Des hélicoptères irakiens ont tiré dimanche sur un convoi jihadiste en
territoire syrien pour l’empêcher d’entrer en Irak, tuant huit
personnes, un message fort avant les élections législatives du 30 avril.
C’est la première fois que les autorités irakiennes revendiquent une
attaque contre des jihadistes en Syrie en proie à une guerre
dévastatrice entre rebelles, dont des jihadistes, et le régime.
Officiellement neutre dans ce conflit, l’Irak est sorti de sa réserve en
mars, à l’approche du scrutin, le Premier ministre Nouri al-Maliki
accusant les monarchies du Golfe, principaux alliés de la rébellion
syrienne, de "soutenir le terrorisme".
Les hélicoptères de l’armée ont mené le raid dans l’est de la Syrie
contre un convoi de camions qui s’approchait de la frontière irakienne
pour "délivrer (en Irak) du carburant à l’Etat islamique en Irak et au
Levant (EIIL)", un groupuscule sunnite jihadiste, a indiqué le
porte-parole du ministère de la Santé, Saad Maan.
L’attaque a été menée "sans coordination avec le régime syrien", a
ajouté le général de brigade Maan, soulignant la responsabilité pour les
Irakiens de "protéger la frontière", d’un côté comme de l’autre.
La porosité des 600 kilomètres de frontières qui séparent l’Irak de la
Syrie a profité aux jihadistes de l’EIIL, qui ont fait de la région
irakienne frontalière d’Al-Anbar leur base arrière.
Né en Irak après l’invasion américaine en 2003 et apparu en Syrie au
printemps 2013, l’EIIL est haï par le reste de la rébellion syrienne à
cause de la brutalité de ses méthodes à l’encontre des civils et son
refus de coopérer avec les autres groupes dans la lutte contre le régime
de Bashar al-Assad.
Chassé de plusieurs secteurs syriens par ses ex-alliés rebelles, l’EIIL
s’est replié dans son bastion du nord, à Raqa. En Irak, il contrôle la
ville de Fallujah, dans la province d’Al-Anbar, d’où l’armée n’est
toujours pas parvenue à le déloger.
Le conflit syrien alimente la spirale de violences en Irak, en attisant
des divisions confessionnelles déjà profondes. Des Irakiens aussi bien
chiites que sunnites sont partis combattre en Syrie, au côté du régime
pour les chiites et de la rébellion pour les sunnites.
Plusieurs incidents ont eu lieu à la frontière syro-irakienne. En
septembre dernier, une fillette de 4 ans a été tuée dans la localité
frontalière irakienne d’al-Qaïm par la chute d’obus tirés de Syrie. Deux
semaines auparavant, des avions militaires syriens avaient brièvement
pénétré l’espace aérien irakien pour bombarder des positions rebelles
dans la ville frontalière syrienne de Boukamal.
L’Irak en outre accueille près de 40 000 réfugiés syriens dont quelque 25 000 enregistrés auprès de l’ONU.
L’approche des élections législatives n’a pas apaisé les tensions,
multipliant au contraire les discours partisans, chaque candidat jouant
sur les allégeances tribales et confessionnelles de ses électeurs.
La campagne électorale, qui s’achève lundi soir, a en outre été marquée
par plusieurs attaques contre des bureaux de vote ou des meetings. L’une
a visé vendredi une réunion d’une formation chiite (36 morts) et a été
revendiquée par l’EIIL qui l’a présentée comme une riposte à "ce que les
milices (chiites, ndlr) font en Irak et en Syrie : tuer et torturer les
sunnites".
L’Irak est pris en tenaille entre l’Iran, principal allié régional du
régime syrien, et l’Arabie saoudite, un soutien de la rébellion. Bagdad
souhaite une solution politique en Syrie et rejette l’idée d’armer la
rébellion, ce que souhaitent ardemment les monarchies du Golfe.
Même si Maliki, un allié de l’Iran, est donné favori pour un
troisième mandat, le choix du futur Premier ministre -un chiite, selon
un accord non écrit sur la répartition confessionnel du pouvoir- est
devenu un enjeu régional majeur, vu la situation géopolitique importante
de l’Irak par rapport à la Syrie.
La majorité des Irakiens sont chiites et ne voient pas d’un bon oeil l’idée de soutenir les rebelles sunnites en Syrie.
(27-04-2014)
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