Abu Ahmad est venu vendre son ventilateur, l’un des rares biens qu’il a
pu sauver de Baba Amr, quartier martyr de Homs dans le centre de la
Syrie. Comme lui, pour pouvoir manger, de nombreux civils vendent
désormais leurs objets personnels sur un marché d’Alep.
Déplacés venus d’autres régions en guerre, comme ce couturier de 30 ans
père de deux enfants, ou habitants de la capitale économique du nord
syrien, ils sont des dizaines à brader chaque jour les quelques biens
qui leur restent pour nourrir leur famille.
"Les gens vendent en premier lieu du matériel électronique puisque de
toute façon il n’y a plus d’électricité", affirme Mohammad, 52 ans, un
revendeur qui sillonne les maisons de son quartier pour récupérer des
objets afin de pourvoir aux besoins de ses onze enfants.
Un peu plus loin, Ahmad propose aujourd’hui deux raquettes de badmington
et une télévision que lui a vendue son voisin. "Quand je suis venu la
chercher, ses enfants se sont mis à pleurer", confie-t-il.
Mais il sait déjà qu’il ne tirera pas une fortune de cet imposant poste à
tube cathodique. "Cette télévision ne vaut plus rien. Un poste qui se
vendait 3.000 livres syriennes (environ 30 dollars) ne vaut pas plus de
1.000 (environ 10 dollars) aujourd’hui, à cause de l’absence
d’électricité", dit-il.
En haranguant la foule qui s’est formée autour de son stand, il lance :
"Quelqu’un ici a-t-il 2.000 livres syriennes (environ 20 dollars), juste
2.000 livres ?". Personne ne répond.
A Alep, le peu d’argent gagné à chaque vente est vite dépensé. A deux
pas du stand d’Ahmed, un garçonnet a installé son étal... de bougies. Si
les coupures d’électricité on fait le malheur des vendeurs
d’électroménager, les ventes de bougies sont montées en flèche.
Autour d’eux, dans une station-essence désaffectée du quartier de
Salhine (nord-est), installés au pied des pompes vides, des dizaines
d’hommes et d’enfants négocient le prix de quelques objets étalés sur un
morceau de tissu à même le sol, entre deux vendeurs de pigeons et de
volailles.
Au milieu de la fumée de petits barbecues installés par des vendeurs de
kebabs et de galettes frites, d’antiques postes de radio côtoient des
plats en fer, des plaques de cuisson, des boîtiers de serrures ainsi que
des chaussures usées.
Ce marché, Souk al-Khamiss (le marché du jeudi, en arabe), a longtemps
été connu à Alep sous un autre nom : Souk al-Haramiyé, le Marché des
voleurs, parce qu’on a longtemps pu y trouver toute sorte de
contrefaçons et des marchandises à l’origine douteuse.
Aujourd’hui, c’est le repaire des désespérés, le dernier endroit où l’on
peut espérer gagner quelques billets pour survivre dans la métropole
touchée il y a neuf mois par les combats et où les prix ont depuis
flambé.
"Tout le monde est au chômage, le nombre de sans-emploi était déjà très
élevé avant la révolution, mais maintenant cela a atteint des niveaux
inimaginables. Avec les bombardements, personne n’est sûr de revenir
vivant du travail, c’est pour cela que les gens bradent leurs derniers
biens", affirme Abu Bakri, venu en spectateur assister aux échanges
serrés entre les vendeurs et leurs rares acheteurs.
Un peu plus loin, silencieux et un peu honteux, Saleh, 16 ans, la tête
baissée et enfouie dans ses épaules, sort maladroitement un vieil
appareil photographique de son étui en cuir.
"Personne ne travaille à la maison et mon père est mort, je suis venu
vendre cet appareil pour nourrir mes frères et soeurs", raconte-t-il,
gêné.
Aujourd’hui, un seul acheteur s’est présenté et il a proposé au jeune
homme 100 livres syriennes (un dollar), le prix d’un kilo et demi de
tomates.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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