jeudi 9 octobre 2014

Yémen: confusion au lendemain de la nomination contestée d'un Premier ministre

La situation politique est plus confuse que jamais au Yémen au lendemain du rejet par les rebelles chiites d'un nouveau Premier ministre, faisant craindre des violences comme celles attribuées à Al-Qaïda qui ont fait dix morts mercredi.
Le rejet mardi soir par les rebelles d'Ansaruallah de la nomination d'Ahmed Awad ben Mubarak a fusé deux heures à peine après l'annonce officielle.
Les rebelles, également appelés houthis, qui contrôlent Sanaa depuis le 21 septembre, ont affirmé que cette nomination était loin d'"exprimer la volonté du peuple" et reflétait celle de l'étranger, en allusion au rôle selon eux de Washington et Ryad dans le choix de ce technocrate de 46 ans pour diriger le gouvernement.
Après la réunion consacrée au choix du Premier ministre, le président yéménite Abd Rabbo Mansour Hadi a reçu séparément les ambassadeurs saoudien et américain au Yémen, selon un journaliste de l'AFP présent au palais présidentiel.
"Les choses n'avaient pas été réglées en amont" de la réunion, a commenté mercredi un diplomate occidental, faisant remarquer que le rejet venait aussi en partie des rangs du Congrès général populaire (CPG), parti de l'ancien président Ali Abdallah Saleh.
Selon des sources politiques, cinq candidats avaient été retenus dans un premier temps sur 21 et le président Hadi a limité le choix à trois personnalités.
C'est alors que le délégué houthi, l'un des sept conseillers présents à la réunion, a quitté la salle en refusant de voter. "Leurs objectifs ne sont pas clairs", a dit le diplomate.
Malgré cela, le chef de l'Etat a entériné le choix de M. ben Mubarak, estimant qu'il avait le profil fixé par un accord de trêve le 21 septembre qui avait mis fin aux combats avec les houthis dans la capitale.
Dans l'entourage du président Hadi, on accuse les houthis d'avoir rejeté M. ben Moubarak pour "ne pas tenir leurs engagements". L'accord du 21 septembre prévoit la levée des camps des houthis autour de Sanaa, leur retrait de la capitale et la restitution des équipements pris à l'armée.
Or les rebelles n'ont cessé depuis de renforcer leur présence dans la capitale et d'étendre leur influence ailleurs, notamment en direction de l'est, vers les principaux gisements pétroliers du pays, et dans le sud-ouest, en direction du détroit stratégique de Bab al-Mandeb qui commande l'entrée sud de la mer Rouge.
Leurs détracteurs accusent les houthis de recevoir leurs ordres de l'Iran et d'avoir rejeté M. ben Mubarak sous le prétexte qu'il avait appartenu pendant ses études en Irak au parti Baas de Saddam Hussein, ancien ennemi juré de Téhéran.
L'influence de l'Iran sur les houthis est relativisée par la source diplomatique occidentale qui, si elle reconnaît qu'elle existe, fait remarquer que "Téhéran a d'autres priorités stratégiques dans la région".
La stratégie de grignotage des rebelles chiites provoque une vive opposition d'Al-Qaïda qui recrute parmi les sunnites, majoritaires au Yémen, alors que les houthis appartiennent au zaïdisme, branche du chiisme qui se concentre dans le nord du pays et représente environ un tiers de la population.
Des commandos présumés d'Al-Qaïda ont ainsi mené une série d'attaques mercredi avant l'aube contre la police et l'armée, tuant dix policiers à Baïda (centre), affirmant agir pour contenir l'expansion territoriale des houthis, selon un responsable des services de sécurité.
Al-Qaïda estime en effet, selon cette source, que les forces de sécurité comprennent de nombreux sympathisants des houthis, qui ont facilité leur entrée dans Sanaa.
La communauté internationale ne veut pas croire, en dépit des violences chroniques et d'une économie agonisante, en la mort du processus de transition politique au Yémen, a souligné le diplomate occidental.
"Le processus de transition politique doit se poursuivre dans un cadre apaisé et le président Hadi garde toute sa légitimité", a-t-il souligné.
La communauté internationale, représentée par le Conseil de sécurité de l'ONU, continue d'exercer des pressions pour que ce processus ne déraille pas, a ajouté cette source.
Le diplomate refuse de parler de blocage politique fatal dans ce pays instable, se contentant de qualifier la situation politique actuelle de "recul" et "d'épisode dommageable".

(08-10-2014)

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