(Photo : Mahmoud El-Titi)
Abolir la détention « administrative »
La détention « administrative » est un crime de l’occupation. Des
milliers de Palestiniens subissent cette forme de torture morale et
physique, parce que les occupants craignent la révolte populaire. Des
vies sont brisées parce que l’occupant ne peut contrôler une population
héroïque qui ne cesse de réclamer, depuis plus d’un siècle, sa liberté.
Abolir cette forme d’arrestation arbitraire est devenu une priorité pour
le peuple palestinien qui lutte pour sa liberté et sa dignité.
Le résistant Ayman Sharawneh a été enfin libéré le 17 mars. Il a accepté
d’être éloigné vers la bande de Gaza en contrepartie de sa libération
et de la suppresion de son « dossier ». En grève de la faim depuis le
mois d’août dernier, il a perdu 80% de sa capacité visuelle, selon
l’avocat du Club des Prisonniers. Il se trouvait à l’hôpital Soroka,
dans la ville occupée de Beer-Saba’ (Naqab), lorsque des négociations
entre le Shabak et lui, via l’administration pénitentiaire, a eu lieu.
Le Shabak a maintes fois essayé de faire pression sur lui pour
« revoir » et non pas « supprimer » son dossier, mais Ayman a tenu bon.
La libération de Ayman Sharawneh, bien qu’il soit éloigné vers Gaza pour
dix ans, est une grande victoire pour les prisonniers en lutte, et
d’abord pour Ayman Sharawneh. . Elle a prouvé que les sionistes
craignent l’extension du mouvement et essaient de négocier. Il y a
quelques mois, Ayman avait reçu l’assurance qu’il serait libéré. Il
avait arrêté la grève de la faim, mais les autorités de l’occupation ont
violé leurs promesses et l’ont maintenu en prison, comptant le
condamner à achever la peine pour laquelle il avait été condamnée avant
sa libération (28 ans), en octobre 2011, dans le cadre de l’accord
d’échange. Sheikh Khodr Adnane qui a salué la libération de Ayman a
déclaré que le sourire de sa mère est à elle seule une victoire contre
l’occupant, ajoutant que l’éloignement vers Gaza sera levé, tôt ou tard.
C’est aussi l’avis de Ayman Sharwaneh lui-même qui a déclaré que son
éloignement vers Gaza est un crime, mais qu’il devait l’accepter.
Quelques heures après sa libération, l’occupation a arrêté son frère
Jihad, dans la ville occupée d’al-Khalil, par pure vengeance et dépit
d’avoir été obligée de libérer Ayman.
Samer Issawi poursuit la grève de la faim, approchant des 240 jours. Il a
une nouvelle fois refusé d’être éloigné vers Gaza, et a écrit une
longue lettre où il explique son refus : « tout en reconnaissant que la
bande de Gaza fait partie de la patrie et que ses habitants sont mon
peuple, j’affirme que j’irai à Gaza quand bon me semble, car c’est une
partie de mon pays, et que j’ai le droit de circuler dans mon pays comme
je l’entends, mais je refuse d’y être éloigné (de force) car ceci
rappelle l’expulsion forcée des Palestiniens en 1948 et 1967.
Aujourd’hui, nous luttons pour la libération de la terre et le retour
des réfugiés et déportés… la manière méthodique par laquelle Israël
déporte les Palestiniens de leur terre pour mettre à leur place des
mercenaires est un crime en soi. Je refuse la déportation, quel que soit
le lieu. L’occupant vise à vider la ville d’al-Quds de sa population,
la déportation est devenue un principe pour lui. Tout prisonnier ou
autre palestinien qui subit des pressions est déporté pour vider la
ville d’al-Quds de sa population.
Je préfère la mort à l’éloignement de la ville d’al-Quds, elle est mon
âme et ma vie. Si j’en suis arraché, c’est mon âme qu’on arrache, il n’y
a pas de vie après al-Quds et al-Aqsa. Loin d’al-Quds, aucune terre
n’est assez grande pour me convenir. Je retournerai uniquement dans
al-Quds et nulle part ailleurs… Il ne s’agit pas d’une question
personnelle, mais d’une question nationale, d’une conviction et du
principe auquel est attaché tout Palestinien qui aime sa patrie…. »
Deux martyrs sont tombés, en défense de la dignité des prisonniers et
des Palestiniens : Mahmoud El-Titi, étudiant, ancien prisonnier libéré,
fondateur du « mouvement des Palestiniens pour la dignité » en
Cisjordanie. Du camp de réfugiés d’al-Fawwar, près de la ville
d’al-Khalil, étudiant en sciences des médias, il avait mis son savoir
au service des prisonniers. Le mardi 12 mars, les soldats de
l’occupation ont tiré : Mahmoud El-Titi est tombé. Quelques jours
auparavant, les forces sécuritaires de l’AP de Ramallah l’avaient
convoqué. Il avait été leur prisonnier il y a plusieurs années, avant
d’être détenu dans les prisons de l’occupation.
Le second martyr, Muayyed Ghazawneh, 35 ans, du bourg al-Ram, à l’entrée
de la ville d’al-Qods, qui fut atteint d’une complication cardiaque
suite aux tirs de l’armée sioniste contre les manifestants, devant la
prison de Ofer. Il est décédé le vendredi 15 mars. De violentes
manifestations ont eu lieu lors de ses funérailles à al-Quds, les jeunes
ayant décidé de lancer des pierres sur les soldats au barrage de
Qalandia.
Le résistant Younes al-Hroub, qui mène la grève de la faim depuis plus
de 25 jours, réclamant sa libération et l’abolition de la détention
administrative, a été emmené à l’hôpital Soroka, à cause de la
détérioration de son état de santé.
Les trois prisonniers appartenant au mouvement du Jihad islamique et qui
refusent leur détention « administrative », Zakariya El-Hih, Mohammad
Najjar et Ibrahim Ibrahim , ont affirmé à l’avocat du Club des
Prisonniers que les autorités carcérales exercent d’énormes pressions
sur eux pour les empêcher de poursuivre, et qu’elles les ont menacés de
les alimenter par la force. Zakaria al-Hih est passé de l’état de détenu
« administratif » à prisonnier condamné, les autorités de l’occupation
ayant inventé un motif pour le détenir. Des nouvelles non encore
vérifées font état de l’arrêt de la grève de la faim de Mohammad Najjar
et Ibrahim Ibrahim.
L’occupation a refusé l’appel concernant la détention administrative du
député maqdisi Ahmad Attoun, pour 6 mois. Le jugement a été confirmé. Le
député Ahmad Attoun a d’abord été enlevé du siège du CICR dans al-Quds,
où il protestait contre les menaces d’expulsion à l’encontre de la
direction politique maqdisie. Expulsé vers Ramallah, il été arrêté et
condamné à 6 mois de détention « administrative ».
Vendredi 15 mars, plusieurs manifestations ont été organisées à
al-Khalil, en soutien aux prisonniers en lutte, Ahmad Najjar et Zakaria
Hih. Elles furent durement réprimées par les forces de l’occupation.
Thaer Halahla, prisonnier libérée qui a mené la grève de la faim, a
critiqué les forces sécuritaires de l’AP qui empêchent toute riposte aux
attaques des sionistes et qui poursuivent les résistants.
L’occupant tiendra-t-il parole dans les cas de Tareq Kaadan et Jaafar
Izzidine, qui ont mené la grève de la faim puis arrêté, suite à la
promesse du juge de l’occupation que leur détention « administrative »
ne serait pas renouvelée, après le 22 mai ? Bien que l’avocat avait
réclamé que la date soit revue afin de réduire la durée de la détention,
le juge avait fixé le terme de trois mois, non renouvelable. Mais
aucune séance du tribunal n’a encore confirmé cette promesse, laissant
les deux résistants détenus dans une situation imprécise. Deux fois de
suite, le tribunal a reporté ses séances.
Statistiques
Suite au martyre de Arafat Jaradat le 23 février, les autorités de
l’occupation ont arrêté 310 Palestiniens en Cisjordanie occupée, al-Quds
y compris. Dans la seule ville d’al-Khalil, l’occupation a arrêté 95
Palestiniens, de tous âges, par crainte du déclenchement d’une révolte
généralisée contre l’occupation. Dans la ville d’al-Quds, 82 personnes
ont été arrêtées. Par ailleurs, 70 enfants ont été arrêtés, certains
âgés à peine de 9 ans. Ils ont été soit relâchés après le paiement d’une
amende, soit mis en détention à domicile.
Le résistant maqdisi Mahmoud Nofal Mohammad Daajneh (65 ans) entame sa
21ème année de prison. Il est prisonnier depuis le 16 mars 1993, et a
été condamné à la perpétuité plus dix ans. Marié, père de dix enfants,
et grand-père de 50 petit-fils. Il est le plus âgé des prisonniers
maqdisis.
14 prisonniers palestiniens sont atteints de cancer. Ils ne suivent
aucun traitement approprié. Les organismes de défense des prisonniers
interpellent les associations humanitaires dans le monde de soulever la
question des prisonniers malades dans les geôles sionistes. Parmi les
cas les plus graves, celui de Maysara Abu Hamdiyé, qui risque la mort à
tout instant, et celui du résistant Mu’tassam Radad, 27 ans. Les
autorités carcérales et les médecins sionistes utilisent Maysara Abu
Hamdiyé pour leurs expériences médicales. Deux fois de suite, des
médicaments non conformes lui ont été administrés. Ce n’est pas la
première fois que des informations circulent sur l’utilisation des
prisonniers comme cobayes pour les industries pharmaceutiques de l’Etat
colonial.
Arrestations et condamnations
L’occupation a lancé une campagne d’arrestation des cadres politiques
de plusieurs mouvements (Fateh, Jihad islamique, Hamas) et des
journalistes, par crainte de l’extension de la révolte du peuple
palestinien en Cisjordanie, y compris al-Quds. Plusieurs prisonniers
libérés ont également été arrêté, dont Issa Awad, Mohammad Harb, Mahmoud
Hamdi Shabaneh (Hamas).
Nawal Saadi, du camp de Jénine, dont le mari Bassam Saadi a été libéré
il y a plus d’un mois, est toujours en arrestation, l’occupant reportant
sans cesse la séance du tribunal qui devrait confirmer ou annuler sa
détention.
Portrait d’un détenu « administratif »
Le prisonnier libéré Mazen Jamal Natché (41 ans) est de la ville
d’al-Khalil. Il vient d’être libéré après 127 mois de détention
« administrative (soit plus de dix ans), et dont il fut le doyen. Il a
été interviewé par le centre Ahrar. Il dit avoir été arrêté pour la
première fois en 1991 alors qu’il était encore lycéen. Il fut prisonnier
pour un mois. Ensuite, il fut arrêté le 18 octobre 1994, et condamné à 8
mois de prison. En 1997, il fut arrêté et mis en détention
« administrative » pour 9 mois. Et depuis 2004, il n’est pas resté hors
de prison plus d’une année entière.
Le 29 mars 2004, après le martyre de sheikh Ahmad Yassine, il fut à
nouveau arrêté pour 9 mois, puis en 2005, pour 44 mois, sans qu’aucune
charge contre lui n’ait été prononcée, mais seulement un rapport secret
des services de renseignements qui le juge « dangereux ». Puis la
dernière arrestation fut le 10/7/2009, où il fut détenu pendant 41 mois,
toujours sans charge. Il a été transféré dans la plupart des prisons
sionistes. Il considère que toutes ces années de détention ont brisé son
parcours de vie, sans qu’il y ait une raison valable à cela. Il fut
éloigné de sa famille et de ses enfants, et il n’a pas pu poursuivre ses
études.
La dernière fois où il a été arrêté, il rédigait un mémoire de maîtrise à
l’université Abu-Dis d’al-Quds, et son arrestation a mis fin à
l’obtention de son diplôme. De plus, sa vie familiale a été très
perturbée, puisqu’il n’a pas été aux côtés de ses trois enfants pendant
toutes ces années.
A cause de la torture subie et des mauvais traitements infligés par les
autorités carcérales, il souffre à présent de plusieurs maladies, et il
est obligé de prendre divers remèdes et suivre des traitements
constants. Il dit que le transfert d’une prison à l’autre au moyen de ce
que les prisonniers appelent « bosta » est une des choses les plus
pénibles que les prisonniers subissent, car il s’agit d’une « machine de
torture » qui étouffe les prisonniers lors des transferts, et notamment
les prisonniers « administratifs » qui sont en transfert constant.
Solidarité
Plusieurs manifestations et rassemblement se déroulent
quotidiennement en Palestine occupée et dans le monde, pour soutenir la
lutte des prisonniers palestiniens. Cependant, dans les pays arabes, le
soutien reste épisodique.
Les prisonniers ont déclenché le 19 mars une grève de la faim pour
réclamer la fin de l’isolement de Darrar al-Sissi. Les autorités
carcérales onr riposté en menaçant de supprimer les visites familiales à
cause de ce mouvement. Elles ont déjà supprimé les visites familiales
pendant trois semaines, à cause des « fêtes juives ».
Le député palestinien Mohammad Baraké, qui siège à la Knesset sioniste, a
évoqué l’arrestation, puis la grève de la faim de Samer Issawi, devant
la Knesset, appelant à sa libération immédiate. Il a dénoncé les motifs
fallacieux de son arrestation et s’est adressé au « brin de conscience »
des députés pour le faire libérer.
Des dizaines de Palestiniens ont manifesté devant le consulat américain
dans al-Quds réclamant la libération de Samer Issawi, le 19 mars. C’est
tous les jours que les maqdisis se mobilisent, en présence de Shirine
Issawi, qui a déclaré que les Palestiniens se mobilisent pour la
libération de tous les prisonniers, et notamment de ceux qui luttent en
menant la grève de la faim.
L’ambassadeur palestinien auprès des Nations-Unies, Riad Mansour, a
réclamé l’intérêt de cet organisme international pour la question des
prisonniers palestiniens détenus dans les prisons sionistes et notamment
pour le résistant Samer Issawi, en grève de la faim depuis plus de 230
jours.
L’Union européenne a décidé d’envoyer une « commission d’enquête » sur
le martyre du prisonnier Arafat Jaradat dans les prisons de
l’occupation. Issa Qaraqe’ ministre palestinien pour les affaires des
prisonniers et libérés, a salué ce geste, disant qu’il s’agit d’une
« victoire de la justice humaine et des droits de l’homme ». Ce ministre
a dû sans doute oublier le sort des précédentes commissions d’enquête à
propos du massacre de Jénine, ou de la guerre criminelle contre Gaza en
2008-2009.
L’Autorité Palestinienne de Ramallah a arrêté le journaliste Tareq
Sarkaji, à Nablus, le 11 mars. Depuis son retour de Jordanie en novembre
2012, les services sécuritaires de l’AP l’ont maintes fois convoqué
avant son arrestation. Elle poursuit l’arrestation des prisonniers
libérés, par ordre et en collaboration avec l’occupation, craignant elle
aussi l’extension du mouvement de révolte dans les territoires occupés.
("Baladi", Mars 2013)
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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