lundi 30 novembre 2015

Tunisie : Un président "chef de parti" (Benoît Delmas)

Dimanche en début d'après-midi, la présidence a fait savoir que BCE s'exprimerait sur toutes les chaînes de télévision à 20 h 45. Six jours après l'attentat qui a tué douze membres de la garde présidentielle, six jours après l'entrée d'un couvre-feu drastique qui court de 21 heures à 5 heures dans le Grand Tunis (2,6 millions d'habitants répartis sur quatre gouvernorats), six jours après l'instauration de l'état d'urgence dans tout le pays pour une durée de trente jours, six jours enfin après que le terrorisme a frappé au cœur de la capitale, la parole présidentielle était attendue. Si la nouvelle Constitution a donné le pouvoir à l'Assemblée des représentants du peuple, le symbole de Carthage demeure puissant. Et c'est BCE qui au soir de l'acte revendiqué par Daech était intervenu pour annoncer la batterie de mesures sécuritaires. À 20 h 45, l'homme a surpris en évoquant la situation au sein de son ancien parti (il en a démissionné après sa victoire électorale, se devant d'être le président de tous les Tunisiens). La crise d'adolescence que vit Nidaa Tounes fragilise l'action politique depuis la rentrée. "La patrie avant le parti", a lancé, façon coup de semonces à l'égard des 32 députés frondeurs, le vieux briscard de la vie politique tunisienne. La scission en cours du bloc parlementaire a mobilisé toutes les ressources humaines au pouvoir, du président de l'ARP Mohamed Ennaceur au ministre-chef de cabinet d'Essebsi, Ridha Belhaj. Sans succès. Son intervention a duré 17 minutes. Onze ont été dédiées à Nidaa Tounes, cinq à la paix sociale, une minute quarante-sept au terrorisme.
Une paix sociale pour le Nobel de la paix
Le propos présidentiel a tenu en trois points : besoin d'un parti uni, nécessité d'une paix sociale (de grandes grèves étaient prévues faute d'un accord sur les salaires du secteur privé) entre l'Ugtt et l'Utica et ce afin de pouvoir lutter contre le terrorisme. La date du 10 décembre hante les esprits. À Oslo, on remettra le prix Nobel de la paix aux quatre organisations qui ont mené le dialogue national au deuxième semestre 2013 afin de mettre sur pieds un gouvernement de technocrates. Parmi le quatuor : le syndicat Ugtt et le patronat réuni sous le sigle Utica. Les deux partenaires se sont violemment heurtés lors des négociations salariales dans le secteur privé. Au point qu'un secrétaire-général adjoint de l'Ugtt évoque de faire Nobel à part depuis le 20 octobre, date du limogeage de Mohamed Salah Ben Aissa. L'intérim est effectué par le ministre de la Défense qui a fort à faire sur le front du terrorisme et de la frontière avec la Libye. Les discussions sont en cours avec les partis alliés (les islamistes d'Ennahda au premier rang, les libéraux d'Afek Tounes et l'UPL de l'homme d'affaires Slim Riahi). Un processus qui peut prendre du temps, il avait fallu plusieurs semaines à Habib Essid pour former son équipe. La Tunisie vit son septième jour d'état urgence. Et le Grand Tunis a connu sa sixième nuit de couvre-feu. Huit heures durant lesquelles tout déplacement est interdit. La mesure est appliquée avec fermeté. Des contrevenants ont été placés en garde à vue.

(30-11-2015 - Benoît Delmas)

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