assez limitées au président mais l'élection au suffrage
universel lui confère un poids politique important.
M. Caïd Essebsi espère qu'une victoire lui permettra de former plus
facilement une majorité de gouvernement, la victoire aux législatives de
son parti étant insuffisante pour gouverner seul.
Les premières heures du scrutin se sont déroulés dans le calme. "Nous
avons pris toutes les précautions pour que les choses se passent de
manière normale comme c'était déjà le cas pour les législatives", a
souligné le ministre de la Défense Ghazi Jeribi.
(23-11-2014)
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