Certains jouaient aux cartes pour tuer le temps, lui préférait écrire
pour raconter son quotidien : dix ans après le début du conflit
irakien, un ancien Marine a décidé de partager avec le grand public son
journal de guerre, pour que cette expérience ne soit pas oubliée.
Dans un petit carnet marqué au sceau des Marines, le lieutenant Timothy
McLaughlin a consigné pendant des mois, de façon lapidaire, ce qui
faisait son quotidien. Des listes, des consignes, son emploi du temps,
le détail d’une bataille, une chanson, le décompte de "70 personne
tuées", ses réflexions sur les Irakiens... En ajoutant ici et là des
croquis maladroits.
Ce journal au style télégraphique, brutal dans son absence d’émotion,
est désormais au coeur d’une exposition saisissante —"Invasion : Diaries
and Memories of War in Iraq" (Invasion : Journal et Mémoires de la
Guerre en Irak)— présentée au Bronx Documentary Center à New York,
jusqu’au 19 avril.
Trente-six pages en ont été agrandies, sous forme de grands panneaux au
mur, pour en faciliter la lecture, présentées avec des photos et des
textes sur le conflit.
Quelques lignes griffonnées racontent ainsi l’arrivée de son bataillon
sur le Square Firdos, à Bagdad, en avril 2003 : "noyé par la masse des
journalistes- ne pouvais pas bouger/pacifistes +combien d’enfants
avez-vous tué aujourd’hui+". Il évoque son drapeau devenu célèbre pour
avoir été placé sur la statue géante de Saddam Hussein.
Même style télégraphique pour rapporter un combat : "j’ai une bonne
position pour empêcher fuite par l’arrière. Tué dans bosquet (3-7 ?)
puis 1 traversant canal à la nage, 2 entrant dans canal".
Deux lignes racontent ailleurs son tank qui tire sur une voiture engagée
sur une route contestée. "La voiture ralentit, sort de la route, heurte
un arbre. Civil atteint de cinq balles, dos et jambes. Continuons vers
Afaq".
Mieux qu’un long discours, ses notes racontent la brutalité du
quotidien, le traumatisme aussi d’un militaire de 25 ans, qui s’était
engagé pour "servir", sans se poser de questions.
"La plupart des gens dans l’armée sont détachés des décisions
politiques. Mon pays disait d’y aller, mon travail c’était d’y aller",
explique-t-il à l’AFP, refusant encore d’évoquer le bilan de cette
guerre.
Mais dix ans après, McLaughlin, qui a quitté l’armée, n’est plus le même.
Il continue à faire des cauchemars, reste hanté par certaines de ses
erreurs qui, dit-il, ont coûté la vie à des civils irakiens ou à un
autre Marine.
Officiellement, il souffre de stress post-traumatique.
Mais "ce n’est pas une maladie", insiste-t-il. "C’est une réaction
naturelle à une expérience de combat. Si vous n’étiez pas affecté, alors
là, oui vous seriez malade".
"La guerre c’est tuer des gens, c’est brutal, ce n’est pas romantique,
ce n’est pas un film. Cela a de vraies conséquences pour les gens qui la
font et ceux qui la subissent".
Et même s’il n’aime pas tout ce que livre de lui son carnet de guerre,
il voulait partager ce récit "non édulcoré de ce qu’est vraiment le
combat, sans les filtres habituels des politiques ou de la presse".
Pour essayer, souligne-t-il, "de faire en sorte qu’on réfléchisse peut-être plus avant de partir en guerre".
C’est le journaliste américain Peter Maass qui a eu l’idée l’an dernier
de cette exposition, après que McLaughlin lui eut montré son carnet
défraîchi, oublié dans une vieille malle, des grains de sable encore
glissés entre les pages.
Maass, qui travaillait pour le New York Times Magazine, avait croisé
McLaughlin en Irak, et avait suivi son bataillon de Marines jusqu’à son
entrée dans Bagdad.
L’exposition présente aussi des photos du Britannique Gary Knight, troisième homme impliqué dans le montage de cette exposition.
(16-03-2013 - Assawra avec les agences de presse)
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