Cet hiver encore, les riverains de l'oued qui
traverse la bande de Gaza ont vu leurs maisons envahies par les eaux.
Aucun doute pour eux: les Israéliens avaient de nouveau ouvert les
vannes en amont pour les inonder. Un examen des faits du côté israélien
raconte une autre réalité, démythifiant ce qui ressemble à une légende
palestinienne.
Régulièrement -tous les ans, disent les Palestiniens- le Wadi Gaza
déborde après un épisode de fortes pluies, une épreuve de plus pour les
Gazaouis qui vivent là, qui ont connu trois guerres avec les Israéliens
en six ans, sans parler d'une quasi guerre civile, et qui survivent
comme ils peuvent à l'enfermement du territoire.
Que les Israéliens, cet ennemi pour ainsi dire invisible de l'autre côté
de la barrière, actionnent les vannes du barrage plus haut sur le cours
d'eau, sans se préoccuper de l'aval ou même avec l'intention de faire
souffrir les Palestiniens, est devenu à Gaza une sorte de vérité établie
depuis des années.
Devant une nouvelle crue dimanche, les autorités locales se sont
empressées de publier un communiqué libellé "urgent" pour dénoncer les
agissements israéliens.
L'AFP a repris ces allégations à son compte dimanche 22 février dans une
vidéo et des photos des inondations dans le village d'Al-Moghraqa. Le
script et les légendes indiquaient qu'Israël avait ouvert les vannes
d'un barrage. La vidéo faisait parler des résidents accusant ouvertement
Israël.
Seulement, il n'existe côté israélien aucun barrage où on pourrait jouer
sur le débit de l'eau, selon un déplacement de journalistes de l'AFP
sur le terrain et des entretiens avec des responsables et des experts
israéliens et étrangers.
Les images de l'AFP, la vidéo surtout, ont valu à l'agence une virulente
réplique sur les réseaux sociaux. Les autorités israéliennes ont
démenti les informations en soulignant qu'elles avaient permis le
passage à Gaza de plus de 15 pompes à eau. L'émoi a été d'autant plus
vif que le sud d'Israël a lui aussi été affecté par les inondations.
Le Wadi Gaza prend sa source dans le sud de la Cisjordanie, l'autre
territoire palestinien, traverse Israël et le désert du Néguev, entre
dans Gaza et se jette dans la Méditerranée. Dans sa partie israélienne,
il est appelé Nahal Bessor.
Dans cette zone semi-aride, le lit est asséché le plus clair de l'année.
Il se remplit et se vide spectaculairement avec les intempéries.
"Il n'y a sur le Nahal Bessor aucun barrage qu'on puisse ouvrir ou
fermer, il n'y a donc rien ni pour causer, ni pour prévenir une crue",
dit à l'AFP Nehemia Shahaf, chef de l'autorité du réseau hydrologique du
Néguev.
"A ma connaissance, il n'y a pas de barrage du côté israélien et le
terrain ne se prête pas à la construction d'un barrage", abonde le Dr
Julie Trottier, spécialiste belge au Centre de recherche français à
Jérusalem. Pour elle, avec les fortes précipitations, "les eaux ont
monté et conflué".
La question de l'eau suscite "beaucoup de mythes dans les Territoires palestiniens et en Israël", dit-elle.
Le débit du Nahal Bessor a atteint sous l'effet des précipitations un
niveau qu'il n'avait pas eu depuis 2010, disent les experts israéliens.
"Il a beaucoup plu en une seule fois. Nous avons eu 30 à 40 mm dans tout
le bassin", explique Boaz Kretschmer, un responsable de
l'administration locale, "évidemment, tout ça finit à Gaza.
Quelques jours après cet épisode, à environ 30 km du Wadi Gaza, la
végétation malmenée témoigne de l'impétuosité des eaux dans le Nahal
Bessor où ne coule plus qu'un mince filet d'eau.
C'est ici que se trouve ce qui semble être la seule structure sur le
Nahal Bessor, un muret d'à peine un mètre de haut censé ralentir les
eaux. Un petit canal en béton détourne une partie des eaux vers un
réservoir pour l'irrigation, dit M. Kretschmer. Il n'y a pas de
dispositif qu'on puisse activer. Quand il y a trop d'eau, elle franchit
l'obstacle.
"Le seul effet que peut avoir cet ouvrage, c'est de réduire la quantité
d'eau coulant vers Gaza, et pas le contraire", dit M. Shahaf.
"On n'essaie pas d'arrêter l'eau. Ce serait impossible étant donné sa
puissance incroyable", dit M. Kretschmer, "on a beaucoup rêvé et fait
beaucoup de plans dans le passé pour retenir l'eau et se servir de
telles quantités pour sauver le Néguev. Mais toutes les tentatives pour
canaliser les eaux de crue ont échoué. C'est bien simple: ce n'est pas
possible".
L'impact des inondations à Gaza a sans doute été renforcé par des
défauts d'infrastructure chroniques et la prolifération des
constructions illégales sur le bord de l'oued, conviennent les experts.
Pour Mounzer Shoublaq, responsable des services de l'eau à Gaza, "les
Israéliens ne sont pas exempts de responsabilité. Ils savent que des
gens vivent de l'autre côté de la frontière. Ils auraient pu nous
informer que l'eau arrivait". "Comme d'habitude, ils ne l'ont pas fait".
Il reconnaît cependant "une part de responsabilité palestinienne". "La
zone inondable autour du Wadi Gaza est d'environ 70 à 100 mètres. Mais, à
certains endroits, on a construit et cultivé illégalement, et la zone
ne fait plus que 15 ou 20 mètres".
Israël sait ce que cela veut dire. "Nous avons appris qu'on ne peut pas
vivre ou construire sur le rivage parce que tous les dix ans, l'eau
emporte tout", dit M. Kretschmer.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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