Le Liban se retrouve samedi sans gouvernement après la démission
surprise du Premier ministre Najib Mikati à un moment troublé de son
histoire en raison des profondes divisions que suscite dans ce pays la
guerre civile qui ravage la Syrie voisine.
Le chef d’un gouvernement où le mouvement chiite Hezbollah était en
position de force, a présenté officiellement samedi sa lettre de
démission au chef de l’Etat qui va demander au gouvernement d’expédier
les affaires courantes.
A sa sortie du palais présidentiel, M. Mikati, un sunnite de 57 ans,
originaire de Tripoli dans le nord, a appelé à "l’ouverture d’un
dialogue pour la formation d’un gouvernement de salut national dans
cette étape difficile".
Formé en juin 2011, soit trois mois après le début de la révolte en
Syrie, le cabinet était un attelage étrange. Les partis favorables à
Bashar al-Assad étaient majoritaires avec les chiites d’Amal et du
Hezbollah, leurs alliés chrétiens dirigés par l’ex-général Michel Aoun
et de manière surprenante le chef druze Walid Joumblatt, pourtant
contempteur implacable du régime de Damas.
Il était la cible permanente du mouvement du 14 mars, un regroupement
anti-syrien dirigé par l’ancien Premier ministre sunnite Saad Hariri et
ses partenaires chrétiens des Forces Libanaises de Samir Geagea.
Même si le gouvernement avait adopté officiellement une politique de
"dissociation" avec la guerre à Damas, c’est malgré tout l’affaire
syrienne qui indirectement est à l’origine de sa chute.
En effet, M. Mikati a voulu imposer la prolongation du mandat du chef
des Forces de sécurité intérieure (FSI, police), le général Achraf Rifi,
qui aura 60 ans en avril et doit donc partir à la retraite.
"Dans quelques jours, une grande institution de sécurité risque de
sombrer dans le vide car son directeur général doit prendre sa retraite.
J’avais jugé important dans cette phase délicate qu’il continue dans
ses fonctions (...) mais j’ai constaté que le Conseil des ministres ne
me suivait pas dans cette voie", a-t-il dit en annonçant la démission du
gouvernement.
Or cet officier sunnite, très anti-syrien, est la bête noire du
Hezbollah. Ce sont les FSI qui ont joué un rôle déterminant dans
l’enquête ayant conduit à l’inculpation par le Tribunal international de
quatre membres du mouvement chiite impliqués dans l’attentat qui a
coûté la vie à l’ancien Premier ministre Rafic Hariri en 2005.
Deux journaux, Al Akhbar et As-Safir ont révélé samedi que M. Mikati
avait envoyé un message à Hassan Nasrallah, le chef du Hezbollah, pour
l’avertir se sa démission si le puissant mouvement n’acceptait pas la
prolongation du général Rifi dans ses fonctions. M. Nasrallah lui aurait
répondu laconiquement : "Fais ce que bon te semble".
Autre point qui l’a poussé à jeter l’éponge, son insistance à tenir les
élections en juin. Cependant, les partis chrétiens veulent auparavant
changer la loi électorale datant de 1960 qu’ils jugent défavorables à
leur communauté. Or, aucune solution consensuelle n’a été trouvée
jusqu’à présent.
En tout cas, la presse libanaise croit qu’un nouveau gouvernement n’est
pas pour demain. Le quotidien An Nahar, proche de l’opposition hostile à
Damas, s’attend à une "longue crise" alors qu’al-Akhbar, de l’autre
bord politique, pense que "la démission de Mikati signifie la fin de la
politique de dissociation".
"Cette démission projette le Liban dans la crise syrienne et on peut
s’attendre à des tensions sécuritaires non seulement sur la frontière
avec la Syrie mais aussi à l’intérieur du pays. Le chaos politique
risque d’être long", explique le journal.
Al-Mustaqbal, propriété de la famille Hariri, assure que "Mikati a
voulu sauter de la barque de Bashar al-Assad car il sent qu’elle coule",
et pour al-Jumhuriya, proche de l’opposition, "le plus important,
c’est que le statu quo est brisé et qu’il revient aux partis de mettre
sur pied un gouvernement de consensus national".
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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