mercredi 16 septembre 2015

Algérie: "Contre-pouvoirs", la société scrutée à travers ses journalistes (Samir El Walid)

C'est à Béjaïa, dans l'est de l'Algérie, que le cinéaste Malek Bensmaïl a choisi de projeter son film Contre-pouvoirs en avant-première. De quoi s'agit-il ? Vingt ans après la vague de violence islamiste qui a emporté une centaine de ses membres, la presse algérienne a reçu dans une de ses plus célèbres rédactions, celle du journal francophone El Watan, le cinéaste Malek Bensmaïl. Celui-ci lui consacre son dernier film Contre-pouvoirs. Au coeur de la campagne électorale pour le 4e mandat du président Abdelaziz Bouteflika au printemps 2014, au sein d'El Watan, Malek Bensmaïl filme visages, claviers et rotatives alors que le syndrome post-traumatique est encore là. Rappelons-nous. En pleine décennie de la guerre civile qui a fait quelque 200 000 morts, un mufti islamiste décrète que les journalistes sont partie prenante dans le conflit et promet de faire périr "par l'épée" ceux qui combattent ses partisans "par la plume". S'ensuit en mai 1993 une vague de liquidations qui coûte la vie à une centaine de journalistes et employés de presse, égorgés, mitraillés ou attaqués à coups d'explosifs, et jetant sur le chemin de l'exil des dizaines d'autres. Mais "l'oubli" et le "mensonge", selon M. Bensmaïl, sont venus couvrir cette douloureuse période de sa lourde chape.
Un hommage aux journalistes
"On s'est focalisé sur les journalistes algériens uniquement durant la décennie où ils ont été victimes et ça a été une tragédie pour eux, mais après on les a laissés tomber, ils sont là, ils sont talentueux et on ne s'en préoccupe pas, ils continuent à faire un boulot monstre", explique Malek Bensmaïl à l'AFP. Si les couteaux ont été remisés dans les fourreaux et que la peur a cessé de hanter les rédactions, l'angoisse n'y est pas moins présente dans un pays où la presse indépendante a seulement un quart de siècle d'existence après un monopole du parti unique.

Malek Bensmaïl ausculte la presse
"Cette presse n'a pas cessé de se battre", observe l'auteur du documentaire interrogé lors des "rencontres cinématographiques" de Béjaïa (250 km à l'est d'Alger). "Elle est aujourd'hui confrontée à des problèmes, différents certes, mais tout aussi menaçants pour le métier", selon lui. Comme un médecin équipé de son stéthoscope, Malek Bensmaïl ausculte ce "corps" qui souffre, mais qui résiste face au pouvoir politique et aux puissances financières qui ont émergé avec la libéralisation de l'économie.

Satisfaire un besoin fort de témoigner
Contre-pouvoirs, sélectionné au festival international de Locarno, tente de saisir les enjeux futurs de la société algérienne à travers le prisme du travail journalistique, indique l'AFP. Mais "journalistes ou pas, les Algériens ont un besoin extraordinaire de témoigner. On est dans ce besoin et c'est important que nous prenions cette parole et que nous la mettions en forme", conclut Malek Bensmaïl.

(16-09-2015 - Samir El Walid)
Synopsis
Abrités depuis la décennie noire des années 90, au sein de la Maison de la Presse, les journalistes du célèbre quotidien El Watan attendent la livraison de leurs nouveaux locaux, symbole de leur indépendance.
Après vingt années d’existence et de combat de la presse indépendante algérienne, de joies et de pleurs, j’ai décidé d’installer ma caméra au sein de la rédaction d’El Watan qui suit l’actualité de ce nouveau printemps algérien… Le Président Bouteflika brigue un quatrième mandat.
Au-delà de ce qu’on appelle « les révolutions arabes » et autres termes médiatiques, ce film, je le souhaite avant tout comme une contribution à la mémoire des femmes et des hommes, jeunes et moins jeunes, qui mènent un combat au quotidien afin de préserver la liberté d’informer dans un pays politiquement et socialement sclérosé.

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