Les jihadistes du groupe Etat islamique (EI) sont désormais confrontés à
une guerre d'usure à Kobané, une localité kurde du nord syrien inconnue
il y a deux mois, en raison de la résistance des forces kurdes et des
frappes de la coalition internationale.
"L'EI contrôle plus de la moitié de la ville mais n'avance plus. Il y a
quelques semaines, tout semblait indiquer que Kobané allait tomber et il
est clair aujourd'hui qu'elle ne va pas tomber", affirme à l'AFP
l'expert des mouvements jihadistes, Romain Caillet.
Volant de victoires en victoires, ces combattants ultra-radicaux
pensaient en finir rapidement avec Kobané, qui représentait à leurs yeux
une verrue dans les territoires conquis à cheval sur la Syrie et
l'Irak. La Turquie affirmait même en octobre que la ville était sur le
point de tomber, quelques semaines après le début de l'offensive
jihadiste pour la conquérir le 16 septembre.
Après s'être emparés de dizaines de villages aux alentours, les
jihadistes de l'EI, précédés d'une réputation de brutalité inouïe, se
sont présentés le 6 octobre aux portes de Kobané, suscitant un mouvement
de panique parmi les habitants qui ont fui par dizaines de milliers
vers la Turquie voisine.
"L'EI est alors tombé dans un piège terrible, notamment parce que les
Etats-Unis avaient répété que ce n'était pas à leurs yeux une position
stratégique. Mais en réalité leur aviation est entrée en action et rien
n'est plus facile à des avions que de frapper une ville vide", souligne
Romain Caillet.
Ainsi, dès que les jihadistes s'emparent d'un bâtiment et mettent une
dizaine de leurs hommes pour le garder, l'aviation de la coalition
dirigée par les Etats-Unis frappe et en tue un grand nombre.
Selon ce chercheur, "les jihadistes sont des Syriens mais aussi des
Ouzbeks et des Tchétchènes qui sont des guerriers aguerris. Pour un
combattant kurde tué, il y a deux fois plus de jihadistes qui périssent.
Il y a même cinq Français qui sont morts en une seule frappe".
Selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), 609 jihadistes
ont péri dans la bataille de Kobané, contre 363 membres des forces
kurdes des Unités de protection du peuple (YPG) et 24 civils. La ville
comptait près de 150.000 habitants, en très grande majorité kurdes,
avant l'offensive.
L'EI, qui menait jusqu'à présent des offensives fulgurantes, a été surpris par la résistance farouche de ses adversaires.
"Il fait face désormais à une guerre d'usure plus coûteuse pour ses
hommes que pour leurs adversaires kurdes", souligne Rami Abdel Rahmane,
le directeur de l'OSDH qui s'appuie sur un large réseau de militants et
d'informateurs à travers le pays ravagé par la guerre civile depuis plus
de trois ans.
Selon lui, l'équilibre de forces sur le terrain n'a pas beaucoup changé
depuis l'arrivée le 31 octobre des renforts de peshmergas irakiens pour
épauler leurs frères d'armes syriens.
"Il s'agit d'une guérilla urbaine dans une ville partagée en deux. Les
combats se poursuivent dans le centre et le sud, mais ce sont surtout
les tireurs embusqués qui sont en action, notamment ceux de l'EI postés
sur les immeubles dans les secteurs sous leur contrôle et sur la ligne
de front", dit-il.
"Les armes qui sont parvenues aux Kurdes, les renforts des peshmergas,
la campagne médiatique internationale, le moral des YPG, tout ceci a
fait que la chute de Kobané est devenue improbable, sauf surprise",
selon lui.
Certes l'EI contrôle toujours de larges régions autour de la ville mais
n'y laisse pas un grand nombre de combattants qu'il préfère envoyer au
front. Les forces kurdes parviennent ainsi à attaquer des positions de
l'EI faiblement défendues loin "de 5 à 15 km de Kobané, ce qui rend le
groupe de plus en plus nerveux".
M. Abdel Rahmane va jusqu'à dire que, tirant le bilan de son "échec", l'EI "se retirera brusquement" de Kobané.
Journaliste kurde à l'intérieur de Kobané, Farhad Shami acquiesce. "Nous
assistons à une défaite" de l'EI à Kobané, dit-il tout en estimant que
la bataille ne s'arrêtera pas même en cas de retrait éventuel des
jihadistes.
(14-11-2014)
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire