dimanche 29 septembre 2013

Soudan : poursuite des protestations, le président qualifié d’"assassin"

Quelque deux mille manifestants ont accusé samedi le président soudanais Omar el-Béchir d’être un "assassin" au lendemain d’une nouvelle journée de protestation réprimée par les forces de l’ordre.
Des milliers de Soudanais avaient bravé les gaz lacrymogènes vendredi pour protester contre des mesures d’austérité, au cinquième jour d’une vague de protestations inédite dans laquelle des dizaines de personnes ont été tuées et 600 autres arrêtées.
Le gouvernement continue de garder le mutisme face à cette contestation d’une ampleur inédite depuis l’arrivée au pouvoir du président Béchir en 1989, mais les écoles ont été fermées jusqu’à lundi.
Les manifestants dénonçaient samedi la mort du "martyr" Salah Mudathir, tué la veille lors d’une manifestation à Khartoum Bahri.
"Béchir, tu es un assassin" ont crié, selon un témoin, quelque 2.000 manifestants, dont des femmes et des enfants.
"A bas, à bas" le pouvoir, ont-ils encore crié contre le régime islamiste du président Béchir.
Cette manifestation est survenue après les funérailles dans un quartier huppé de la capitale de Mudathir, un pharmacien de 28 ans issu d’une riche famille connue dans les affaires et la politique.
"Il a été tué d’une balle dans le coeur vendredi soir", alors qu’il manifestait, a indiqué son cousin à l’AFP.
La police a fait état de son côté de quatre civils tués vendredi dans Khartoum et sa banlieue, affirmant qu’ils étaient tombés sous les balles d’inconnus.
"Des hommes armés non identifiés ont tiré vendredi sur des manifestants à Khartoum Bahri, à Khartoum et à Omdurman et quatre civils ont été tués", a indiqué la police citée par l’agence officielle soudanaise SUNA.
La police faisait état jusqu’à présent d’un bilan de 29 morts, mais n’avait donné aucune précision sur les circonstances de ces décès.
Selon des témoins et des proches des victimes, la plupart des civils tués mardi et mercredi l’ont été par balles par la police.
Deux ONG, l’African Centre for Justice and Peace Studies et Amnesty International, qui ont fait état d’un bilan de 50 morts pour mardi et mercredi, ont accusé les forces de sécurité d’avoir délibérément tiré sur les manifestants.
L’opposition, ainsi que des militants, ont appelé cette semaine à la poursuite des manifestations.
Le parti d’opposition Oumma de l’ex-Premier ministre Sadek Al-Mehdi a appelé "le peuple soudanais à intensifier les protestations", et l’Alliance des jeunes de la révolution soudanaise a réclamé "la démission du chef de l’Etat (...) ainsi que du gouvernement corrompu".
Depuis la décision lundi du gouvernement de lever des subventions sur les carburants dans le cadre d’une série de réformes économiques, les Soudanais manifestent en masse dans plusieurs régions et les protestations ont par endroits dégénéré.
Le ministère de l’Intérieur a annoncé vendredi soir l’arrestation de 600 personnes pour "leur participation aux actes de vandalisme", précisant qu’elles allaient être jugées la semaine prochaine.
L’internet, coupé vendredi dans la journée pour la deuxième fois de la semaine, a été rétabli en fin d’après-midi.
Pour maintenir le black-out médiatique sur les manifestations, les autorités ont fermé vendredi les bureaux d’Al-Arabiya et de Sky News Arabiya à Khartoum, selon les deux chaînes satellitaires arabes.
Elles ont en outre saisi ou empêché de paraître trois quotidiens pourtant pro-gouvernementaux. Selon le rédacteur en chef d’un journal indépendant interdit depuis jeudi, il n’est pas permis de publier d’autres informations sur les manifestations que les rapports de police.
Le Soudan connaît depuis 2012 des manifestations sporadiques contre le régime qui n’ont cependant pas attiré les foules comme dans d’autres pays de la région, où des chefs d’Etat ont été renversés par la rue.
Le pays a perdu des milliards de dollars de revenus pétroliers depuis l’indépendance il y a deux ans du Sud. Il est depuis touché par une inflation galopante et peine à financer ses importations.
Les Etats-Unis ont condamné vendredi "la répression brutale" et "disproportionnée" menée par le gouvernement soudanais, l’Union européenne s’est dit "inquiète" et le Haut commissariat de l’ONU pour les droits de l’Homme a appelé les forces de sécurité à "la plus haute retenue".

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