lundi 23 novembre 2015

Syrie: Le village chrétien de Sadad aux avant-postes de la lutte anti-EI

Devant un canon qui le matin même a tiré plusieurs salves, des enfants jouent sous le regard amusé de soldats syriens et de miliciens prorégime dans la localité chrétienne de Sadad, aux avant-postes du combat contre le groupe Etat islamique (EI).
Ils montent tour à tour sur le pneu d'un camion, indifférents à la dizaine de cartouches d'obus abandonnées, à leurs pieds, et à l'atmosphère pesante qui règne dans ce village dont le nom, selon les habitants, est mentionné comme Tsedad dans le livre des Rois, de l'Ancien Testament.
"Environ 60% des 12.000 habitants, en particulier les femmes et les enfants, sont partis vers d'autres villages chrétiens de la région comme Fayrouza et Yazdal", explique le maire Sleimane Khalil, en égrenant son chapelet. "D'autres familles ont préféré se rendre à Damas. Les hommes, eux, sont restés pour défendre le village", poursuit ce trentenaire.
Car cette localité, située à 18 km de Homs dans le centre de la Syrie, a déjà servi de champ de bataille en octobre 2013 quand elle a, au cours du même mois, changé plusieurs fois de mains entre rebelles et l'armée, qui l'a finalement emporté. Une centaine de civils avaient été tués durant ces combats et certains murs portent encore les impacts de balles.
"Nous avons peur des massacres, mais nous craignons aussi pour nos églises car l'EI a déjà fait exploser des monuments religieux dans les zones où ils sont entrés, comme à Raqa", affirme un habitant.
Le village, peuplé en majorité de syriaques orthodoxes, se trouve à dix kilomètres des positions de l'EI. Il compte une douzaines d'églises, dont certaines très anciennes. Elles n'ont subi que des dommages mineurs, a constaté un correspondant de l'AFP.
Outre ses multiples exactions, l'EI a détruit une quantité de trésors culturels pré-islamiques ainsi que des lieux de cultes chrétiens ou musulmans que les jihadistes considèrent comme idolâtres ou hérétiques.

Crainte de massacres
"Nous sommes menacés par Daech en raison de notre religion", confie Hassan, un marchand de légumes de 22 ans devenu milicien, utilisant un acronyme en arabe de l'EI. "Ils menacent tout le monde. Nous sommes restés pour défendre le village et pour empêcher que les tragédies et les massacres qui ont eu lieu dans d'autres villages chrétiens ne se reproduisent ", poursuit le jeune homme.
Le 1er novembre, des jihadistes de l'EI se sont emparés par surprise du village voisin de Mahin d'où ils ont tiré des dizaines d'obus sur Sadad faisant des victimes parmi les civils et les combattants locaux.
Les rues sont quasiment vides, à l'exception des véhicules des "forces de Sotoro (protection en langue syriaque)" patrouillant dans le village.
Quelque 250 miliciens Sotoro originaires de Hassaké (nord-est de la Syrie) défendent quartiers et localités chrétiennes. Ils se sont récemment déployés à Sadad aux côtés des habitants du village ainsi que des "Aigles de la tempête", branche armée du Parti social nationaliste syrien (PSNS, prorégime).
Six "Aigles" ont été tués il y a trois semaines quand un kamikaze de l'EI a fait explosé sa voiture à un barrage à 3 km à l'est de Sadad.
"Nous sommes venus ici pour être aux côtés de l'armée et l'appuyer dans sa lutte contre Daech. Nous sommes ici pour défendre tous les Syriens et nos frères chrétiens en particulier", souligne Badia Hassan, 26 ans, un combattant des Sotoro.
Pour lui, les jihadistes "commettront des massacres" s'ils entrent dans la ville.
L'armée syrienne s'est positionnée aux abords du village, où les Russes ont aussi leurs propres positions selon des sources locales.
Les militaires russes sont surtout présents dans un aérodrome situé entre Mahin et Sadad. Une source militaire a précisé qu'il s'agit de "conseillers" assistant les forces militaires dans leur offensive pour la reprise de Mahin.
"Les conseillers russes ont été vus dans le village (de Sadad) et certains ont même pris des photos souvenirs avec eux", assure un habitant en montrant une photo.

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