Au moins 29 personnes sont mortes samedi dans des heurts lors de
manifestations en Egypte, dont 26 au Caire et sa banlieue, où des
milliers de partisans du pouvoir et des centaines d’opposants islamistes
étaient rassemblés pour le 3e anniversaire de la révolution de 2011 qui
chassa Hosni Moubarak du pouvoir, selon le porte-parole du ministère de
la Santé Ahmed Kamel. La police a ajouté que 765 manifestants ont été
arrêtés.
Des milliers de personnes étaient massées sur la place Tahrir du Caire
pour apporter leur soutien au pouvoir dirigé de facto par l’armée, alors
que des opposants, libéraux et islamistes, ont conspué, côte à côte de
façon inédite, les militaires.
Samedi, un sixième attentat a visé la police en deux jours, en dépit du
fait que les commissariats et bâtiments gouvernementaux ont été
bunkerisés et les grands axes barrés par les chars et blindés de
l’armée. Une voiture piégée a explosé près d’une base de la police à
Suez (nord-est), faisant neuf blessés et une bombe a été lancée sur un
centre de la police au Caire faisant un blessé.
"À bas les militaires"
Les attaques contre les forces de l’ordre se sont multipliées depuis
l’éviction le 3 juillet de l’islamiste Mohamed Morsi, seul président
jamais élu démocratiquement d’Égypte, et la sanglante répression de ses
partisans. En outre, sept personnes ont été tuées en marge de
manifestations. Vendredi déjà, quatre attentats contre la police au
Caire avaient fait six morts, tandis que 15 personnes avaient été tuées
dans des cortèges pro-Morsi.
À l’appel des pro-Morsi et des mouvements de la jeunesse, fer de lance
de la révolte de 2011, qui accusent l’armée au pouvoir de renouer avec
les méthodes du régime Moubarak, des centaines de manifestants ont tenté
de défiler dans le centre-ville, mais la police les a dispersés à coups
de grenades lacrymogènes et de tirs de fusils à pompe, selon une
journaliste de l’Agence France-Presse. "À bas les militaires" et "Le
peuple veut la chute du régime", ont-ils scandé.
"Le peuple veut l’exécution des Frères"
Le gouvernement avait appelé les Égyptiens à se rassembler massivement
pour commémorer la "Révolution du 25-Janvier" 2011 mais aussi pour lui
montrer leur soutien dans sa "guerre contre le terrorisme". Fin
décembre, il a déclaré "terroristes" les centaines de milliers de
membres des Frères musulmans, la confrérie de M. Morsi qui avait
remporté toutes les élections depuis 2011. Les pro-Morsi, quant à eux,
ont appelé à lancer samedi 18 jours de manifestations "pacifiques", soit
le nombre de jours qu’avait duré la révolte de 2011.
Place Tahrir, des milliers de personnes brandissaient des portraits du
général Abdel Fattah al-Sissi, chef de l’armée et nouvel homme fort de
l’Egypte, et scandaient "le peuple veut l’exécution des Frères". Un
groupe disant s’inspirer d’al-Qaïda et basé dans le Sinaï, Ansar Beit
al-Maqdess, a revendiqué les attentats de vendredi, comme il l’avait
déjà fait pour d’autres attaques menées en représailles au "massacre"
des pro-Morsi.
Dans la péninsule du Nord-Sinaï, dont l’armée tente de déloger les
jihadistes, cinq soldats ont été tués quand leur hélicoptère s’est
écrasé, selon des sources médicales. L’armée a confirmé le crash mais
rien n’a filtré sur ces circonstances. Depuis août, plus de 1 000
personnes ont péri dans la répression et des milliers de Frères
musulmans ont été emprisonnés, dont la quasi-totalité de leurs
dirigeants qui, comme Mohamed Morsi, sont jugés dans divers procès et
encourent la peine de mort.
Sissi à la présidentielle
Au terme de 18 jours de manifestations émaillées de violences ayant
coûté la vie à quelque 850 personnes, le plus peuplé des pays arabes
mettait fin le 11 février 2011 à trente ans de pouvoir absolu de Hosni
Moubarak. Aussitôt après son départ, l’armée avait pris les rênes du
pouvoir, avant de les remettre à l’islamiste Morsi, élu en juin 2012.
Mais un an plus tard, des millions d’Égyptiens descendaient dans les
rues pour exiger son départ, l’accusant de vouloir islamiser la société à
marche forcée.
Le 3 juillet, le général Sissi, également ministre de la Défense et
désormais vice-Premier ministre, annonçait la destitution et
l’arrestation de Mohamed Morsi. Aujourd’hui, il ne cache plus son
intention d’être candidat à la présidentielle prévue cette année, mais
recherche sans cesse une caution dans la rue. Il jouit d’une très forte
popularité parmi des Égyptiens qui veulent très majoritairement mettre
un terme à ce qu’ils estiment être trois années de "chaos" : l’économie
est au bord de la banqueroute et le pays est déserté par les touristes
depuis trois ans.
Mais Amnesty International a dénoncé des "atteintes sans précédent" aux
droits de l’Homme par les autorités et une "trahison de toutes les
aspirations" de la révolte de 2011, notamment après l’arrestation
récente de manifestants libéraux et laïques.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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