A la veille des législatives du 30 avril les Kurdes irakiens, qui
rêvent d’indépendance, espèrent la défaite du Premier ministre Nouri
al-Maliki, au pouvoir depuis 2006 et candidat à un troisième mandat.
De nombreux différends opposent Maliki, un chiite, à la région
autonome du Kurdistan. Ces désaccords qui portent principalement sur le
pétrole, les enjeux territoriaux et la répartition du pouvoir, font du
Premier ministre la bête noir des Kurdes.
"Sa politique contre les Kurdes est mauvaise", explique Mohsen, 38 ans,
entre deux coups de plumeaux pour dépoussiérer son stand de lunettes de
soleil à Erbil, la capitale du Kurdistan irakien. Le commerçant voudrait
un Premier ministre "qui traite toutes les communautés de la même
façon".
Les politiciens kurdes se plaignent depuis longtemps de ne pas recevoir
les 17% du budget fédéral qui leur sont normalement alloués, et accusent
Bagdad de payer en retard l’argent qu’il veut bien leur verser, blâmant
le gouvernement fédéral pour les difficultés budgétaires et les retards
dans le paiement des salaires.
Massoud Barzani, le président du Kurdistan qui a pourtant soutenu le
Premier ministre en 2010, accuse aujourd’hui Maliki de monopoliser le
pouvoir, et a appelé à sa démission.
"M. Maliki n’a été bon pour personne, que ce soit les Kurdes ou les
Irakiens", et il est temps de changer de Premier ministre, explique
Tariq Jawhar, candidat aux élections sous les couleurs de l’Union
patriotique du Kurdistan (UPK) du président irakien Jalal Talabani.
La politique menée par le Premier ministre a attisé les tensions entre
Arabes et Kurdes, et entre sunnites et chiites, renchérit M. Jawhar, qui
va jusqu’à dresser un parallèle entre les méthode de Saddam Hussein et
celles de M. Maliki.
"Saddam Hussein a été chassé (en 2003, ndlr) mais ses méthodes et son
héritage sont encore bien présents dans l’esprit de beaucoup de leaders
irakiens", estime le candidat. "Saddam faisait usage de la force
militaire contre les Kurdes, Maliki use des sanctions économiques".
Un bras de fer oppose depuis des mois le gouvernement central de Bagdad
aux autorités du Kurdistan sur la gestion des ressources naturelles de
l’Irak.
Le gouvernement régional kurde considère que le pétrole et le gaz
produits dans cette région sont la propriété du Kurdistan, et cherche à
vendre le pétrole à l’international sans passer par les autorités
fédérales de Bagdad.
De son côté, le gouvernement central lui
conteste ce droit et estime que l’énergie produite dans toutes les
régions d’Irak appartient au pays tout entier.
Le Kurdistan irakien, qui jouit d’une importante autonomie et dispose de
ses propres forces de sécurité, gouvernement et drapeau, s’est
également attiré les foudres de Bagdad pour avoir signé des contrats
avec des firmes énergétiques étrangères.
Dans les rues d’Erbil, qui s’animent à la nuit tombée de coups de
klaxons et de pancartes à l’effigie des candidats, rares sont ceux qui
ne souhaitent pas un changement de gouvernement et une plus grande
autonomie.
"Les Arabes nous ont toujours opprimés", affirme Bestoon, 35 ans, membre
des peshmergas, les forces de sécurité kurdes, tenue camouflage et
carabine à la ceinture. Ce qu’il souhaite pour sa région ?
"L’indépendance" et "la séparation d’avec les Arabes".
Tarza, 25 ans, ne pense pas autrement. "Je ne me sens pas irakienne", lance l’étudiante.
Mais la route vers l’indépendance politique, si elle existe, doit
d’abord passer par l’indépendance économique souligne Jutyar Adil,
candidat du Parti démocratique du Kurdistan (PDK), précisant qu’il n’est
pas, pour l’heure, favorable à une partition. "Nous devons gagner notre
indépendance économique" d’abord, souligne-t-il.
Car qui dit indépendance politique dit perte des subventions fédérale.
Charge alors pour le Kurdistan de produire suffisamment de pétrole pour
compenser le vide.
Au même moment à Erbil, certains doutent que le résultat des élections change quoi que ce soit.
"Je ne m’attends pas à un grand changement", soupire Zhilwan, 38 ans,
professeur à l’université de Salaheddine. "Ce sera juste un nouveau
groupe qui s’enrichira à la place d’un autre".
(29-04-2014)
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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