Les enquêteurs de l'ONU sur la Syrie, en place depuis septembre 2011, se
sont déclarés vendredi prêts à passer à la vitesse supérieure pour
obliger les auteurs de crimes de guerre à cesser leurs exactions.
Dans leur neuvième rapport, publié quelques jours avant la session de
mars du Conseil des droits de l'homme à Genève, les enquêteurs se sont
déclarés prêts à rendre publique une liste confidentielle d'auteurs de
crimes de guerre qu'ils ont dressée depuis trois ans.
Selon eux, s'ils ne le faisaient pas, cela ne "ferait que renforcer l'impunité" de leurs auteurs.
Depuis qu'ils ont commencé à dresser cette liste et à la compléter,
rapport après rapport, les enquêteurs de l'ONU avaient toujours indiqué
qu'ils voulaient la garder confidentielle.
Le président de la commission d'enquête, le Brésilien Paulo Pinheiro,
était vendredi à New York, pour présenter son rapport au Conseil de
Sécurité de l'ONU.
Interrogé par la presse, M. Pinheiro a déclaré qu'il s'attendait à ce
que le Conseil des droits de l'homme prenne une décision sur la
publication des noms, lors d'une réunion prévue le 17 mars.
Les enquêteurs ont indiqué qu'il y avait des "dizaines" de noms de
suspects de crimes de guerre dans quatre listes gardées dans un
coffre-fort de Genève. Une cinquième liste doit être présentée au
Conseil des droits de l'homme le mois prochain.
La liste comprend des noms de commandants d'unités et de leaders de
groupes armés, qui ont été identifiés comme étant responsables de crimes
de guerre.
Les enquêteurs ont cependant refusé de dire si le président Bashar al-Assad ou ses proches figurent sur les listes.
"Notre mandat ce n'est pas seulement demander ce qu'il est possible de
faire" pour mettre fin à ces crimes, mais "nous devons aussi demander ce
qui est juste pour les victimes et le peuple de Syrie", a déclaré M.
Pinheiro.
"Nous essayons de convaincre et de mobiliser la communauté
internationale pour qu'elle examine toutes les options sur la table et
qu'elle n'ignore pas la situation horrible et abominable de toutes les
victimes de cette guerre", a-t-il ajouté.
Les enquêteurs sont ainsi de plus en plus inquiets de l'utilisation
croissante d'enfants, notamment par les jihadistes du groupe Etat
islamique (EI), qui en font des tueurs ou des kamikazes.
La Commission d'enquête de l'ONU est composée de quatre membres. Ceux-ci
n'ont jamais pu entrer en Syrie mais ils ont recueilli des milliers de
témoignages de victimes, de documents et de photos satellites pour
établir leurs rapports.
La Suissesse Carla del Ponte, qui est aussi membre de la commission, a
regretté que malgré cinq réunions avec le Conseil de sécurité, il n'y a
"jamais eu de suite".
"Le Conseil de sécurité n'agit pas", a encore dit Mme del Ponte, qui a
été procureur du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie et
du Tribunal pénal international pour le Rwanda. "Après quatre ans nous
attendons vraiment que quelque chose soit fait".
A New York, les enquêteurs ont une nouvelle fois demandé au Conseil de
sécurité de l'ONU de traduire ces auteurs de crimes de guerre en
justice, "que ce soit devant la Cour pénale internationale ou devant un
tribunal international ad hoc". Un tel tribunal pourrait être basé dans
un pays proche de la Syrie.
L'ambassadeur britannique auprès de l'ONU, Mark Lyall Grant, a avoué
qu'il n'était pas très optimiste sur l'éventualité de voir le Conseil
agir, même s'il y a "une chance" que les choses bougent.
Interrogé à propos des rapports, l'ambassadeur syrien Bashar al-Jaafari a
de son côté estimé que ces enquêtes n'étaient que de la "propagande"
destinée à diaboliser son gouvernement.
La Syrie est déchirée depuis presque quatre ans par une guerre civile
qui a fait plus de 210.000 morts et a jeté des millions de Syriens à la
rue ou sur les routes de l'exil.
(20-02-2015)
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