jeudi 26 septembre 2013

Soudan : nouvelles manifestations anti-régime, 29 morts en 3 jours

Des milliers de personnes ont manifesté jeudi au Soudan pour appeler à la chute du régime, au 4e jour d’un mouvement de contestation d’une ampleur inégalée contre des mesures d’austérité qui a déjà fait 29 morts.
Les manifestations provoquées par la levée des subventions sur les carburants et qui ont parfois pris une tournure violente avec des biens publics et privés saccagés ou incendiés, sont les plus importantes contre le régime islamiste du général Omar el-Béchir depuis son arrivée au pouvoir en 1989.
Sous le coup de mandats d’arrêt de la Cour pénale internationale pour crimes contre l’humanité et génocide au Darfour, une région de l’ouest soudanais théâtre de troubles, M. Béchir a renoncé à se rendre à New York pour l’Assemblée générale de l’ONU.
Le gouverneur de Khartoum, Abdel Rahman Al-Khidr, a averti que "le gouvernement frappera d’une main de fer ceux qui portent atteinte aux propriétés publiques".
Reprenant le slogan phare du Printemps arabe, environ 3.000 personnes ont défilé le matin dans le quartier d’Al-Inqaz à Khartoum, scandant "Liberté, Liberté", et "Le peuple veut la chute du régime", selon des témoins.
Ils ont mis le feu à des pneus pour couper des routes et jeté des pierres sur les voitures, ont-ils précisé. La police a tenté de les disperser à l’aide de grenades lacrymogènes et de balles en caoutchouc.
A Port-Soudan, à 1.000 km au nord-est de Khartoum, un millier de personnes ont également manifesté, selon des témoins.
Des manifestants brandissaient des pancartes proclamant "Non à la cherté de vie, non à ceux qui font le commerce de la religion", dans une référence au régime islamiste, et ont été dispersés par la police à coups de grenades lacrymogènes.
Les forces anti-émeutes s’étaient déployées dès les premières heures de la journée aux principaux carrefours de la capitale, où la plupart des magasins avaient leurs rideaux baissés et la circulation était fluide.
Les écoles sont restées elles aussi fermées par décision du gouvernement. Même les stations-services n’ont pas ouvert, les protestataires ayant mis le feu à plusieurs d’entre elles la veille.
De nouvelles protestations sont prévues dans l’après-midi.
La veille, lors des manifestations, des protestataires ont tenté d’incendier un bâtiment relevant du ministère du Tourisme, mais seule la façade extérieure a brûlé, selon des témoins.
Ils avaient pillé et incendié mardi le siège du Parti du congrès national, au pouvoir, à Oumdourman, ville jumelle de Khartoum.
Au moins 29 personnes ont été tuées de lundi à mercredi, selon des sources hospitalières. L’hôpital d’Oumdourman a à lui seul reçu les corps de 21 civils la veille.
Aucune indication officielle n’a été donnée sur les circonstances de leur décès mais des témoins et des proches ont affirmé que la plupart des civils avaient été tués par les tirs des forces de sécurité.
La télévision d’Etat a diffusé des images de véhicules, de bâtiments et de stations services incendiés ou endommagés, en accusant des "hors-la-loi" d’en être les responsables.
Selon elle, la police a dû intervenir pour empêcher toute "violation de la loi et toute atteinte aux biens privés et publics".
Face à l’extension des troubles, l’ambassade des Etats-Unis à Khartoum a appelé "toutes les parties à ne pas recourir à la force et au respect des libertés publiques et au droit au rassemblement pacifique".
Les manifestations ont jusqu’à présent un caractère spontané. Les dirigeants de l’opposition, dont l’ex-Premier ministre Sadek al-Mahdi, étaient réunis en milieu de journée.
Les connexions internet, interrompues mercredi, ont été rétablies, selon plusieurs utilisateurs.
En revanche, un journal indépendant, Al-Jarida, n’a pas paru jeudi en raison de la censure imposée par les autorités, a déclaré son rédacteur en chef Idriss Al-Doumah à l’AFP. "Nous voulons protester contre la décision des services de sécurité d’interdire la publication de toute information sur les manifestations, à l’exception des communiqués de la police".
Le Soudan connaît depuis 2012 des manifestations sporadiques contre le régime mais sans attirer les foules comme dans plusieurs pays de la région, où plusieurs chefs d’Etat ont été renversés par la rue.
En 2012, de violentes manifestations avaient eu lieu au Soudan après l’annonce de mesures d’austérité dont des hausses d’impôts et du prix du pétrole, mais elles n’avaient pas duré.
Pays pauvre d’Afrique, le Soudan a perdu des milliards de dollars de revenus pétroliers depuis l’indépendance il y a deux ans du Sud et il est depuis touché par une inflation galopante et peine à financer ses importations.

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