mercredi 28 octobre 2015

Israël/Palestine : Dans les camps, les réfugiés palestiniens qui ont "tout perdu" veulent durcir la lutte

Dans les heurts quotidiens avec les soldats israéliens, les jeunes Palestiniens venus des camps de réfugiés, jadis créés pour être temporaires mais devenus de vraies villes dans les villes, forment le gros des troupes de lanceurs de pierres.
Dans la chronique palestinienne, tout commence ou explose toujours dans les camps. Il y a eu les emblématiques Sabra et Chatila à Beyrouth, le camp de Jénine, assiégé durant une dizaine de jours par l'armée israélienne en 2002 au plus fort de la deuxième Intifada; ou celui de Balata, à Naplouse, d'où venaient plusieurs des kamikazes qui ont semé la terreur en Israël de 2000 à 2005.
Plus de deux millions de Palestiniens de Cisjordanie occupée et de la bande de Gaza sont enregistrés auprès de l'UNRWA, l'agence de l'ONU en charge des réfugiés, soit près de la moitié de la population des Territoires occupés.
Mahmoud Fannoun dirige le Front populaire de libération de la Palestine, la gauche historique palestinienne, à Bethléem et reçoit les condoléances pour la mort d'un jeune militant du mouvement dans des heurts, dans le camp de Dheicheh, bastion historique du FPLP dans la ville de la Nativité. "La lutte est toujours née dans les camps, en Jordanie, au Liban, en Syrie et en Palestine, car ce sont les réfugiés qui portent dans leur chair la cause palestinienne", dit cet ancien parlementaire.

- 'Déjà tout perdu en 1948' -
"Nous, dans les camps, on n'a pas de belles maisons, de gros business, ou quoi que ce soit d'autre à perdre", explique Hamad, 65 ans. "Ma maison et mes terres, je les ai perdues en 1948. Elles sont à dix minutes de voiture de Bethléem, mais l'Autorité palestinienne nous a dit en signant les accords d'Oslo en 1993 de les oublier", poursuit, amer, ce père et grand-père dans le camp de Aïda à Bethléem qui abrite 6.000 réfugiés.
En signant ces accords qui devait préfigurer un Etat de Palestine à l'horizon 2000, les Palestiniens ont entériné l'idée d'un Etat à l'intérieur des frontières du conflit de 1967, c'est-à-dire aux côtés d'Israël, auquel reviendrait les terres conquises en 1948 lors de la création de l'Etat hébreu.
Mohammed, qui à 21 ans cumule un petit boulot dans une station-service proche de son camp d'Aïda et ses études, est né après ces accords. Aujourd'hui, le jeune homme aux cheveux coiffés en brosse et recouverts de gel dit n'avoir "rien à perdre". "On a grandi dans les écoles de l'ONU. Dans nos maisons, l'électricité coupe tout le temps, on ne trouve pas de travail. Aller à Jérusalem, on n'en rêve même pas, on voit le mur (barrière de séparation israélienne) partout. Et dans toutes nos familles il y a des martyrs, des blessés ou des prisonniers", résume-t-il.
Les "martyrs", il y a en eu une demi-douzaine dans les camps de réfugiés ces dernières semaines, dont trois dans le camp de Chouafat à Jérusalem-Est, où vivent 18.000 personnes. Les blessures, souvent par balles, et les arrestations se comptent par dizaines.

- Tirs en l'air -
Dans les camps de Bethléem ou de Ramallah, des détonations retentissent lors des funérailles. Canons pointés vers le ciel, des hommes armés, postés en hauteur mais jamais visibles, ont tiré en l'air, comme un avertissement sans frais contre ce qu'il adviendrait si les camps prenaient les armes.
"Le matin, je sors de chez moi et je ne sais pas si je vais rentrer. Je peux être arrêté ou tué à tout moment par un soldat ou un colon" israélien, renchérit Hicham, 51 ans, lui aussi descendant de réfugiés, qui observe de loin les heurts au pied du mur qui enferme Bethléem.
Lui et ses cinq frères ont fait plusieurs séjours dans les prisons israéliennes. Aujourd'hui, c'est son fils qui est détenu et, dit-il, "hier, l'administration pénitentiaire a décidé d'annuler notre permis de visite".
"Mes deux autres fils sont parmi les lanceurs de pierres, mais comment leur dire de ne pas y aller?", lâche celui qui jetait les mêmes projectiles sur d'autres soldats il y a près de 30 ans quand éclatait la première Intifada.
Les promesses de paix et les initiatives diplomatiques de l'Autorité palestinienne le font sourire, puis l'énervent franchement. "En 22 ans, Oslo nous a ramenés des milliers d'années en arrière", dit-il. "Ces gens qui parlent de paix, regardez les: ils portent de jolis costumes avec de belles cravates, vous trouvez qu'ils nous ressemblent ?"

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