mardi 1 septembre 2015

Israël : Les écoliers chrétiens privés de rentrée (Nicolas Ropert)

Benyamin Nétanyahou a lancé, mardi 1er septembre, la rentrée scolaire israélienne dans une école primaire d’Ashkelon. Le premier ministre israélien a souhaité bonne chance aux nouveaux élèves. Entouré de petites mains qui agitaient des drapeaux israéliens, il a conseillé aux enfants de surtout briller « en mathématiques et en sciences ».
Pas un mot cependant sur les 33 000 élèves privés de rentrée. Le chef du gouvernement, tout comme son ministre de l’éducation, Naftali Bennett, n’ont pas abordé le sujet qui fâche : la grève illimitée lancée depuis ce mardi par les établissements de la Custodie en Terre sainte. Derrière cette appellation se trouvent 47 écoles chrétiennes installées en Israël. Répartis entre la Galilée, le centre du pays et la côte, ces établissements catholiques, protestants et orthodoxes ont décidé d’un mouvement inédit.
Dans un communiqué diffusé aux journalistes, le bureau des écoles chrétiennes en Israël pointe les subventions du gouvernement israélien en baisse de « 45 % par rapport à l’an dernier ». Aujourd’hui, une école primaire n’est soutenue qu’à hauteur de « 29 % par le ministère », relève le texte, qui insiste sur « cette discrimination qui doit cesser ». Ces coupes dans les budgets créent en effet « une inégalité de traitement entre l’enseignement juif et l’enseignement chrétien, qui accueille 33 000 élèves de confessions différentes », assène le Père Abdel Massih Fahem, qui dirige les écoles de la Custodie.
Installé dans son bureau accolé à l’école Terra-Santa de Ramla, il ne mâche pas ses mots contre un gouvernement israélien qui « sacrifie », selon lui, l’éducation chrétienne, pourtant réputée pour sa qualité.
Les exigences des directeurs des écoles chrétiennes sont simples : être financées de la même manière que les écoles juives non publiques. En effet, les écoles privées ultraorthodoxes juives dépendent dans leur immense majorité à 100 % de l’argent public.
Il n’en est pas de même pour les établissements chrétiens qui sont pourtant reconnus par le gouvernement. « On nous a proposé de devenir des écoles publiques, mais nous avons refusé, car cela reviendrait à perdre l’usage de nos locaux qui pourraient être utilisés en dehors du temps scolaire », se défend l’homme d’Eglise, qui fait visiter son école sans que l’on puisse apercevoir le moindre enfant. Ni dans la cour ni dans les salles de classes. Le mouvement est suivi dans toutes les écoles chrétiennes du pays, sauf à Jérusalem, dont les écoles dépendent de l’Autorité palestinienne.
Les professeurs ont été avertis lundi 31 juillet du déclenchement de la grève illimitée. Une option de dernier recours « mûrement réfléchie », précise le communiqué du bureau des écoles chrétiennes. Des discussions sont en cours entre le ministère de l’éducation et les responsables de ces écoles. Mais du côté des directeurs d’établissement, c’est un sentiment de ras-le-bol des promesses non tenues qui domine. Ils ont rencontré la semaine dernière le président israélien, Réouven Rivlin, qui leur a assuré une solution. Naftali Bennett a tenté jusqu’au bout d’empêcher ce mouvement de grève. Mais rien n’y a fait.
« Nous ne céderons que quand le ministère de l’éducation nous aura donné raison », lance le Père Abdel. La baisse des financements publics menace l’éducation chrétienne en Israël. Selon les statistiques, les élèves de ces établissements sont à 60 % chrétiens. Les autres sont musulmans, druzes et même juifs. « Nos élèves viennent de la classe moyenne ou parfois de milieux pauvres. Pour beaucoup de familles, il serait impossible de payer davantage que ce que nous leur réclamons déjà chaque année », fait savoir le curé.
Pour le moment, les parents semblent soutenir le mouvement. Avocat à Ramla, ancien élève de l’école Terra-Santa, Rami Saba suit de très près le dossier. Il défend le droit des chrétiens à apprendre dans des écoles qui leur ressemblent. « J’ai plusieurs de mes petits-cousins qui sont scolarisés à Terra-Santa. Dans la famille, nous pensons que la grève est une solution nécessaire, plaide cet Arabe israélien. C’est peut-être un danger pour la scolarité des élèves, mais nous devons prendre ce risque. Nous sommes prêts à faire ces sacrifices. »
Il dit espérer beaucoup de la rencontre prévue mercredi 2 septembre à Rome entre le pape François et Réouven Rivlin. Et d’affirmer : « Ce pape est connu pour taper du poing sur la table. C’est ce qu’il faut faire. »

(01-09-2015 - Nicolas Ropert, Le Monde)

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