Les Algériens doivent élire jeudi leur président lors d’un scrutin
placé sous haute surveillance et pour lequel le sortant Abdelaziz
Bouteflika apparaît comme le favori face à Ali Benflis qui a multiplié
les mises en garde contre la fraude.
Plus de 260.000 policiers et gendarmes seront déployés sur le terrain
pour assurer la sécurité de près de 23 millions d’électeurs appelés à
voter dans 50.000 bureaux en faveur de l’un des six candidats en lice,
dont une femme, la députée trotskyste Louisa Hanoune.
Briguant un quatrième mandat malgré ses ennuis de santé et des doutes
sur sa capacité à diriger encore le pays pendant un autre quinquennat,
M. Bouteflika a exhorté les Algériens à se rendre aux urnes.
"L’abstention, qu’elle procède d’une indifférence ou d’une attitude
immotivée, dénote une propension délibérée à vouloir demeurer en marge
de la nation", a argumenté le président sortant.
Le ministre de l’Intérieur, Tayeb Belaïz, un proche de M. Bouteflika, a
assuré que "toutes les conditions de transparence, de neutralité et de
sécurité seront réunies pour la réussite de ce scrutin".
Une coalition de cinq partis d’opposition appelle au boycottage du
scrutin, plaidant en faveur d’une "transition démocratique", tandis que
le mouvement Barakat ("Ça suffit"), hostile à un quatrième mandat de
M. Bouteflika, juge que cette élection est "un non-événement".
Le taux de participation sera un des enjeux de la consultation. A la
présidentielle de 2009, il était officiellement de 74,11%. Un câble de
l’ambassade américaine à Alger révélé par Wikileaks l’avait estimée
entre 25 et 30%.
Outre ce taux, c’est la fraude, "mal incurable" selon le quotidien El
Watan, qui fait débat, de récentes révélations d’un ancien wali (préfet)
ayant confirmé que cette pratique avait bien lieu.
"Les élections seront truquées et le président sera élu pour un 4e
mandat", a pronostiqué Abderrezak Mokri, le chef du Mouvement de la
société pour la paix (MSP, islamiste) qui a appelé au boycott.
Principal rival de M. Bouteflika et connaisseur des affaires du sérail,
Ali Benflis, ancien Premier ministre du président sortant, a fait de
cette question un thème majeur de campagne.
Ses mises en garde répétées ont fini par mettre de l’électricité dans
une campagne terne et fait sortir de son silence un président
Bouteflika, absent, qui a chargé sept de ses proches de sillonner le
pays pour convaincre les électeurs.
Devant deux hôtes de marque, le chef de la diplomatie espagnole José
Manuel Marcia-Margallo, puis l’émissaire de l’ONU et de la Ligue arabe
pour la Syrie, Lakhdar Brahimi, M. Bouteflika a accusé sans le nommer
M. Benflis de "terrorisme" et de volonté de "fitna" (dissension).
Un argument massue dans un pays qui n’a pas encore pansé les plaies
d’une guerre civile déclenchée à la suite d’un processus électoral
avorté en 1992.
Le directeur de Cabinet du chef de l’Etat, Ahmed Ouyahia, a évoqué le
risque de voir les "portes de l’enfer" s’ouvrir à nouveau devant les
Algériens.
Des imams salafistes ont évoqué le risque "de provoquer de nouvelles
déchirures dans le corps de la nation" qui a "retrouvé la sécurité après
la peur et le désespoir".
"Nous avons une armée puissante et des services de sécurités forts,
personne ne pourra nous déstabiliser", a menacé le directeur de campagne
de M. Bouteflika, Abdelmalek Sellal.
Face à cette guerre des mots, des journaux et des opposants ont dénoncé
un procédé qui consiste à agiter le spectre des traumatismes passés.
M. Benflis a jugé "irresponsables les accusations portées contre lui,
les mettant sur le compte de la "panique" et du "désarroi" du camp
adverse après une campagne réussie.
Humilié à la présidentielle de 2004 avec un score de 6%, par celui dont
il fut l’homme de confiance au début de son premier mandat (1999/2004),
M. Benflis rêve d’une revanche qu’il croit à portée de main.
Seule la fraude, une pratique "immorale", "illicite" et "déshonorante"
présentée comme son "ennemi" et son "principal adversaire" pourrait le
faire perdre, estime-t-il.
Pour s’en prémunir, il a répété avoir mis en place "une armée"
d’observateurs "comprenant 60.000 personnes, pour la plupart des jeunes
filles, des jeunes gens armés jusqu’aux dents de leurs convictions".
(16-04-2014 - Assawra)
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