Les diatribes publiques cachent parfois de bien étonnantes réalités. Au
cours de la journée mondiale du souvenir de l'Holocauste, le 27 janvier
dernier, Benyamin Netanyahou n'hésite pas à accuser les "ayatollahs
iraniens" de vouloir "préparer un nouveau génocide" contre le peuple
juif. Pointant les dangers du programme nucléaire iranien controversé,
le Premier ministre israélien souligne que "le peuple juif se défendra
par lui-même contre toute menace". Pourtant, à peine trois jours plus
tôt, des responsables de l'État hébreu envoyaient un étonnant message
d'apaisement à l'Iran, exhortant la République islamique à ne pas
s'engager dans un conflit régional.
Tout commence le 19 janvier, date à laquelle l'aviation israélienne mène
un raid aérien en Syrie, tuant six combattants du Hezbollah libanais,
mais surtout un haut responsable iranien : le général Mohammad
Allahdadi, haut gradé des gardiens de la révolution, l'armée d'élite
iranienne dépêchée depuis 2011 en Syrie pour sauver le régime de Bachar
el-Assad. Heurté par cette rare attaque directe de l'"ennemi sioniste" contre son soldat, le chef des gardiens de la révolution, le
général Mohammad Ali Jafari menace dès le lendemain Israël d'"éclairs
dévastateurs" à venir, et appelle à "l'élimination complète de cette
source de corruption".
D'après l'agence de presse officielle
iranienne Irna, Téhéran met alors en garde Tel-Aviv par l'intermédiaire
de Washington. "Nous avons dit aux Américains que les leaders du régime
sioniste devaient se préparer à assumer les conséquences de leur acte.
(...) Le régime sioniste a franchi nos lignes rouges", déclare le
ministre adjoint des Affaires étrangères iranien, Hossein
Mirabdollahian, qui précise avoir transmis le message à des responsables
américains via des canaux diplomatiques. Manifestement, l'avertissement
fait mouche.
D'après la télévision israélienne, relayée par le quotidien Times of Israël,
l'État hébreu transmet alors un message d'apaisement à l'Iran et au
Hezbollah, par l'entremise de la Russie. Citant des sources
gouvernementales anonymes, la chaîne Channel 10 affirme que des
responsables hébreux ont chargé Moscou de signifier à ses deux ennemis
qu'Israël avait frappé en Syrie par autodéfense, et que le mouvement
chiite libanais l'avait contraint à agir en construisant une plateforme
offensive à la frontière (israélienne). Surtout, Tel-Aviv précise
souhaiter éviter que la situation ne dégénère en conflit régional.
Moscou s'exécute et transmet la missive à Beyrouth et à Téhéran.
Si le ministère des Affaires étrangères de la République islamique a
immédiatement démenti, l'initiative israélienne a bien été confirmée par
le président de la commission de la sécurité nationale et de politique étrangère du Parlement iranien. Dans
une interview diffusée dimanche par la chaîne iranienne en langue arabe
Al Alam, Alaeddin Boroujerdi a évoqué l'envoi de ce message par le
biais d'un "canal officiel". "Ils ont indiqué qu'ils n'avaient pas
l'intention de poursuivre les hostilités ni d'envenimer la situation,
par conséquent ils attendent que l'autre camp en fasse de même", a-t-il
déclaré à Al Alam, tout en démentant que la Russie ait joué le rôle
d'intermédiaire.
Au-delà des mots, la meilleure preuve de sa volonté d'apaisement reste
que l'État hébreu n'a pas surenchéri à l'attaque du Hezbollah, qui a
coûté a vie à deux de ses soldats à la frontière du Liban le 28 janvier
dernier. Si Benyamin Netanyahou a averti le mouvement chiite qu'il
"paierait le prix" de cette agression, Tsahal s'est "contenté" de
bombarder plusieurs villages dans le sud du Liban, abattant au passage
un soldat espagnol de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul). Neuf ans auparavant, un incident du même type avait conduit à une guerre dévastatrice entre Israël et le Liban.
(04-02-2015
- Armin Arefi)
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