Genève II, la conférence de paix sur le conflit syrien qui s’ouvre
mercredi à Montreux, réunit pour la première fois l’opposition et le
régime de Damas, à qui les grandes puissances demanderont d’abord des
avancées dans le domaine humanitaire.
"Nous devons être mesurés dans nos attentes. On ne va pas voir triompher
la paix pendant ces discussions", a prédit mardi le chef de la
diplomatie allemande Frank-Walter Steinmeier, en soulignant la nécessité
d’"opter pour une politique des petits pas", notamment dans
l’humanitaire.
Pour son homologue français Laurent Fabius qui le recevait à Paris,
"l’idéal c’est d’aller vers la paix, ça passe par une solution
politique", qui "passe par discuter" en Suisse. L’objectif, c’est "des
avancées vers la paix", en restant "fidèle" à la lettre d’invitation de
l’ONU qui parle de bâtir sur la base d’un consentement mutuel "un
gouvernement de transition doté de tous les pouvoirs exécutifs".
"Une conférence réussie, c’est une conférence qui réunira ces deux
approches", établir un gouvernement transitoire et améliorer la
situation humanitaire des Syriens, a précisé M. Fabius.
L’exclusion de l’Iran a sauvé in extremis la tenue de la conférence
mercredi mais Moscou considère qu’il s’agit d’une "erreur" et Téhéran
annonce par avance un échec des discussions en son absence.
Lundi soir, l’hôte de la conférence, le secrétaire général des Nations
unies Ban Ki-moon, a dû se rétracter et retirer l’invitation de dernière
minute qu’il avait adressée à l’Iran, devant les protestations des
Occidentaux et la menace de la délégation de l’opposition syrienne de
boycotter la réunion.
Washington, Londres et Paris, qui souhaitent le départ du président
Bashar al-Assad, avaient fait d’un soutien iranien à une transition
démocratique une condition sine qua none de sa présence en Suisse.
Téhéran est accusé de soutenir militairement et financièrement le régime
syrien dans le conflit qui a fait plus de 130.000 morts depuis mars
2011.
Autre soutien de Damas, la Russie, qui s’était concertée la semaine
dernière à Moscou avec les chefs de la diplomatie syrienne et iranienne,
a réagi sobrement. "C’est bien sûr une erreur", a déclaré à la presse
Sergueï Lavrov. "Nous avons toujours souligné que tous les acteurs
extérieurs devaient être représentés", a-t-il ajouté.
Le conflit en Syrie a continué à faire des victimes au-delà de ses frontières.
Mardi matin, un attentat dans un quartier du sud de Beyrouth, fief du Hezbollah, a fait quatre morts et 35 blessés.
Cet attentat est le sixième en six mois et le troisième depuis un mois
contre le Hezbollah, engagé aux côtés de Damas dans sa guerre contre les
rebelles. Il a été revendiqué par le "Front Al-Nosra au Liban",
considéré comme une branche d’un groupe syrien lié à Al-Qaïda.
La polémique autour de la position iranienne, avant même la réunion de
la conférence, souligne la fragilité du processus engagé. L’invitation
écrite lancée par M. Ban Ki-moon à une trentaine de pays affirme
explicitement que le but de la conférence est la "mise en place d’un
gouvernement de transition doté des pleins pouvoirs", comme l’avait
préconisé Genève I.
Pour ne pas avoir à faire marche arrière, il n’est en principe pas prévu
que la réunion de Montreux adopte une nouvelle résolution, indique-t-on
de source diplomatique européenne, M. Ban se limitant en fin de soirée
mercredi à faire une synthèse des interventions.
A l’abri du Montreux Palace, siège de la conférence, interdit d’accès à
la presse, il devrait surtout y avoir de nombreuses discussions
discrètes pour préparer la réunion vendredi à l’ONU, à Genève,
impliquant uniquement les deux délégations syriennes et l’émissaire
spécial de l’ONU et de la Ligue Arabe Lahkdar Brahimi. Ce devrait être
le début d’un long processus, de sept à dix jours dans une première
étape, selon un membre de la délégation russe cité par l’agence
INTERFAX.
Des "experts" russes et américains aideraient à l’avancée des discussions sur la Syrie, selon cette source.
A Washington, un haut responsable a mis en garde contre un excès
d’optimisme. "Je ne pense pas que quiconque ayant traité avec des
officiels syriens ait de fausses attentes quant à des progrès rapides",
a-t-il dit.
"Tout le monde doit comprendre que c’est le début d’un processus. Cela
ne sera pas rapide (...) et nous aurons besoin de patience et
d’obstination", a-t-il ajouté.
Dès mardi soir M. Lavrov doit d’ailleurs s’entretenir à Montreux avec le secrétaire d’Etat John Kerry.
A la veille de la conférence, trois anciens procureurs internationaux
ont accusé la Syrie de massacres à grande échelle et de tortures dans un
rapport fondé sur les photos prises par un déserteur et sur son
témoignage.
Le rapport a été commandé par le Qatar, pays soutenant
les rebelles syriens
Il fait état de 11.000 détenus morts dans les geôles du régime syrien,
entre mars 2011 et août 2013. "Ce chiffre provient d’un seul endroit", a
dit l’un des trois rédacteurs du rapport, Desmond de Silva, à la BBC.
Sur l’ensemble de la Syrie, il y en a "beaucoup plus", a ajouté l’ancien
procureur en chef du tribunal spécial pour la Sierra Leone.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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