lundi 14 septembre 2015

Algérie : "La fin d'une époque mais pas celle d'un système" (Soraya Mehdi)

La presse algérienne revient largement, ce lundi 14 septembre, sur la mise à la retraite du général Mohamed Mediène, dit Toufik, 76 ans, après 25 ans à la tête du Département de renseignement et de la sécurité (DRS), annoncée dimanche 13 septembre par un communiqué de la présidence de la République. Qualifié de « véritable séisme », le départ du général Toufik marque un événement important de la vie politique algérienne « tant l'homme et les services qu'il dirigeait ont concentré de vastes pouvoirs […] au rôle politique considérable », relève le quotidien francophone El Watan. « Le président fait tomber le faiseur de présidents », titre ainsi le quotidien arabophone El Khaba , qui dresse un long portrait de ce «  fantôme qui a dirigé l'Algérie pendant un quart de siècle ». « Pour le commun des mortels, Toufik était intouchable, c'était Rab Edzaïr (le dieu de l'Algérie) », rappelle le journal El Watan. La mise à la retraite de « l'énigmatique général », comme le qualifie le journal arabophone Echourouk, du « mythique et mystérieux » Toufik, « l'homme sans visage », comme le décrit par ailleurs El Watan, sonne donc comme « la fin d'un mythe ». « C'est à se demander si Toufik était un mirage ou une réalité », commente El Watan.

Beaucoup d'interrogations et des interprétations différentes
Avec « la fin de la légende » (El Khabar), c'est aussi une époque qui s'achève, souligne El Watan : « C'est tout un pan de l'histoire de la police politique en Algérie qui tombe. » Le constat dressé, reste la lecture de l'événement. « À quoi obéissent ces changements à la tête des services de sécurité du pays ? » interroge le quotidien francophone Liberté.  « Nouvelle stratégie des services dictés par de nouveaux défis sécuritaires ? Sanctions ? Opération de rajeunissement ? Lutte de clan en perspective de la succession de Bouteflika. » « Un limogeage ? » se demande, pour sa part El Watan.  « Est-il parti au terme d'une guerre d'usure entre son département et la présidence de la République […] ou bien suite à un arrangement, un départ négocié. » Autant d'interrogations qui se retrouvent dans les analyses des journalistes. Si certains voient dans ces changements la preuve d'une « lutte clanique », d'autres estiment qu'il s'agit plutôt d'une « transition en douceur ». « Le président Bouteflika va aller au bout de son mandat, il l'a annoncé, ceux qui l'ont accompagné vont jouer le jeu », a ainsi commenté le journaliste Abed Charef lors de l'émission Café presse politique diffusée par la webradio algérienne Radio M sur le site de Maghreb Emergent. Difficile de répondre à toutes ces questions, tranche El Watan, tant « la nature du fonctionnement du pouvoir réel est opaque ».

Une retraite aux effets limités
En dépit des interprétations divergentes de la mise à la retraite du général Mohamed Mediène, nombreux sont les commentateurs à s'accorder sur l'effet limité de ce remaniement sur la vie politique du pays. Certes, « entre un état-major contesté, des chefs d'armes en retrait, un DRS faible, l'après-Bouteflika n'offre plus la même ligne de décision politique », analyse le journaliste ElKadi Ihsane sur le journal électronique algérien Maghreb Emergent. « Le moule à faire des présidents n'est peut-être pas définitivement cassé mais il est momentanément hors service. » « Peut-être que le DRS, mélange de mythes et de réalités, fait de surpuissances, de récits effrayants et d'interventions salutaires, a vécu », poursuit dans la même ligne d'idées le chroniqueur de Liberté M. Hammouche, « mais le réaménagement n'a pas mis fin au système ». « La longue parenthèse fermée de l'ère toufikienne amorcera-t-elle un changement dans la nature du système politique ? Pas si sûr », conclut, pessimiste, le journal El Watan dont l'édito « L'État civil attendra » relève que « le projet de libérer la vie publique et politique des archaïsmes policiers reste toujours en attente d'être réalisé ».


(14-09-2015 - Soraya Mehdi)

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