jeudi 22 octobre 2015

Syrie : Après les bombardements, Moscou passe à l'offensive diplomatique

Après plus de trois semaines de bombardements de l'aviation russe en Syrie, Vladimir Poutine passe à l'offensive sur le front diplomatique et politique, recevant Bashar al-Assad avant de réunir les plus farouches adversaires du régime syrien pour des pourparlers à Vienne vendredi.
Le calendrier syrien semble s'accélérer après plus de quatre ans d'une guerre dévastatrice: en moins d'un mois, la Russie s'est lancée dans une campagne de soutien massif aux forces loyales au président syrien et a reçu ce dernier pour sa toute première sortie officielle hors de Syrie depuis le début du conflit. Il est désormais temps pour le Kremlin de passer à la phase suivante: le processus politique.
Vendredi, Vienne accueillera ainsi les chefs de la diplomatie russe Sergueï Lavrov et américaine John Kerry, mais surtout le Saoudien Adel al-Jubeir et le Turc Feridun Sinirlioglu, représentants des pays les plus hostiles au maintien au pouvoir de Bashar al-Assad.
En revanche, l'Iran, autre fidèle allié du régime de Damas, n'a pas été convié.
Moscou l'a affirmé à plusieurs reprises: après les opérations militaires doit venir le temps du "processus politique", autrement dit une négociation sur l'avenir politique du pays.
La Russie insiste depuis le début sur la nécessité de maintenir Bashar al-Assad dans ses fonctions jusqu'à la fin d'une période de transition permettant l'émergence d'un nouveau pouvoir.
Mais dans cette négociation, il y a une ligne rouge pour la Russie. Selon un haut diplomate européen qui a assisté à des rencontres entre Vladimir Poutine et les Occidentaux, le président russe ne veut pas que son allié de longue date quitte le pouvoir dans le chaos et l'humiliation, subissant le même sort que Saddam Hussein ou Muammar Kadhafi.
Pour leur part, Occidentaux, Turcs et Arabes ont longtemps estimé que le départ de Bashar était le préalable à tout processus politique. Mais sur cette épineuse question, les lignes pourraient bouger et dans la capitale autrichienne, il s'agira pour Moscou de tenter de concilier les positions.
Cette réunion se tiendra trois jours à peine après une visite surprise de Bashar al-Assad au Kremlin. A Damas, le quotidien syrien Al-Watan, proche du pouvoir, a salué une "visite exceptionnelle" qui a consolidé l'alliance russo-syrienne et confirmé la "légitimité" de Bashar al-Assad.
Mais cette rencontre, à laquelle le président syrien est venu seul, accompagné seulement d'un secrétaire chargé de prendre des notes, a laissé une autre impression: elle ressemblait plus à une convocation qu'une invitation.

- Assouplissement des positions -
"Poutine espère que son intervention va finir par forcer les pays qui soutiennent l'opposition syrienne à arriver à une forme de compromis avec ce qui reste du régime", affirme Jeremy Binnie de la revue de défense IHS Jane's Defence Weekly.
Car les positions sur le sort à réserver au président syrien ne sont plus aussi figées que par le passé après plus d'un an de bombardements aériens de la coalition internationale contre le groupe État islamique (EI), aux maigres succès.
Un ministre saoudien, dont le pays apporte un soutien à des groupes rebelles en Syrie, reconnaissait lundi que Bashar al-Assad pourra rester au pouvoir pendant la formation d'un gouvernement de transition. La Turquie, autre adversaire zélé du régime de Damas, a également amorcé un changement de position le mois dernier en jugeant pour la première fois "possible" un processus de transition avec Bashar al-Assad.
Washington pour sa part concédait déjà en septembre que le calendrier de la sortie de Bashar était négociable.
De l'autre côté de l'échiquier géopolitique, l'Iran a également lâché du lest en affirmant qu'il "ne travaille pas à maintenir Assad au pouvoir pour toujours".
Parallèlement, Moscou continue de consulter tous les acteurs syriens de la crise. Et bien avant les premières frappes russes en Syrie, la Russie avait déjà accueilli deux cycles de négociations entre le régime et l'opposition tolérée, mais peu représentative, qui n'ont abouti à aucune solution concrète.
Début octobre, elle assurait aussi être prête à établir des contacts avec l'Armée syrienne libre (ASL), principal groupe armé syrien modéré, en appelant au rassemblement de "l'opposition patriotique" contre les jihadistes. Et mercredi Moscou a accueilli des représentants des Kurdes de Syrie.
La Russie, lourdement frappée par la crise économique, est également consciente qu'elle ne peut poursuivre son opération en Syrie indéfiniment.
Selon les experts de l'institut IHS Jane's, les frappes russes coûtent à Moscou près de 4 millions de dollars par jour, alors que l'offensive des troupes gouvernementales ne semble pas pour le moment modifier drastiquement les rapports de force sur le terrain.

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