La nouvelle Constitution tunisienne a été adoptée tard dimanche, un
moment historique pour le berceau du printemps arabe auquel s’ajoute la
formation d’un gouvernement appelé à sortir le pays d’une profonde crise
politique et à organiser des élections dans l’année.
L’Assemblée nationale constituante (ANC) a approuvé cette loi
fondamentale à une majorité écrasante de 200 voix pour, 12 contre et 4
abstentions, dépassant largement la majorité nécessaire de 145 votes.
"L’Histoire retiendra avec beaucoup de fierté cette journée", avait
proclamé juste avant le vote le président de l’Assemblée, Mustapha Ben
Jaafar.
Les élus ont célébré l’évènement en chantant l’hymne national
brandissant des drapeaux tunisiens et les doigts en signe de victoire.
Ils ont ensuite scandé "fidèles, fidèles au sang des martyrs de la
révolution" de janvier 2011 qui chassa Zine El Abidine Ben Ali du
pouvoir.
Hymne national et drapeaux tunisiens
"Nous sacrifions notre âme et notre sang pour toi Tunisie", ont-ils
aussi crié dans un moment d’unité dans cet hémicycle qui pendant plus de
deux ans a été marqué par les disputes, les échanges d’invectives et
les controverses.
"Dans cette Constitution, tous les Tunisiens et Tunisiennes se
retrouvent, cette Constitution préserve nos acquis et jette les
fondements d’un Etat démocratique", a pour sa part déclaré Mustapha Ben
Jaafar.
L’adoption de ce texte a été saluée par le secrétaire-général des
Nations unies, Ban Ki-moon, pour qui la Tunisie vient de vivre une
"étape historique", offrant un "modèle pour les autres peuples aspirant à
des réformes".
La nouvelle Constitution consacre un exécutif bicéphale et accorde une
place réduite à l’islam. Elle introduit aussi pour la première fois dans
le monde arabe un objectif de parité homme-femme dans les assemblées
élues.
Ce compromis vise à éviter une dérive autoritaire dans un pays qui a
connu plus d’un demi-siècle de dictature, sous Habib Bourguiba, puis
sous Ben Ali, mais aussi à rassurer ceux qui craignait que les
islamistes n’imposent leurs positions dans un pays à forte tradition
séculière.
L’Assemblée a été élue en octobre 2011 et devait à l’origine achever la
loi fondamentale en un an, mais ses travaux ont pris un retard
considérable en raison de crises à répétition opposant notamment les
islamistes d’Ennahda majoritaires et leurs détracteurs.
"Je me sens pour la première fois réconciliée avec cette assemblée", a
déclaré Nadia Chaabane, député du parti Massar, opposée aux islamistes,
en référence aux multiples controverses qui ont marqué les travaux de
l’Assemblée constituante (ANC).
Lundi, deux cérémonies sont prévues, l’une le matin à l’Assemblée où
elle sera paraphée par les dirigeants tunisiens, et une seconde, dans
l’après-midi, à la présidence.
Un gouvernement apolitique pour aller aux élections
L’adoption du texte intervient quelques heures après l’annonce de la
composition d’un gouvernement d’indépendants devant conduire la Tunisie
vers des élections législatives et présidentielle en 2014.
Les islamistes d’Ennahda ont en effet accepté de quitter le pouvoir pour
laisser un cabinet politique sortir la Tunisie de la profonde crise
déclenchée par l’assassinat, attribué à la mouvance jihadiste, du député
d’opposition Mohamed Brahmi en juillet.
Le nouveau gouvernement, qui doit recevoir dans la semaine la confiance
de la constituante, a été composé par le ministre de l’Industrie
sortant, Mehdi Jomaâ. Choisi mi-décembre, la classe politique aura mis
six semaines à s’accorder pour lui laisser les rênes.
"J’ai formé ma liste sur la base de trois critères : la compétence,
l’indépendance et l’intégrité", a-t-il dit, après avoir remis la liste
des ministres au président Moncef Marzouki.
Ce cabinet est "une équipe extraordinaire qui a conscience des défis",
a-t-il ajouté, "la mission n’est pas facile", la Tunisie étant sans
cesse déstabilisée par l’essor de jihadistes, les batailles politiques
et les conflits sociaux, déjà moteur du soulèvement de 2011.
Le gouvernement regroupe aussi bien des hauts fonctionnaires, des
magistrats que des personnalités venues du privé. Le ministre de
l’Intérieur Lotfi Ben Jeddou a par ailleurs été maintenu, bien que ses
détracteurs aient lutté jusqu’au bout pour qu’il quitte ses fonctions.
M. Jomaâ a souligné enfin que "les élections représentent la priorité des priorités".
A ce titre, les travaux de l’ANC ne sont d’ailleurs pas finis, une législation électorale devant encore être adoptée.
Par ailleurs, le gouvernement devra faire face à une situation
économique très difficile, la croissance restant en berne et le chômage
très élevé notamment en raison de l’incertitude et de l’instabilité dans
le pays depuis 2011. Des vagues de violences, nourries par la misère,
éclatent régulièrement.
La Tunisie, berceau du Printemps arabe, a cependant réussi jusqu’à présent à ne pas basculer dans le chaos.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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