mardi 29 avril 2014

Irak : Les Kurdes espèrent un changement de gouvernement

A la veille des législatives du 30 avril les Kurdes irakiens, qui rêvent d’indépendance, espèrent la défaite du Premier ministre Nouri al-Maliki, au pouvoir depuis 2006 et candidat à un troisième mandat.
De nombreux différends opposent Maliki, un chiite, à la région autonome du Kurdistan. Ces désaccords qui portent principalement sur le pétrole, les enjeux territoriaux et la répartition du pouvoir, font du Premier ministre la bête noir des Kurdes.
"Sa politique contre les Kurdes est mauvaise", explique Mohsen, 38 ans, entre deux coups de plumeaux pour dépoussiérer son stand de lunettes de soleil à Erbil, la capitale du Kurdistan irakien. Le commerçant voudrait un Premier ministre "qui traite toutes les communautés de la même façon".
Les politiciens kurdes se plaignent depuis longtemps de ne pas recevoir les 17% du budget fédéral qui leur sont normalement alloués, et accusent Bagdad de payer en retard l’argent qu’il veut bien leur verser, blâmant le gouvernement fédéral pour les difficultés budgétaires et les retards dans le paiement des salaires.
Massoud Barzani, le président du Kurdistan qui a pourtant soutenu le Premier ministre en 2010, accuse aujourd’hui Maliki de monopoliser le pouvoir, et a appelé à sa démission.
"M. Maliki n’a été bon pour personne, que ce soit les Kurdes ou les Irakiens", et il est temps de changer de Premier ministre, explique Tariq Jawhar, candidat aux élections sous les couleurs de l’Union patriotique du Kurdistan (UPK) du président irakien Jalal Talabani.
La politique menée par le Premier ministre a attisé les tensions entre Arabes et Kurdes, et entre sunnites et chiites, renchérit M. Jawhar, qui va jusqu’à dresser un parallèle entre les méthode de Saddam Hussein et celles de M. Maliki.
"Saddam Hussein a été chassé (en 2003, ndlr) mais ses méthodes et son héritage sont encore bien présents dans l’esprit de beaucoup de leaders irakiens", estime le candidat. "Saddam faisait usage de la force militaire contre les Kurdes, Maliki use des sanctions économiques".
Un bras de fer oppose depuis des mois le gouvernement central de Bagdad aux autorités du Kurdistan sur la gestion des ressources naturelles de l’Irak. Le gouvernement régional kurde considère que le pétrole et le gaz produits dans cette région sont la propriété du Kurdistan, et cherche à vendre le pétrole à l’international sans passer par les autorités fédérales de Bagdad.
De son côté, le gouvernement central lui conteste ce droit et estime que l’énergie produite dans toutes les régions d’Irak appartient au pays tout entier.
Le Kurdistan irakien, qui jouit d’une importante autonomie et dispose de ses propres forces de sécurité, gouvernement et drapeau, s’est également attiré les foudres de Bagdad pour avoir signé des contrats avec des firmes énergétiques étrangères.
Dans les rues d’Erbil, qui s’animent à la nuit tombée de coups de klaxons et de pancartes à l’effigie des candidats, rares sont ceux qui ne souhaitent pas un changement de gouvernement et une plus grande autonomie.
"Les Arabes nous ont toujours opprimés", affirme Bestoon, 35 ans, membre des peshmergas, les forces de sécurité kurdes, tenue camouflage et carabine à la ceinture. Ce qu’il souhaite pour sa région ? "L’indépendance" et "la séparation d’avec les Arabes".
Tarza, 25 ans, ne pense pas autrement. "Je ne me sens pas irakienne", lance l’étudiante.
Mais la route vers l’indépendance politique, si elle existe, doit d’abord passer par l’indépendance économique souligne Jutyar Adil, candidat du Parti démocratique du Kurdistan (PDK), précisant qu’il n’est pas, pour l’heure, favorable à une partition. "Nous devons gagner notre indépendance économique" d’abord, souligne-t-il.
Car qui dit indépendance politique dit perte des subventions fédérale. Charge alors pour le Kurdistan de produire suffisamment de pétrole pour compenser le vide.
Au même moment à Erbil, certains doutent que le résultat des élections change quoi que ce soit.
"Je ne m’attends pas à un grand changement", soupire Zhilwan, 38 ans, professeur à l’université de Salaheddine. "Ce sera juste un nouveau groupe qui s’enrichira à la place d’un autre".

(29-04-2014)

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