Le gouvernement tunisien de l’islamiste Ali Larayedh a obtenu la
confiance des députés mercredi, jour du décès d’un jeune vendeur
ambulant qui s’était immolé désespéré par ses conditions de vie, une
illustration des tensions sociales auxquelles le cabinet devra faire
face.
M. Larayedh et sa coalition regroupant islamistes d’Ennahda, deux partis
laïcs et des indépendants ont obtenu le soutien de 139 députés sur 217,
soit trente voix de plus que la majorité absolue nécessaire.
Cette équipe, qui prêtera serment à la présidence dans l’après-midi,
prend donc ses fonctions près d’un mois après la démission le 19 février
du Premier ministre Hamadi Jebali, emporté par une crise politique
exacerbée par l’assassinat de l’opposant Chokri Belaïd.
Tout juste avant le vote, Ali Larayedh a prononcé un bref discours, pour
répondre aux dizaines d’interventions de députés depuis mardi.
Il y a réagi pour la première fois à la mort et à l’immolation par le
feu d’un jeune vendeur ambulant, Adel Khadri, excédé par la pauvreté
selon des témoins et ses proches.
"C’est un incident triste, j’espère que nous avons tous compris le
message", a déclaré M. Larayedh, ministre sortant de l’Intérieur.
Ce décès est hautement symbolique en Tunisie où la révolution avait déjà
été déclenchée par l’immolation d’un vendeur ambulant excédé par la
misère et les brimades de policiers à Sidi Bouzid (centre).
La pauvreté et le chômage étaient au coeur des causes du soulèvement, or
deux ans après l’économie tunisienne est toujours anémique et le pays
est paralysé par une interminable crise politique et institutionnelle.
Une trentaine de vendeurs à la sauvette ont manifesté mercredi sur les
marches du théâtre municipal, où l’immolation a eu lieu, en scandant
"Honte au gouvernement, la jeunesse brûle".
M. Larayedh a assuré mardi dans son discours de politique générale qu’il
comptait mettre un terme avant la fin de l’année à l’impasse politique
causée par l’absence de consensus sur la future Constitution qui bloque
l’organisation d’élections et prive le pays d’institutions stables.
Il s’est ainsi fixé comme priorités d’organiser "des élections dans les
plus brefs délais", d’"instaurer la sécurité", le pays étant déstabilisé
par l’essor d’un islamisme armé et les conflits sociaux, et de
"continuer de relever l’économie, l’emploi et de lutter contre la hausse
des prix".
Pour qu’une nouvelle Constitution soit adoptée le soutien des deux-tiers
des députés est nécessaire, or aucun compromis ne s’est dessiné même
entre Ennahda et ses alliés.
Un calendrier a été soumis aux députés lundi, prévoyant l’adoption de la
loi fondamentale début juillet et des élections en octobre. Si les élus
ne se sont pas encore prononcés, des observateurs ont jugé l’échéancier
peu réaliste, d’autant que les dates-limite fixées par le passé n’ont
pas été respectées.
La stabilité du pays est aussi menacée par des tensions sociales
grandissantes, manifestations, grèves et affrontements se multipliant
face au niveau élevé du chômage (17% environ) et la misère, deux
facteurs clés du soulèvement de 2011.
L’essor de groupuscules islamistes radicaux, dont l’un est accusé
d’avoir tué Chokri Belaïd, est un autre défi auquel M. Larayedh devra
faire face.
Or Ali Larayedh est très critiqué pour son bilan mitigé au ministère de
l’Intérieur, en raison justement de sa mauvaise gestion supposée de la
menace salafiste et de la répression violente de mouvements sociaux.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire