mercredi 25 septembre 2013

Syrie : la rébellion s’unit autour de l’Islam

La représentativité de l’opposition syrienne soutenue par l’Occident est remise en question après la décision des principaux groupes rebelles présents sur le terrain de rompre avec elle pour former une alliance dont fait partie la branche locale d’al-Qaida. La nouvelle entente est composée de groupes qui opéraient jusqu’ici sous le commandement du Conseil militaire syrien du général Sélim Idriss, considéré par les pays occidentaux comme l’interlocuteur de référence, ainsi que des jihadistes du Front al-Nosra, inscrit sur la liste des organisations terroristes par l’ONU.
L’annonce a été faite mardi soir par 13 factions rebelles, dont la puissante organisation salafiste Ahrar al-Cham, Liwa al-Tawhid, proche des Frères musulmans, et Liwa al-Islam, proche de l’Arabie saoudite. Dans un communiqué, elles affirment que l’opposition regroupée au sein de la Coalition nationale "ne (les) représente pas et (ils) ne la reconnaiss(ent) pas". Ce nouveau regroupement appelle "tous les groupes civils et militaires à s’unir dans un contexte clairement musulman qui (...) est fondé sur la charia, en en faisant la seule source de la législation", déclarent ces groupes.
Cette décision vide le courant central de la rébellion de ses principaux acteurs, estime Charles Lister, un analyste au IHS Jane’s Terrorism and Insurgency Centre. "Ceci est extrêmement dommageable" pour l’Armée syrienne libre (ASL, jusqu’à présent principale coalition de groupes armés liée à l’opposition en exil), car les 13 groupes "représentent une portion significative de l’opposition armée et regroupent ses meilleurs combattants", a-t-il expliqué.
Les forces ayant rejoint ce nouveau regroupement sont surtout présentes dans le Nord et dans les régions autour de Damas, deux bastions de la rébellion. "Cela va avoir un impact considérable sur la capacité du Conseil militaire syrien (qui chapeaute l’ASL) de se considérer comme le noyau de l’opposition", note Charles Lister. Expert de ce pays, Aron Lund partage cette analyse sur son blog Syria Comment. "Il s’agit (...) d’une grande partie du courant principal (de la rébellion) contre sa prétendue direction et l’alignement de ces factions à des forces plus radicales."
Thomas Pierret, spécialiste de l’islam en Syrie, relève que ces organisations avaient, l’an dernier, refusé de s’associer au Front al-Nosra pour rejeter la Coalition. Pour ce maître de conférences à l’université d’Édimbourg, l’accord russo-américain sur les armes chimiques à la mi-septembre, qui a bloqué d’éventuelles frappes américaines contre le régime, a modifié les calculs de certains groupes. "Après la crise des armes chimiques, des insurgés ont perdu l’espoir de tirer quelques avantages de l’Occident", a-t-il dit.
Le langage utilisé dans l’annonce et l’inclusion du Front al-Nosra dans l’alliance risquent d’accroître les craintes de l’Occident d’une radicalisation de l’opposition armée. Par ailleurs, les analystes notent l’absence notable de l’autre groupe djihadiste, l’Etat islamique d’Irak et du Levant (EIIL), une émanation de l’organisation d’al-Qaida en Irak qui a étendu son influence en Syrie, souvent à la suite d’affrontements avec d’autres groupes rebelles ces derniers mois.
Aron Lund relève que l’absence de l’EIIL dans ce regroupement, alors que rien dans le vocabulaire du communiqué ne peut le heurter, est significative de la volonté de ces groupes de "l’isoler" en raison de ses accrochages répétés avec d’autres groupes modérés ou islamistes. En tout cas, cette alliance va gêner grandement la volonté affichée des pays occidentaux de fournir des armes aux rebelles par l’intermédiaire du général Idriss. En outre, la décision de ces groupes de rompre avec l’opposition va rendre très difficile une solution négociée au conflit, car la Coalition ne représente plus la majorité de l’opposition.
"C’est vrai que la Coalition ne progressait pas vraiment, mais son manque d’influence va être encore plus criant. Et le problème de sa représentation va devenir un problème crucial", assure Yezid Sayigh, chercheur au Carnegie Middle East Centre, basé à Beyrouth.

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