lundi 23 septembre 2013

Égypte : les "activités" des Frères musulmans interdites et leurs biens saisis

Nouveau signe de la volonté des autorités d’éradiquer l’influente confrérie de la scène politique, après l’éviction par l’armée du président issu de ses rangs, la justice égyptienne a interdit lundi les activités des Frères musulmans et confisqué leurs biens. Le jugement rendu lundi par un tribunal du Caire réuni en urgence est le dernier épisode de la série de mesures prises par les autorités mises en place par l’armée après la destitution le 3 juillet du président islamiste Mohamed Morsi, toujours détenu au secret. Les Frères musulmans égyptiens ont qualifié ce jugement de "politique et entaché de corruption", et promis de rester "présents sur le terrain".
Il y a une semaine, un tribunal gelait les avoirs des principaux dirigeants de l’organisation, dont la plupart sont derrière les barreaux et actuellement jugés pour "incitation au meurtre" ou "meurtre" de manifestants anti-Morsi.
L’implacable répression visant les Frères musulmans et les partisans de Mohamed Morsi avait connu son paroxysme le 14 août, lorsque l’armée et la police avaient détruit deux campements où des milliers d’islamistes réclamaient le retour au pouvoir du premier président élu démocratiquement du pays. Dans ces violences et durant la semaine qui a suivi, plus d’un millier de personnes ont péri, en grande majorité des manifestants pro-Morsi. Dans le même temps, plus de 2 000 islamistes ont été arrêtés.
L’interdiction des "activités" prononcée lundi s’applique à la confrérie - qui n’a aucune existence juridique - ainsi qu’à l’Association des Frères musulmans, une ONG créée sous la présidence Morsi et accusée de servir de façade aux Frères. Elle concerne aussi aussi "toute organisation qui en émane ou est financée par eux". Parmi ces organisations satellites figure notamment le Parti de la liberté et de la justice, bras politique des Frères musulmans, qui pourrait être interdit après avoir confortablement remporté les premières législatives libres fin 2011, quelques mois après la chute d’Hosni Moubarak, emporté par une révolte populaire dans le tumulte du Printemps arabe.
La création de ce parti avait été le signe de la sortie de la clandestinité de la confrérie née en 1928 et depuis lors interdite mais tolérée entre des épisodes de violente répression. Elle pourrait désormais faire un retour complet à cette clandestinité qui a fait sa force durant des décennies.
L’Alliance contre le coup d’État, l’organisation pro-Morsi qui anime la contestation contre les nouvelles autorités et appelle régulièrement à manifester pour son retour au pouvoir, pourrait également être visée par la justice.
Alors que les nouvelles autorités répètent à l’envi mener une "bataille contre le terrorisme", le texte du jugement, diffusé par l’agence officielle Mena, accuse la confrérie de "s’être drapée dans l’islam pur pour ses activités qui contredisent le véritable islam et violent la loi". Ce jugement peut faire l’objet d’un appel, et une source judiciaire a affirmé à l’Agence France-Presse qu’un comité gouvernemental serait mis sur pied pour organiser la saisie des avoirs de la confrérie, notamment ses biens immobiliers, dont ses nombreux sièges à travers le pays. Mais pour Michael Hanna, spécialiste de l’Égypte au sein du think tank New Century, cette décision judiciaire est l’illustration d’une "approche brutale qui ne prévoit aucun espace pour la confrérie dans la vie politique et sociale", alors même qu’à l’étranger les plaidoyers pour une réconciliation nationale se multiplient.
Des dirigeants des Frères musulmans, qui peuvent toujours se prévaloir d’une importante base populaire, ont affirmé à l’Agence France-Presse être prêts à renoncer au retour de Mohamed Morsi à son poste, à condition d’obtenir la garantie que leurs membres emprisonnés seraient libérés et leurs dirigeants autorisés à poursuivre leurs activités. Mais les experts estiment que le gouvernement intérimaire semble peu enclin à inclure la confrérie dans la transition qui doit doter l’Égypte d’une nouvelle Constitution et prévoit des élections générales en 2014.
Fin juin, des manifestations sans précédent avaient réclamé le départ de Mohamed Morsi, accusé d’avoir "islamisé" la Constitution, accaparé tous les pouvoirs au profit des Frères musulmans et achevé de ruiner une économie déjà exsangue. L’armée s’était appuyée sur ces manifestations pour déposer Mohamed Morsi. L’institution militaire conserve toujours la haute main sur les affaires du pays où les violences, en hausse dans le Sinaï, péninsule de longue date instable, ont récemment gagné Le Caire, avec un attentat le 5 septembre contre le ministre de l’Intérieur. L’état d’urgence - dont la levée avait été un des acquis du Printemps arabe - a été prolongé jusqu’à mi-novembre, et un couvre-feu nocturne est toujours en vigueur dans la moitié des provinces égyptiennes.

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