Deux ans après la chute de Hosni Moubarak, de nombreux "jeunes de la
révolution" estiment n’avoir plus que la violence de rue pour s’opposer
aux Frères musulmans au pouvoir en Egypte, accusés de reproduire un
système répressif, sourd aux espoirs de démocratie.
"C’est devenu une guerre de rues. Chaque coup qu’ils nous portent, on le
leur rend encore plus fort", lance Farid Sayyed, 24 ans, rencontré lors
des affrontements des derniers jours devant le siège des Frères
musulmans dans la banlieue du Caire.
A trois reprises en une semaine, les abords du bâtiment, dans le
quartier de Moqattam, ont vu des violences entre manifestants proches de
l’opposition, membres de la confrérie islamiste et policiers, qui ont
fait plusieurs dizaines de blessés.
C’est la première fois que le siège de la confrérie est ainsi visé,
preuve que le puissant mouvement islamiste et son bureau politique sont
désormais identifiés comme le vrai centre du pouvoir, éclipsant le
président Mohamed Morsi, pourtant issu de ses rangs.
La fugace solidarité du début 2011 contre Moubarak entre le mouvement
islamiste très structuré et les "jeunes de la révolution" -ardents
militants pro-démocratie mais mal organisés- a fait long feu.
"Nous avons commencé par défendre nos idées politiques puis les Frères
musulmans ont échoué à nous faire taire, alors ils essayent de nous
tuer", dit Farid avec amertume.
"Même si les Frères musulmans quittent le pouvoir, notre conflit avec
eux persistera car il est devenu personnel", renchérit Abdallah
Souleimane, un étudiant en droit de 18 ans.
Une vidéo réalisée par le site d’information alternative "Mosireen"
("déterminés"), très regardée sur Youtube, replace les flambées de
colère actuelles dans le prolongement de la révolte qui chassa Hosni
Moubarak.
"Les Frères sont des menteurs, ils trompent sous couvert de religion" ou
"ils sont le nouveau PND" -le parti autrefois hégémonique de Moubarak- y
scandent des manifestants.
"La violence est exercée par les Frères contre les manifestants. Les
milices des Frères visent les militants et les tuent", affirme à l’AFP
Heba Yassine, une porte-parole du Courant populaire, l’un des principaux
mouvements d’opposition.
"Toute violence est une réaction à l’absence de l’Etat de droit, ce qui
fait que les opprimés se font justice eux-même", estime-t-elle.
Les Frères musulmans dénoncent pour leur part une dérive du mouvement révolutionnaire.
"Les vrais révolutionnaires ont disparu de la scène, occupée maintenant
par des voyous et ceux qui veulent se venger de la police", dit à l’AFP
Yasser Mehrez, un porte-parole des Frères. "Les choses sont sorties du
cadre de la politique", ajoute-t-il.
Elu en juin 2012, Mohamed Morsi se prévaut d’être le premier civil à
avoir accédé à la présidence après une longue lignée de militaires,
grâce pour la première fois à un scrutin démocratique.
Mais les pleins pouvoirs qu’il s’était temporairement accordés fin 2012,
puis l’adoption d’une Constitution accusée de faire la part belle aux
islamistes, ont renforcé la détermination de l’opposition.
Des manifestations meurtrières l’an dernier devant le palais
présidentiel, l’aggravation de la crise économique, la dégradation de la
sécurité à travers le pays et les craintes d’une mainmise des Frères
sur l’appareil l’Etat ont encore alourdi le climat.
"Face à l’impasse politique actuelle, gouvernants et gouvernés sont
tentés par le recours à la rue pour régler leurs comptes", explique
Ahmed Abd Rabbo, professeur de Sciences politiques à l’Université du
Caire.
Pour Noha Bakr, professeur en sciences politiques à l’Université
américaine du Caire, la tension est exacerbée par "la diabolisation de
l’autre, et la banalisation de l’effusion de sang".
"Cela risque de transformer l’Egypte en un pays à la dérive, dans lequel
l’Etat pourrait perdre définitivement tout contrôle", prévient-elle.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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