jeudi 9 octobre 2014

Syrie: le conflit s'exporte en Allemagne après des heurts entre Kurdes et islamistes

Plus d'une vingtaine de personnes ont été blessées dans des heurts entre Kurdes et militants islamistes dans la nuit de mardi à mercredi en Allemagne illustrant le risque d'importation du conflit syrien en Europe.
C'est à Hambourg, ville portuaire du nord de l'Allemagne, où vivent environ 35.000 kurdes, que les affrontements ont été les plus violents avec 14 blessés, dont quatre graves, selon la police. A Celle, au nord de Hanovre, neuf personnes, dont quatre membres des forces de l'ordre, ont été blessés dans des heurts similaires.
A Hambourg, une manifestation organisée contre le "massacre" opéré par le groupe État islamique dans la ville syrienne de Kobané s'était déroulée sans incident dans l'après-midi. Mais, plus tard, un groupe de 75 manifestants "vraisemblablement" kurdes, selon la police, s'est réuni près d'une mosquée du centre-ville, face à une cinquantaine de militants islamistes qui s'étaient donnés rendez-vous via les réseaux sociaux pour en découdre.
La police a d'abord tenté d'empêcher les affrontements mais les deux groupes se sont renforcés pour atteindre de part et d'autre quelque 400 participants, dont certains armés de bâtons et d'armes blanches.
La nuit a été le théâtre d'affrontements par petits groupes. La police a eu recours à un canon à eau et les médias allemands ont rapporté des dégâts matériels, comme la fenêtre d'un restaurant brisée ou des véhicules endommagés. Selon la police, 22 personnes ont été interpellées.
- 'Hambourgistan' -
"L'ambiance était explosive. J'avais l'impression d'être en +Hambourgistan+", a expliqué au Spiegel Daniel Abdin, le président de la mosquée Al-Nour. D'autres témoignages, rapportés par le magazine local "Hamburger Mittendrin", donnent une idée de la violence des échauffourées : un homme blessé au bras par une machette, un autre touché au ventre par ce qui ressemblait à "une broche de kebab" ou à "un long couteau"...
A Celle, les heurts trouveraient leur origine dans des appels lancés via les réseaux sociaux par des prédicateurs islamistes, indique la municipalité, citée par l'agence allemande dpa.
Les affrontements y ont opposé des membres de la communauté yazidi, minorité kurdophone très présente dans cette région, à des islamistes d'origine tchétchène, selon la police locale, également visée par des jets de pierres, de bouteilles ou de bâtons.
Ces flambées de violences ont eu lieu alors qu'un peu plus tôt, en Turquie, une série de violentes manifestations kurdes contre le refus du gouvernement d'intervenir en Syrie avaient viré à l'émeute et fait au moins quatorze morts.
Elles ravivent les craintes d'une importation des conflits syrien et irakien en Allemagne, dont la communauté kurde --forte de plus d'un million de personnes selon l'association des Kurdes d'Allemagne -- est considérée comme la plus importante en Europe.
"On observe l'importation en Allemagne du conflit au Moyen-Orient", a commenté pour l'AFP Bülent Ucar, spécialiste de l'islam à l'université d'Osnabrück, qui dit craindre une "montée des préjugés contre les musulmans" en réaction aux images de violences dans les rues du pays.
Le président de l'association kurde hambourgeoise Hevkar, Cafer Yildirim a pris ses distances avec la manifestation de mardi: "les gens qui étaient là-bas étaient des sympathisants du PKK (le parti des travailleurs du Kurdistan, interdit), nous n'avons rien à voir avec eux", a-t-il dit à l'AFP.
Au sein de la communauté kurde de Hambourg, "les gens ont peur, ils redoutent que de tels affrontements ne se reproduisent (...) En Europe et en Allemagne, il y a beaucoup de sympathisants" des jihadistes du groupe Etat islamique (EI) qui combattent en Syrie et en Irak, confie-t-il. Quelque 400 d'entre eux ont d'ailleurs déjà quitté l'Allemagne pour rejoindre la Syrie, selon les services de renseignement.
"Nous devons tout faire pour éviter qu'une guerre par procuration ne se déploie dans nos rues, car c'est exactement dans l'intérêt des radicaux", a déclaré au Spiegel Aiman ??Mazyek, président du Conseil central des musulmans, l'une des principales associations musulmanes en Allemagne.
Le porte-parole du ministère allemand des Affaires étrangères, Martin Schäfer, a cependant jugé "compréhensible" que des gens "puissent se sentir touchés" par les images de Kobané, où une coalition internationale, menée par les Etats-Unis, épaule les combattants kurdes face à l'avancée des djihadistes.

(08-10-2014)

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