lundi 17 novembre 2014

Syrie: les jihadistes de l'EI face à une guerre d'usure à Kobané

Les jihadistes du groupe Etat islamique (EI) sont désormais confrontés à une guerre d'usure à Kobané, une localité kurde du nord syrien inconnue il y a deux mois, en raison de la résistance des forces kurdes et des frappes de la coalition internationale.
"L'EI contrôle plus de la moitié de la ville mais n'avance plus. Il y a quelques semaines, tout semblait indiquer que Kobané allait tomber et il est clair aujourd'hui qu'elle ne va pas tomber", affirme à l'AFP l'expert des mouvements jihadistes, Romain Caillet.
Volant de victoires en victoires, ces combattants ultra-radicaux pensaient en finir rapidement avec Kobané, qui représentait à leurs yeux une verrue dans les territoires conquis à cheval sur la Syrie et l'Irak. La Turquie affirmait même en octobre que la ville était sur le point de tomber, quelques semaines après le début de l'offensive jihadiste pour la conquérir le 16 septembre.
Après s'être emparés de dizaines de villages aux alentours, les jihadistes de l'EI, précédés d'une réputation de brutalité inouïe, se sont présentés le 6 octobre aux portes de Kobané, suscitant un mouvement de panique parmi les habitants qui ont fui par dizaines de milliers vers la Turquie voisine.
"L'EI est alors tombé dans un piège terrible, notamment parce que les Etats-Unis avaient répété que ce n'était pas à leurs yeux une position stratégique. Mais en réalité leur aviation est entrée en action et rien n'est plus facile à des avions que de frapper une ville vide", souligne Romain Caillet.
Ainsi, dès que les jihadistes s'emparent d'un bâtiment et mettent une dizaine de leurs hommes pour le garder, l'aviation de la coalition dirigée par les Etats-Unis frappe et en tue un grand nombre.
Selon ce chercheur, "les jihadistes sont des Syriens mais aussi des Ouzbeks et des Tchétchènes qui sont des guerriers aguerris. Pour un combattant kurde tué, il y a deux fois plus de jihadistes qui périssent. Il y a même cinq Français qui sont morts en une seule frappe".
Selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), 609 jihadistes ont péri dans la bataille de Kobané, contre 363 membres des forces kurdes des Unités de protection du peuple (YPG) et 24 civils. La ville comptait près de 150.000 habitants, en très grande majorité kurdes, avant l'offensive.
L'EI, qui menait jusqu'à présent des offensives fulgurantes, a été surpris par la résistance farouche de ses adversaires.
"Il fait face désormais à une guerre d'usure plus coûteuse pour ses hommes que pour leurs adversaires kurdes", souligne Rami Abdel Rahmane, le directeur de l'OSDH qui s'appuie sur un large réseau de militants et d'informateurs à travers le pays ravagé par la guerre civile depuis plus de trois ans.
Selon lui, l'équilibre de forces sur le terrain n'a pas beaucoup changé depuis l'arrivée le 31 octobre des renforts de peshmergas irakiens pour épauler leurs frères d'armes syriens.
"Il s'agit d'une guérilla urbaine dans une ville partagée en deux. Les combats se poursuivent dans le centre et le sud, mais ce sont surtout les tireurs embusqués qui sont en action, notamment ceux de l'EI postés sur les immeubles dans les secteurs sous leur contrôle et sur la ligne de front", dit-il.
"Les armes qui sont parvenues aux Kurdes, les renforts des peshmergas, la campagne médiatique internationale, le moral des YPG, tout ceci a fait que la chute de Kobané est devenue improbable, sauf surprise", selon lui.
Certes l'EI contrôle toujours de larges régions autour de la ville mais n'y laisse pas un grand nombre de combattants qu'il préfère envoyer au front. Les forces kurdes parviennent ainsi à attaquer des positions de l'EI faiblement défendues loin "de 5 à 15 km de Kobané, ce qui rend le groupe de plus en plus nerveux".
M. Abdel Rahmane va jusqu'à dire que, tirant le bilan de son "échec", l'EI "se retirera brusquement" de Kobané.
Journaliste kurde à l'intérieur de Kobané, Farhad Shami acquiesce. "Nous assistons à une défaite" de l'EI à Kobané, dit-il tout en estimant que la bataille ne s'arrêtera pas même en cas de retrait éventuel des jihadistes.


(14-11-2014)

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