Les pilotes américains appellent cela "faire Winchester": larguer toutes
ses bombes en une mission. Ce n'était pas rare à Kobané en Syrie, ont
raconté à l'AFP les pilotes de bombardiers B-1B engagés contre le groupe
de l'Etat islamique.
Les bombardements intenses, inédits depuis l'offensive américaine en
Irak en 2003, ont aidé les forces kurdes à reprendre la ville
frontalière avec la Turquie, que les jihadistes du groupe de l'Etat
islamique étaient presque parvenus à contrôler en octobre.
"Quand on partait pour Kobané, on pouvait être quasiment certain de
larguer une bombe", a expliqué le capitaine Todd Saksa, un officier
d'armement de B-1B de 31 ans, interrogé depuis la base aérienne de Dyess
(Texas) après son retour de six mois de mission au-dessus de l'Irak et
de la Syrie.
"Personnellement j'ai fait Winchester trois fois", renchérit le major
Brandon Miller, un pilote de 38 ans à qui cela n'était jamais arrivé
lors de ses missions précédentes.
Lors des déploiements au-dessus de l'Afghanistan, l'escadron de Saksa et
Miller, le 9ème escadron de bombardiers, larguait en moyenne 15 à 20
bombes en six mois. Mais à Kobané, les avions ont largué plus de 2.000
bombes, et touché plus de 1.700 cibles.
Le B-1B "Lancer" (lancier), construit dans les années 1980 pour voler
rapidement et bas dans l'espace aérien soviétique, a abattu une bonne
partie du travail de la coalition aérienne contre l'EI à Kobané.
Contrairement aux avions de chasse, le bombardier, un quadriréacteur
élancé, doté d'un équipage de quatre hommes, peut rester des heures à
attendre près d'une cible. Il peut transporter à peu près deux douzaines
de bombes, de formats variables.
En 6 mois, le B-1B a réalisé 18% de toutes les missions de bombardements
contre l'EI, et 43% du tonnage total de munitions larguées en Syrie,
Irak et Afghanistan, selon les militaires américains.
A l'origine, les hommes du 9ème escadron de bombardiers étaient arrivés
au Moyen-Orient en juillet pour des missions au dessus de
l'Afghanistan, impliquant rarement un bombardement.
Mais par une nuit d'août, un B-1B s'est vu demandé d'attendre un peu sur la piste.
Le commandement a ordonné à l'équipage de partir, non vers
l'Afghanistan, mais vers le nord de l'Irak pour escorter des avions
parachutant du matériel pour les Yazidis encerclés par l'EI sur le Mont
Sinjar.
Et dès octobre, les bombardiers partaient fréquemment pour aider les
Kurdes assiégés dans Kobané, restant huit heures en l'air, avec un
ravitaillement en vol à mi-parcours.
Les cibles étaient repérées soit par les équipages eux-même, soit par
les forces kurdes. Les frappes devaient être validées par le QG des
forces aériennes américaines au Qatar, un processus pouvant prendre
jusqu'à 45 minutes.
Les bombardiers étaient souvent rejoints par deux ou plus F-15 et F-16,
assurant "une capacité aérienne au-dessus de Kobané quasiment 24 heures
sur 24", selon le lieutenant-colonel Ed Sumangil, commandant du 9ème
Bomb Squadron.
Du ciel, les aviateurs voyaient une vraie ligne de front à Kobané, avec
"les bons d'un côté et l'EI de l'autre", une bataille conventionnelle
sans civils à proximité, raconte le major Miller.
La ligne bougeait de jour en jour, parfois d'heure en heure. "Même dans
une sortie de huit heures, il n'était pas inhabituel de voir cette ligne
bouger", avec les Kurdes progressant de deux pâtés de maison, explique
le major Miller.
A la fin de la mission en janvier, le paysage nocturne avait changé pour
les aviateurs. "Deux des collines stratégiques de Kobane étaient
éclairées", un "contraste frappant après des mois d'obscurité", explique
le major Miller.
Avec la reconquête des Kurdes, les lumières commençaient à revenir dans la ville dévastée.
(14-02-2015)
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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