mercredi 11 novembre 2015

Israël/Palestine : L'étiquetage par l'UE des produits des colonies alarme la classe politique

Des fermiers palestiniens détruisent des tomates provenant d'une ancienne colonie israélienne, dans la bande de Gaza, le 28 janvier 2006 (Mahmud Hams AFP/Archives)

Acte antijuif, pratique comparable à celles des Nazis... Les dirigeants israéliens n'ont pas de mots assez durs pour dénoncer l'étiquetage par l'UE des produits des colonies, s'inquiétant surtout du message que cette décision véhicule.
Le feu vert de la Commission européenne à des étiquettes qui distingueront les produits des Territoires occupés par Israël depuis 1967 de ceux fabriqués ailleurs en Israël a provoqué les réactions attendues, y compris des officiels les plus bouillonnants.
La ministre de la Justice Ayelet Shaked a accusé l'Union européenne d'antisémitisme à mots à peine couverts. La mesure est "une décision anti-israélienne et antijuive. L'hypocrisie européenne et la haine contre Israël ont dépassé toutes les limites", s'est étranglée la ministre.
Une autre ministre a assimilé l'étiquetage à un boycott, un autre encore à une "récompense accordée au terrorisme". Un député a proposé d'étiqueter les produits européens vendus en Israël, dans un évident appel à les boycotter.
"L'Union européenne devrait avoir honte", a lâché le Premier ministre Benjamin Netanyahu. En septembre, il avait ouvertement apparenté l'étiquetage aux agissements antisémites des Nazis.
Les pourfendeurs israéliens de l'étiquetage le présentent comme une mesure discriminatoire appliquée à aucun autre pays, et confortant les dirigeants palestiniens dans leur refus de faire la paix. Ils brandissent le spectre du chômage pour une partie des quelque 26 000 Palestiniens qui, selon des chiffres officiels israéliens, travaillent dans les colonies.

Étiquetage et boycott -
Israël n'a pas vraiment à s'alarmer pour sa balance commerciale, conviennent les experts.
Les produits visés représentent 2% à 3% des exportations israéliennes vers l'UE, selon l'ambassadeur israélien auprès de l'UE, David Walzer, qui évalue leur valeur à 200 millions de dollars (187 millions d'euros) chaque année.
"En fait, seuls les produits agricoles, le vin, les produits cosmétiques pour lesquels l'appellation d'origine est obligatoire, seront concernés. Au total, l'étiquetage ne portera au grand maximum que sur 50 millions de dollars d'exportations", estime le chef du département du commerce extérieur au ministère de l'Economie Ohad Cohen.
La grande majorité des exportations industrielles des colonies consiste en composants ou pièces détachées ensuite intégrés dans des produis finis ce qui rend leur traçabilité difficile. Dans le domaine agricole, les colonies exportent des dattes, des fruits et légumes, du vin du Golan. Les cosmétiques de la Mer Morte tiennent aussi leur place.
S'il le fallait, Israël semble en mesure de trouver de nouveaux débouchés.
Dan Catarivas, chargé des relations internationales au sein de l'Association des Industriels, regrette ainsi qu'entre étiquetage et boycott, "les médias et des hommes politiques (israéliens) aient parfois tendance à tout mélanger". "Il faut distinguer l'étiquetage qui nous est imposé par l'Union Européenne et le boycott qui est totalement inacceptable", affirme-t-il.
L'assimilation entre étiquetage et boycott est une constante de la part des officiels israéliens.

Assaut de patriotisme
Israël est en butte à une campagne globale de boycott économique, mais aussi culturel ou scientifique (BDS, pour Boycott, Divestment and Sanctions), destinée à obtenir la fin de l'occupation et de la colonisation.
Cette campagne n'a pas eu "d'impact discernable", selon un rapport du Parlement israélien. Durant les neuf dernières années, les exportations ont augmenté de 7,8 à 15,6 milliards de dollars.
Les Européens assurent que l'étiquetage n'a rien à voir avec le boycott, qu'ils réprouvent.
Mais les responsables israéliens s'inquiètent de tout ce qui peut sembler relever d'une vaste campagne en cours selon eux visant à la délégitimation d'Israël. Ils ont vu SodaStream, grande entreprise fabriquant des machines à gazéifier les boissons confrontée aux appels au boycott, fermer sa principale usine située dans une colonie de Cisjordanie et la relocaliser en Israël.
Plus largement, c'est la différenciation entre les colonies et Israël et sa signification pour l'avenir qui mettent les nerfs israéliens à vif.
"Derrière les arguties juridiques, il y a une volonté de la bureaucratie bruxelloise d'influer sur les résultats des négociations israélo-palestiniennes, ce qui ne relève en aucun cas de sa compétence", s'insurge le porte-parole des Affaires étrangères Emmanuel Nahshon. L'idée que toutes les colonies, et même toute la Cisjordanie font ou doivent faire partie intégrante d'un "Grand Israël" est largement répandue dans l'un des gouvernements les plus à droite de l'histoire israélienne.
Pour Akiva Eldar, analyste politique du site Al-Monitor, le ton adopté aussi bien par le gouvernement que l'opposition tient du "populisme": "Il s'agit de faire assaut de patriotisme, de présenter les Israéliens comme des victimes de l'antisémitisme des Européens pour complaire à une opinion traumatisée par les récents attaques à coups de couteau, et cela marche".


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