vendredi 27 décembre 2013

Égypte : l’armée riposte aux attentats terroristes

Le secrétaire d’État John Kerry a déploré jeudi la décision du pouvoir égyptien de désigner les Frères musulmans comme une "organisation terroriste", alors que des heurts entre partisans et adversaires du président islamiste déchu Mohamed Morsi ont fait un mort au Caire. Le chef de la diplomatie américaine a téléphoné à son homologue égyptien Nabil Fahmy pour exprimer "sa préoccupation quant à la désignation terroriste des Frères musulmans", a indiqué la porte-parole du département d’État Jennifer Psaki. John Kerry a également condamné "l’atroce attentat à la bombe terroriste" dans lequel 15 personnes ont trouvé la mort mardi à Mansoura (nord), à la suite duquel les autorités ont décidé de qualifier les Frères musulmans d’organisation terroriste.
Ces derniers démentent toute implication dans cet attentat, revendiqué par un mouvement djihadiste distinct, Ansar Beit al-Maqdess. Ce regain de tension s’est traduit jeudi soir par la mort d’une personne lors d’affrontements entre des étudiants de la prestigieuse université Al-Azhar du Caire partisans de Mohamed Morsi et des adversaires de l’ancien président, selon le ministère de l’Intérieur. Le ministère a ajouté que sept "émeutiers" issus de la confrérie, qui bravaient l’interdiction faite aux Frères musulmans de manifester, avaient été arrêtés après que la police était intervenue à coups de grenades lacrymogènes.

"J’ai peur du passager qui s’assoit dans mon taxi"
Un attentat survenu jeudi matin a également fait cinq blessés légers lorsque qu’une bombe a frappé un bus dans le quartier de Nasr City, dans le nord du Caire. Il s’agit du premier attentat n’ayant touché que des civils depuis le coup de force des militaires contre le chef d’État islamiste il y a six mois, même si la bombe a peut-être explosé prématurément. Toutefois, a expliqué un général de la police, une seconde bombe artisanale, désamorcée, avait été placée dans un panneau publicitaire proche et devait détoner au moment où les forces de l’ordre arriveraient sur les lieux après la première explosion. Selon un porte-parole du ministère de l’Intérieur, elle "visait à terroriser les gens avant le référendum" constitutionnel prévu les 14 et 15 janvier.
L’homme fort du nouveau pouvoir, le général Abdel Fattah al-Sissi, chef de l’armée, ministre de la Défense et vice-Premier ministre, a réagi en promettant d’"éliminer" les terroristes et de faire revenir la "stabilité". Depuis la destitution et l’arrestation le 3 juillet de Mohamed Morsi, l’Égypte est entrée dans un engrenage de violence. Les autorités répriment dans le sang les islamistes, et les plus radicaux d’entre eux mènent des attaques qui ont tué plus d’une centaine de policiers et de soldats. L’implacable campagne des autorités dirigées de facto par les militaires a fait plus de 1 000 morts et des milliers d’arrestations dans les rangs islamistes. Décrivant l’ambiance dans l’Égypte plus divisée que jamais, Ihab Abdelmoneim, chauffeur de taxi du Caire, a de son côté affirmé : "Aujourd’hui, j’ai peur du passager qui s’assoit dans mon taxi, et lui, il a peur de moi."

Manifestations et publications interdites
Au lendemain de l’attentat de Mansoura, le gouvernement a placé de fait les centaines de milliers de membres de la confrérie sous le régime d’une sévère loi antiterroriste promulguée en 1992 sur fond de violences de groupes islamistes radicaux. Ainsi, jeudi, une vingtaine de ses membres ont été mis en détention provisoire et 16 autres arrêtés pour possession de tracts et "incitation à la violence". Désormais considérés comme "terroristes", les dirigeants de la confrérie risquent jusqu’à la peine capitale, a expliqué le porte-parole du ministère de l’Intérieur, Hany Abdel Latif. Quant à ses membres, ils sont désormais interdits de manifestation, et le journal du mouvement, Liberté et justice, a été définitivement interdit, de même que le parti du même nom, qui avait remporté toutes les élections organisées depuis la révolte de 2011.
Quiconque sera trouvé en possession de publications ou d’enregistrements diffusés par la confrérie sera passible de peines allant jusqu’à cinq ans de prison. Les autorités accusent régulièrement la confrérie d’aider et de financer les attentats contre les forces de l’ordre - devenus quasi-quotidiens depuis la destitution de Mohamed Morsi -, sans toutefois apporter la preuve des liens entre les djihadistes et les Frères musulmans, tenants d’un islam politique plus modéré. Bannis mais tolérés sous le régime de Hosni Moubarak et véritablement sortis de la clandestinité à son départ en 2011, les Frères musulmans pourraient se radicaliser après avoir été dépossédés d’une présidence acquise via les urnes, estiment les experts. En destituant Mohamed Morsi, les militaires ont promis une "transition démocratique", qui doit se clore par des élections législatives et présidentielle mi-2014.


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