Autour de deux énormes marmites où mijotent des dizaines de kilos de riz
et une soupe de vermicelle, Oum Ahmed et Oum Ibrahim s’activent pour
cuisiner le repas de nécessiteux chaque jour plus nombreux à Alep,
ancien poumon économique de Syrie ravagé par la guerre.
Toutes deux sont employées par l’"Association des femmes libres de
Syrie", pour improviser quotidiennement ces repas distribués dans des
quartiers de la métropole du Nord touchée à partir de juillet 2012 par
les combats entre rebelles et soldats.
De huit heures à midi, elles préparent à manger dans le sous-sol d’un
immeuble de Bustane al-Qasr, quartier rebelle d’Alep. Ce matin, elles
font bouillir quelque 60 kilos de riz et autant de soupe.
"Un repas populaire et en même temps nourrissant", dit Mohammed Ali al-Hussein, un déserteur ayant rejoint l’association.
Cuisiner là est une aubaine pour Oum Ahmed, 30 ans et mère de cinq
enfants. "Nous-mêmes nous n’avons ni travail ni ressources. Travailler
ici nous permet d’aider les gens et en même temps de subvenir aux
besoins de nos propres familles", explique-t-elle habillée en robe rose.
"Comme mon mari n’a plus d’emploi, j’ai décidé de travailler avec
l’association pour nourrir mes quatre enfants", renchérit Oum Ibrahim,
une jeune femme frêle flottant dans une longue robe verte.
A midi pile, quatre volontaires de l’association remplissent des bidons
avec le riz et la soupe avant de les charger dans un pick-up pour les
apporter au petit local où a lieu chaque jour la distribution.
Alors que plusieurs quartiers sont privés depuis des mois d’électricité
et depuis quelques jours également d’eau, des familles entières n’ont
plus que la charité pour survivre.
Selon le Programme alimentaire mondial, le prix des produits
alimentaires a augmenté en 2012 à Alep de 36% et le pain à lui seul de
77%, soit l’inflation la plus importante du pays. Et le Croissant rouge
syrien assure que 2,5 millions de Syriens ont besoin d’une assistance
alimentaire.
Devant la grille du local, un petit attroupement commence à se former.
"Mon mari n’a plus de travail et nous sommes huit à la maison, donc je
viens tous les jours récupérer un peu de nourriture", explique Sana en
montrant un petit seau rempli de riz. "Bien sûr, ce n’est pas suffisant,
mais c’est déjà ça", lâche-t-elle, le visage caché derrière un niqab
noir.
Dans la file d’attente, beaucoup de femmes, des enfants et quelques
hommes tendent un petit bout de papier. Une fois inscrit auprès de
l’association, chacun doit présenter ce papier sur lequel est inscrit
son nom, le nombre de membres de sa famille et les jours où il a pris à
manger.
"Depuis que les combats ont commencé, je n’ai plus d’emploi et tout est
devenu beaucoup trop cher", se lamente Abu Seif, 37 ans, et père de
quatre enfants. "Nous n’avons rien, depuis six mois il n’y a pas
d’électricité, nous n’avons que Dieu pour pourvoir à nos besoins".
Abdelkarim, lui, se déplace en fauteuil roulant. Plusieurs de ses cinq
enfants souffrent comme lui d’un handicap. "Parfois, des gens nous
aident un peu. On se débrouille".
Tous les jours, des dizaines de familles comptant en moyenne sept
membres se présentent au local. "Chaque midi, ce repas nous coûte entre
15.000 et 20.000 livres syriennes (entre environ 150 et 200 dollars)",
explique Abdallah Ahmed al-Karmu, un avocat qui dirige l’association.
De plus, "nous distribuons quotidiennement 600 sacs de pain d’une valeur
de 30.000 livres (environ 300 dollars)", ajoute-t-il. D’où vient
l’argent ? "Des Saoudiens et d’associations d’expatriés syriens en
Belgique et aux Etats-Unis".
De retour au siège de l’association, les volontaires commencent une nouvelle distribution : du lait pour bébé.
Face à eux, de l’autre côté de la rue, des étals regorgent de fruits et
de gâteaux au miel. A Alep, ce n’est pas la nourriture qui manque mais
l’argent pour l’acheter.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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