(Photo : correspondant d’Assawra)
Le sort de deux sites emblématiques du patrimoine palestinien, le
village de Battir, célèbre pour son antique système d’irrigation, et la
pittoresque vallée de Crémisan, est suspendu aux décisions de la justice
israélienne sur la barrière de séparation en Cisjordanie.
La Haute Cour de Justice israélienne doit examiner mercredi un recours
contre le passage de cette barrière à Battir, dont les terrasses
agricoles de l’époque romaine sont considérées comme un prétendant
sérieux au classement par l’Unesco au Patrimoine mondial de l’humanité.
Le même jour, la Cour suprême se penchera sur le recours des habitants
de la vallée de Crémisan, couverte de citronniers et d’oliviers, connue
pour son vignoble —qui produit le vin de messe de Terre sainte— contre
le tracé de la barrière.
"La construction du mur détruirait des parties du système d’irrigation
qui existe depuis 2500 ans, y compris les canaux de pierre romains", a
expliqué à l’AFP le maire de Battir, Akram Badr.
"Ce serait catastrophique, non seulement pour les Palestiniens, mais
aussi pour ce site du patrimoine mondial", a-t-il prévenu mardi sur la
radio Voix de la Palestine, s’attendant néanmoins à une confirmation de
la précédente décision imposant au ministère israélien de la Défense une
révision du tracé.
Fait inhabituel, le recours, présenté par l’ONG Les Amis de la
Terre/Moyen-Orient, a également reçu le soutien de l’Autorité
israélienne des réserves et parcs naturels, pourtant dirigée par des
partisans de la colonisation, au nom de la protection de l’environnement
et du site.
"Nous avons un dossier très rare, dans lequel le gouvernement est divisé
entre deux positions", a souligné l’avocat Michaël Sfard, qui
représente Les Amis de la Terre/Moyen-Orient.
Le ministère israélien de la Défense a affirmé, dans un communiqué à
l’AFP, que "sa mission première et fondamentale était d’assurer la
sécurité des citoyens d’Israël", ajoutant que le tracé initial de la
barrière avait été modifié et que "seule la première rangée de terrasses
serait partiellement affectée".
"Microcosme d’une situation tragique"
La barrière, achevée aux deux tiers, et qui atteindra à terme environ
712 km, se trouve à 85 % en Cisjordanie, isolant 9,4% du territoire
palestinien, dont Jérusalem-Est, selon l’ONU.
Cette "clôture de sécurité", selon Israël, baptisée "mur de l’apartheid"
par les Palestiniens, doit également séparer Bethléem, Beit Jala, et
les villages palestiniens voisins de la vallée de Crémisan.
Le tracé prévu laisserait en outre le monastère salésien sous contrôle
israélien, et le couvent du même ordre catholique de l’autre côté de la
barrière, divisant ces deux congrégations, établies là depuis 1891.
"Le mur met en danger tous les habitants de Beit Jala, les chrétiens
comme les musulmans", a déclaré à l’AFP le curé de Beit Jala, le père
Ibrahim al-Shomali, qui célèbre depuis deux ans la messe dans la vallée,
pour dénoncer ce projet.
"Cela touchera davantage les chrétiens parce que 99 % de la terre ici
appartient à 58 familles chrétiennes", souligne-t-il néanmoins. "Cela
pourrait pousser la communauté à l’exil, parce qu’après avoir perdu sa
terre, il ne lui resterait plus de raison de rester".
Le ministère de la Défense a affirmé à l’AFP que "le tracé de la
barrière de sécurité dans la région de Beit Jala était purement fondé
sur des considérations de sécurité", considérant que "sans cette section
de la barrière, Jérusalem reste ouvert et vulnérable".
La Coordination des évêques pour la Terre sainte, représentant plusieurs
assemblées épiscopales d’Europe et d’Amérique du Nord, s’est alarmée
d’une "perte de leur terre et de leurs moyens de subsistance" par les
habitants de Crémisan, à la suite d’une récente visite.
"Notre profonde inquiétude (...) est que ce mur de sécurité soit surtout
destiné à consolider les zones de colonisation et à séparer de manière
permanente Bethléem de Jérusalem", indiquent-ils dans un communiqué
mardi.
"Ce plan est comme un microcosme de la situation tragique en Terre
sainte, qui nourrit le ressentiment et la méfiance, et rend encore plus
improbable la solution si nécessaire", estiment les évêques, rappelant
que la barrière est illégale au regard du droit international.
La Cour internationale de justice (CIJ) a jugé le 9 juillet 2004 sa
construction illégale et exigé son démantèlement, de même que
l’Assemblée générale de l’ONU.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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